Shoot ten

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Je marchais le long des couloirs, tentant de faire abstraction des crampes qui me rongeaient l'estomac. Mes intestins grognaient et ma gorge se tendait douloureusement. Je sentais quelque chose monter au niveau de mon oesophage, mais qui refusait de sortir coûte que coûte, comme si une limite lui était imposée. Lorsque j'effectuais un pas, la fatigue m'emportait peu à peu, tandis que mes paupière me pesaient aux yeux et que mon coeur prenait un rythme reposé. Là, maintenant, je pourrais me coucher au sol, et m'endormir en un instant si l'envie me disait. Mais je me retenais, tant bien que mal, sachant pertinemment que Junmyeon détestait les retards. Il m'attendait de pied ferme au cadran de sa porte, une expression sérieuse abordée au visage, et les bras croisés, ayant plus qu'assez d'avoir patienté pendant un bon quart d'heure déjà. Je me courbai élégamment, lui soutirant un sourire rieur, puis il nous fit rentrer tout deux dans son bureau, souhaitant un peu d'intimité. Le pourpre prit place sur son grand siège noir en cuir, qui avait une vue imprenable sur tout Séoul, dans l'un des plus grands immeubles de la ville. Junmyeon commença à tapoter ses doigts sur l'un des bras du fauteil, et me demanda subitement:

Combien de kilo' tu fais?

Je clignai une bonne quinzaine de fois avant de réaliser ce qu'il avait prononcé. Qu'étais-je supposé lui répondre? Un mensonge, ou une vérité? S'il me le demandait, avec un air comme celui-ci, cela voulait sûrement dire qu'il savait d'avance où cette conversation se menait. Je ne pris pas plus de risque et lui répondit d'un calme infaillible:

Quarante et demi..

Son visage se crispa, et le bruit de ses ongles contre le métale de la chaise cessa. C'était mauvais signe. Il me fixa froidement, et me réprimanda comme un parent l'aurait fait avec son enfant.

Et tu crois vraiment que les autres vont t'aimer avec un physique comme le tien?

- Non, monsieur.

- Alors, pourquoi? C'est beaucoup trop, Baekhyun!, il souffla parresseusement et reprit calmement, concentres-toi sur ton poids maintenant, parce qu'autrement, rien n'ira.

"Trop".. À partir de ce mot, mon cerveau ne suivait plus le son de sa voix, et mon esprit vagabondait dangeureusement vers cette pensée sombre d'autrefois. Je me permis de me déccrocher un sourire ironique et le regardai de mes yeux vitreux.

Excusez-moi. Je ne ferai plus jamais cette erreur.

Soudainement, il se leva de son siège et me prit par surprise, pour me noyer dans son accollade chaleureuse. Je n'en demandais pas mieux, puisque c'était la seule chose qu'il pouvait faire: me réconforter, quelles que soient les circonstances.

Il me relâcha, une moue s'installant progessivement sur son beau visage, et me proposa d'aller me rafraîchit les idées avec une pause, dû à mon travail acidu. J'acceptai volontier, et quitta son bureau dans le but de me rendre dans la salle de repos. Sur le chemin, dans le hall, un buffet était installé, présentant diverses variétées culinaires. L'odeur venait me chatouiller les narines, et l'appel à la faim résonnait tellement fort que des maux de tête venaient m'assomer de l'intérieur. Je me rattrapai de justesse à un des pilliers situés ici, et essayai sans succès d'arrêter ce bruit infernal qui me trotait dans la tête. Mon estomac se nouait sans que je ne puisse y faire quelque chose, tandis que mon esprit s'en allait peu à peu. Soudainement, le sol se déroba sous mes pieds, et mon équilibre se perdit quelque part, me laissant basculer en avant avec une certaine délicatesse. Je me préparais mentalement à sentir une quelconque douleur, ou autre, mais rien de cela. Deux bras m'avaient recueilli au dernier moment, embrassant mes courbes avec ses grandes mains chaleureuses. Surpris de la douceur dont avait fait preuve cette personne, je me relevai, réunissant toutes mes forces, afin d'apercevoir une chevelure flamboyante, les mèches virvoltant de part et d'autre son visage. Son expression avait beau être presque inexistante, comparée à celle de l'écran, mais il n'en restait pas moins bel homme.

Est-ce que ça va?, me demanda-t-il de sa voix profondément grave, pouvant enterrer quiconque l'entendant.

- Euh.. Oui.., merci beaucoup.

Je fis de gros efforts pour ne pas fermer les paupières, et m'effondrer une seconde fois, alors qu'il me tenait le bras, ne me relâchant guère depuis ma chute.

Je t'en prie, il prit un instant, avant de poursuivre, je suis désolé mais tu pourrais m'emmener au studio où se trouve Xi Luhan, s'il-te-plait?

- Oh! Mais bien sûr!, m'exclamai-je d'un grand sourire.

- Haha, tu as l'air bien enthousiaste. Vous êtes amis?

- Oui! C'est un ami proche, lui répondis-je en me ressassant ma rencontre avec le blond. Et puis, il m'a déjà parlé de toi. Je te remercierais jamais assez de l'avoir sauvé. Merci infiniment》, continuai-je en baissant mon regard vers mes chaussures.

Il ne rétorqua rien de plus, et me suivit alors que je débutais le pas vers Luhan. Je toquai deux fois à la vitre transparente, comme ce jour-là, et une voix des plus mélodieuses m'ordonna d'attendre. La porte s'ouvrit sur un Luhan, une tenue assez chic sur le corps, et les cheveux légèrement en bataille, ainsi qu'un chapeau noir, embelli d'un ruban bleu. Il me sema un baiser sur la joue et dirigea subitement son regard vers la droite, dans la direction où se trouvait son amour caché. Ses joues prenaient doucement une couleur rosée, et ses lèvres tremblaient, sûrement d'excitation, sachant l'attirance qu'il éprouvait pour ce jeune homme.

S-Sehun.. Qu'est-ce que tu fais ici?

- Je n'ai pas le droit de te rendre visite?, dit-il simplement d'un sourire en coin. Tu es beau aujourd'hui.

- Je... Haha! M-Merci!》, bégaya adorablement Luhan en se triturant les doigts.

Je me retirais silencieusement, faisant attention à ce qu'ils ne remarquent pas mon absence, pour les laisser rattraper leur temps perdu, et me mis à errer dans les couloirs, pour la énième fois de la journée. Je n'en pouvais plus, il fallait que je mette à penser à autre chose. La douleur s'intensifiait au fur et à mesure que j'y pensais, et l'envie de cracher mes poumons me caressa l'esprit. Une toux violente s'en prit à ces derniers et la force me quitta entièrement après la dernière toux que j'eus sortie. Ma vue se flouta immédiatement, mon corps subit la gravité qui m'entourait, et je partis vers le pays des rêves, à contre-coeur.

Anorexia -CHANBAEK-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant