Anorexia -CHANBAEK-

Shoot five

Je pénétrai cet immeuble pour la dernière fois, aux côtés de Luhan, un rictus à nos lèvres, et nous nous dirigeâmes vers le bureau de notre futur ancien patron. Nos cauchemars allaient prendre fin et nous nous réjouissions d'avance. Un poing qui se retentit sur le bois de la grande porte, puis un second, et une voix grasse nous arrachant une multitude de frissons résonna à travers les murs pour se répercuter à nos tympans agressés. Nous nous jetâmes un dernier regard entendu pour nous donner un courage suffisant commun, et nous rentrâmes dans la pièce, ornée de photographies affichant ses deux modèles favoris, en l'occurrence, Luhan et moi. 

《Que me vaut ce plaisir?, nous interrogea-t-il en nous deshabillant mentalement de la tête aux pieds.

- Nous venons pour vous donner notre démission, Monsieur, fit le blond alors que Monsieur Kim releva subitement la tête, outré.

- Et qu'est-ce qui vous a fait penser que vous pouviez partir d'ici, l'agence qui vous a pris sous son aile et qui vous a aidé à lancer votre carrière malgré votre inexpérience?

- Rien, si ce n'est que la façon dont vous nous traitiez et le bas salaire que nous recevions.

- Comment osez-vous?!

- C'est simple, un peu d'audace et d'insolence comme vous nous l'aviez si bien reproché, me permis-je de répondre.

- Bande d'ingrats! Vous recommencerez tout à zéro si vous décidez de nous quitter, nous menaça-t-il en nous foudroyant de son regard froid. Vous ne seriez plus rien, rien!

- Oh! Mais Monsieur! Ne vous inquiétez pas. Nous serons très bien pris en charge.

- Vous ne vous en tirez pas aussi facilement.

- Je ne vous le fais pas si bien dire, nous interrompit un homme qui ouvrit la porte brusquement, vêtu de noir.

- Qui êtes-vous? Qui vous a autorisé à entrer dans mes bureaux?!, hurla Monsieur Kim fou de rage tout en balançant ses poings sur sa table.

- Mais voyons! Auriez-vous oublier le doux visage de votre fils, cher père? Il retira son masque et son bonnet, nous révélant un jeune homme au teint frais et au regard perçant. Ah! Mais que suis-je bête! Je ne le suis plus depuis que vous m'aviez chassé de la maison familiale, n'est-ce pas?

- Junmyeon.

- Suho?

- Bonjour Luhan, bonjour Monsieur Byun. Nous horchâmes tout les deux la tête en signe de politesse.

- Sors d'ici immédiatement!

- Père, si je ne puis m'en abuser. Je suis venu pour les récupérer et non pour vous rendre visite. À partir d'aujourd'hui, ils font partie de notre agence, la "LOEY's".

- Ce n'est pas aussi facile que cela, Junmyeon, nargua le directeur d'un rictus. Il se rassit correctement dans son fauteuil et posa ses coudes sur le plat de son bureau, plaçant son menton sur ses mains, et se mettant à fixer nous autres d'un air hautain.

- Je ne suis pas votre fils pour rien, contesta le jeune aux cheveux pourpres. Je suis aussi fourbe que vous.

- C'est qui?, chuchotai-je à l'oreille de mon ami.

- Kim Junmyeon. Le fils de Monsieur Kim Sooman et le nouveau directeur de la "LOEY's" à partir du mardi prochain.

- Et c'est pour ça que je dois m'assurer du bon fonctionnement de ma future agence, aux côtés de professionnels que j'aurai choisi avec soin. Et ils viendront avec moi.

- Je ne crains que non!

- Et moi je ne crains que oui, très cher père.

- Tu n'as aucun droit de le faire, tenta-t-il de riposter, postillonant tant il était frustré. Je peux parfaitement lancer une poursuite judiciaire.》

Junmyeon jeta un dossier rempli de papiers aussi encrés les uns que les autres, exposant clairement l'abandon de son enfant, violence conjugale, harcèlement sexuelle, et abusement divers. Le directeur Kim était dans un cul-de-sac. Aucune échappatoire ne se présentait à lui, et il était contraint d'admettre que son, autrefois fils, l'avait battu à plates coutures. Ce dernier se tenait droit, un sourire amusé, affiché au visage, sachant exactement ce à quoi son géniteur pensait, et semblait s'en délecter inlassablement.

《Je te l'avais dit, murmura le blond en m'adressant un clin d'oeil.

- Ce n'est pas Monsieur Park le directeur de la "LOEY's"?

- Non. Non, non, non. Enfin si, mais celui que j'avais au téléphone était son fils, haha! Son père est le directeur en ce moment même, mais prévoit de laisser les directives à son secrétaire, Kim Junmyeon. Il est comme un fils pour lui et Monsieur Park veut que son fils continue sa carrière de mannequin. Il a recueilli Suho quand il en avait le plus besoin, il lui doit bien ça.

- Tout à fait, Luhan. Sur ce, père, veuillez bien nous excuser tout en acceptant ces démissions, fit Junmyeon en gardant un ton formel même s'il s'agissait de son père.

- Allez vous faire foutre!》

Le vieil homme renversa tout ce qui se trouvait sur le malheureux bureau de sa salle personnelle et nous laissa quitter les lieux sans interventions de sa part. Son fils lui avait trouvé les défauts qui allaient l'emmener à sa perte, et je remarquai sa forte envie de rester en liberté, à errer dans le péché malgré lui. En sortant pour la dernière fois de cet immeuble, un sentiment de bien-être m'envahit paisiblement, tandis que le doux vent venait s'emmêler à mes mèches corbeaux. C'en était tout à fait relaxant. Cependant, quelque chose me tracassait tout de même, restant dans un coin reculé de mon coeur, m'assaillant d'une sensation malaisante, comme si l'on me pinçait le coeur. Les évènements s'enchaînaient beaucoup trop rapidement, et le bon flux de ceux-là m'effrayait. La peur et l'opression qui m'avaient affecté ces dernières années, m'avaient rendu vulnérable, au point de craindre ce futur que je convoitais tant. "Il n'était plus question de poids", me répétai-je, néanmoins, le contexte demeurait similaire. Que ce soit de masse ou bien de fardeau, j'avais un poids qui m'empêchait d'aller de l'avant dans un chemin illuminé par toutes ces nouvelles rencontres. Je ne pouvais être gourmand davantage, j'avais enfreint de nombreuses règles me permettant de me tenir éloigné de ces impuretés. L'avarice de gloire, la colère contre moi-même, l'envie de ces mannequins bien sculptés aux visages parfaits, la gourmandise d'un avenir plus étincellant que celui-ci, la paresse de me sortir de cet enfer. Tout ceux-là m'étaient passés sur le corps, du bout des doigts des pieds au crâne, faisant bien attention à faire trembler ma poitrine de terreur au passage. Seuls l'orgueil et la luxure se contenaient de m'attaquer, gardant un peu plus longtemps leurs armes pour plus tard. Chaque chose en son temps. Je n'étais qu'un pécheur. Et j'ai péché.

《Alors, c'est toi Byun Baekhyun.》