Shoot one

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Je posais devant le cliquetis de ces caméras, cherchant légèrement à me couvrir tant bien que mal, me récoltant quelques grondements de tonnerres provenant des photographes. Ils étaient tous avides d'apercevoir le morceau de viande que j'étais, m'ordonnant de dévoiler mes fines jambes au devant des objectifs. Le regard luxurieux, les mains se resserrant progressivement sur son appareil, l'homme tentait de se contenir, léchant le bout de sa lèvre de temps à autres. Je me sentais mal dans ma peau et cela se ressentait un peu plus à chaque minute qui défilait sur le cadran de l'horloge murale de la pièce illuminée.

Tic tac.

Relèves ton visage!

Tic tac.

Montres tes jambes!

Tic tac.

Aies un peu plus de tact! Il faut que les gens se disent "Putain! Ce que j'ai envie de m'le faire!" en voyant ta putain de photo!

Tic tac.

Écartes légèrement les cuisses pour chauffer!

Tout ceci devenait pire, et je n'avais pas mon mot à dire. Tout ce que je savais était que je ne pouvais m'opposer à mon photographe. Ce dernier était assez impulsif et les phrases malsaines qui sortaient d'entre ses lèvres sèches, venant se répercuter contre mes tympans de sa voix grasse, me donnaient la chair de poule. Je n'osais pas le repousser, du moins.. plus. Il y eut une fois, cette fois-là, où le courage m'eut monté au cœur et où je ne craignais plus la vie. C'était la seule fois où j'eus le culot de lui répondre, bien que j'en étais resté poli. Il me balançait ses phrases grossières comme à son habitude, et ma bouche s'était ouverte d'elle-même, sortant une phrase qui me qualifia d'insolant depuis cet instant. Par la suite, je m'étais pris coups de bâtons et ceintures sur mon épiderme blanc, et de nouvelles marques s'étaient encrées sur ce corps meurtri que je possédais. Chaque jour était un calvaire, et pourtant, il y eut un temps où je me réjouissais de poser élégamment devant des professionnels. Mais comme on le disait si souvent, ça, c'était avant. Le monde de la mode me décrivait "inexpressif". Je ne possédais pas de visage, de traits ou d'émotions dans mon regard. Je me contentais seulement de regarder au loin ou bien l'appareil de temps en temps, essayant du mieux que je le pouvais de garder cette facette infaillible lorsque mes chasseurs se trouvaient à l'horizon. Dans cette industrie, l'erreur n'était pas tolérée et le poids était un gros sujet sensible, sans mauvais jeu de mots. La façon dont je pensais n'était pas très optimiste, mais pas pour autant pessimiste. Je le savais moi-même, le jeune homme que j'étais devenu faisait partie des deux côtés, malgré la dépression qui s'installait petit à petit au fond de ma poitrine à la suite de ces péripéties, je ne perdais pas espoir, et espérais secrètement qu'un prince charmant ne vienne me sauver des filets de ces bourreaux, tout comme dans les contes féeriques, où tout le monde vivait heureux à la fin de l'histoire. C'en était hilarant aux yeux de mon ami, mais je ne pouvais m'empêcher de m'imaginer à la place d'une de ces princesses trouvant leurs princes comme par magie. Cet ami en question me répétait souvent que tout irait bien, même sans ces choses tout droit sorties d'un monde imaginaire, parce que toutes les personnes sur cette Terre vivait comme ils le pouvaient. Enfin, personne ne vivait, nous survivions dans ce monde, à la recherche d'une quelconque aide, qui deviendra notre raison de vivre. Je pouvais parfaitement considérer Chen comme celle-ci, cependant ce dernier avait déjà trouvé la sienne, sa perle noire, son bijoux, son âme-sœur, sa raison. Non, je n'avais pas abandonné même si tout me poussait à bout, et me relevais à chaque instant, attendant patiemment cette personne qui me redonnerait un sourire.

La fin de la séance annoncée, je me dirigeai rapidement vers ma loge, dans laquelle se trouvaient mes vêtements normaux, pour me rhabiller, toujours avec cette même vitesse. En me revêtant, J'observai mes côtes visibles dans le reflet du miroir murale dans la pièce, et les effleurai du bout de mes doigts, trouvant ceci fascinant, comme toutes les autres fois. Un soupire traversa la barrière de mes lèvres, me trouvant incroyablement pitoyable, et je cachai nonchalamment mon corps de ma vue, ne voulant surtout pas régurgiter le peu de nourriture que j'avais avalé le matin-même. Je sortis de ma loge avec un pas élancé, et bousculai quelque chose à l'intersection d'un des nombreux couloirs de cet immeuble. Ce choque me fit tomber à cause de la maigre force de mon corps, et je me retrouvai à terre en peu de temps.

Fais attention, non?!, s'écria un garçon, à la corpulence assez mince, à la chevelure blonde et au visage féminin. Il ne faut pas que j'abîme le visage numéro un de l'agence quand même!

- J-Je suis désolé. Excusez-moi.

- Eh.. T'es Byun Baekhyun?

- Oui. Comment le saviez-vous?

- T'es connu. À moins qu'on soit con, c'est pas trop possible de ne pas te connaitre, rétorqua le jeune homme.

- Je vois. Et puis-je savoir comment vous nommez-vous?, demandai-je d'une petite voix, en me triturant légèrement les doigts, n'ayant clairement pas l'habitude de discuter aussi longtemps avec une autre personne que Jongdae.

- Luhan. Xi Luhan.

Ce dernier avait bombé son torse, confiant, et étant fier de se présenter, malgré le fait que je ne le connaisse pas, l'avait légèrement vexé. Il entreprit à nouveau la conversation, s'enjaillant petit à petit en remarquant le sourire qui prenait lentement place sur mon fin visage terne.

Ouais et le pire, c'est quand les photographes te reluquent de la tête au pieds, en profitant bien de leur travail pour nous mater!, j'acquiesçai vivement de la tête, confirmant ce qu'avait relevé le blond. Ouah! Ma pause va bientôt se finir, tu veux peut-être.. Que l'on prenne notre repas ensemble? Je.. N'ai pas vraiment eu l'occasion de faire connaissance avec les autres..

Une grimace traversa mon visage lorsque le mot "repas" intervint dans notre discussion, et une remontée me menaçait insupportablement. Je ne voulais pas, ou du moins, je ne le pouvais pas. Je ne trouvais aucune excuse pour décliner l'offre de mon nouvel ami, de plus, la petite moue qui m'était adressé était tout bonnement à croquer. Mon cœur passant au-dessus de ma santé, je marchais dans les couloirs, cette fois-ci, accompagné de Luhan, une nouvelle rencontre, et non seul, comme j'avais si bien l'habitude de l'être, en direction d'un restaurant proche de notre lieu de travail.

Anorexia -CHANBAEK-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant