III/ Le capitaine de l'Hisebh (1/3)

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Odvar perdit son sourire. Il avait reconnu la voix du nouvel arrivant et préféra faire profil bas, sans toutefois relâcher Arkaën.

— Capitaine, le salua-t-il avec précaution, je croyais que le Général vous avait convoqué.

La mâchoire tremblante et les pommettes rouges sous sa barbe, le nouveau venu le toisa d'un regard dur avant de gronder tout bas :

— Je n'allais pas passer toute la journée avec lui. Lâchez ce garçon !

L'injonction claqua contre les murs et fit sursauter les marins. L'homme à la cicatrice reporta son attention sur le jeune elfe inconscient et serra les dents. Il était si près du but ! À contrecœur, il desserra son emprise et se releva, non sans lui lancer un regard haineux.

Arkaën n'eut aucune réaction. Un filet de sang s'échappait de la commissure de ses lèvres bleuies, et la moitié de ses wystern avait disparu.

— Soignez-le, exigea le capitaine d'un ton sans appel.

Le visage d'Odvar se ferma.

— Miral, marmonna-t-il en faisant un vague geste de la main.

Il rouvrit sa trachée pour le laisser respirer et guérit son poumon perforé. Quant aux contusions et côtes cassées, il les laissa telles quelles. Arkaën fut secoué par une toux violente. Il se tourna sur le côté et prit de grandes inspirations, hachées par la douleur.

Les poings serrés, le capitaine réprima un soupir de soulagement : qu'aurait-il fait si l'elfe avait péri ? Arkaën n'était pourtant pas sorti d'affaire, gisant sur le sol, à peine conscient de ce qui se tramait autour de lui.

L'adolescente blonde à ses côtés cligna des yeux et se mit sur le ventre avec difficulté. « Elle aussi » comprit le capitaine, affligé.

— La jeune fille également, gronda-t-il.

Celle-ci leva des yeux apeurés sur les deux hommes. Odvar serra les poings et il s'en fallu de peu que sa wansi n'envoyât pas son capitaine à travers la pièce. Il se contrôla, car il savait quelle punition l'attendait s'il cédait à la tentation, et jugula le flot de sang qui trempait la chemise de Kiarah. Elle gémit, car l'énergie grésillait au bord de sa plaie, reflet de la mauvaise volonté de son invocateur. Le capitaine pinça les lèvres mais il n'aurait pu en demander plus à son subordonné, qui menaçait d'exploser à tout moment. Traiter avec des wansiens récalcitrants était délicat et l'homme comprenait désormais pourquoi le royaume de Malié était si intransigeant dans l'éducation de ces prodiges.

Kiarah se traîna jusqu'à son ami et s'agenouilla. Les dents serrées pour contenir la douleur qui irradiait de son épaule, elle l'aida à se redresser et le soutint alors qu'il retombait en avant. Il s'appuya sur elle, de l'autre côté de la blessure, et attendit que sa tête cessât de tourner pour la remercier. Il darda ensuite sur Odvar un œil meurtrier, lourd de menaces. Ce dernier ne le remarqua même pas, trop occupé à se mesurer du regard avec son capitaine.

Arkaën détailla celui-ci avec suspicion : il était plus grand que lui et avait les yeux et les cheveux marron comme la plupart des humains. Des touches de gris parsemaient sa chevelure et sa barbe bien taillées, signe qu'il avoisinait la cinquantaine. Il était vêtu d'une longue veste bleu marine aux manches évasées par-dessus une ample chemise ainsi que de bottes à revers en cuir noir qui montaient jusqu'au genou. Il portait sur la tête un tricorne orné d'une plume rouge. Son visage buriné par le soleil était pour le moment congestionné ; on sentait qu'il était à un cheveu d'en venir aux mains avec son subordonné.

— Allez-vous enfin vous décider à parler ! Que font-ils ici ?

La bouche d'Odvar se déforma d'un rictus furieux mais ses lèvres restèrent scellées. Sa réaction fit sortir le capitaine de ses gonds.

Les Terres de l'Aube _Tome 1 : Minuit [PREVIEW - Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant