Shoot two

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Je songeais à ce que ma vie aurait pu devenir si je n'avais jamais eu un tel rêve. Pourquoi avait-il fallu que je n'idéalise ce métier qui était désormais en train de nuire à mon existence? "Tu es magnifique! ", me disaient-ils. "Tu as un beau corps! ", ajoutaient-ils par la suite. Mensonges, tout ceci n'était que mensonges, empilés les uns sur les autres, jusqu'à créer une barrière pour me priver de ma vue et m'attendrir sur de douces paroles. Seulement, ce qu'ils ignoraient était que je savais parfaitement la « chose » que j'étais devenu. Année sur année, bien d'obstacles m'étaient passés sur le corps, me mutilant à divers endroits invisibles à l'œil nu, et aveuglant le monde extérieur. Plus je voyais ces personnes idolâtrer les modèles, plus je me sentais sale à l'égard des regards admiratifs de ces fans qui tentaient de nous ressembler. Je n'avais pas spécialement une dent contre les autres mannequins, mais il ne fallait pas se voiler la face, nous étions des monstres à hypnotiser de pauvres gens innocents qui cherchaient à nous atteindre. Et pourtant, j'étais l'un d'entre eux autrefois. Jadis, je tournais cette page qui m'éblouissait la pupille, me dévoilant des silhouettes élancées et des expressions professionnelles me donnant la chair de poule. Un sourire venait toujours prendre place sur mon visage auparavant de poupée lorsque ma rétine rencontrait ce jeune garçon sur la feuille colorée. Il semblait si heureux à travers cette photo, il respirait la joie de vivre et c'était le commencement de mon envie. Chaque jour, il apparaissait sur une nouvelle page de magazine ou à la télévision pour souffler son exploit sur les autres personnes. Cela pouvait sembler arrogant, mais ce garçon n'était pas comme tous les autres à mes yeux. Même s'il m'avait conduit à une telle impasse, je ne pouvais retirer toutes les éloges que je lui adressais au-dessus de mon journal intime, bien caché sous le matelas de mon lit. Ses lèvres qui se relevaient progressivement sur ces interviews étaient tout bonnement exquises. Il me redonnait cette envie de vivre à ces instants, tandis que mon esprit vagabondait peu à peu vers ce rituel auquel beaucoup d'adolescents s'adonnaient. Le morceau de métal posé sur le rebord de mon lavabo me lançait un appel suppliant, jetant un reflet agréable sur la vitre de ma chambre. Imaginer ce rouge glisser sur ma peau me procurait des frissons inexplicables et l'idée de regagner quelques couleurs ne m'était point répugnante. Mais je luttais, pour ne pas inquiéter mon seul ami, et lui causer davantage de problèmes que je ne faisais déjà. Je n'avais plus de famille depuis une bonne dizaine d'années, et cela ne me dérangeait pas plus que cela. Chen me suffisait amplement, puisqu'il pouvait très bien incarner la mère, le père et le frère ou bien la sœur que je n'avais jamais vraiment eu la chance d'avoir. Bien que je pouvais compter sur lui, je ne l'embêtais pas plus en lui raconter mes problèmes et mes craintes, de peur qu'il ne puisse plus me supporter, alors je gardais. Je gardais tout ceci pour moi-même et les enfouissais au plus profond de moi pour que personne ne puisse lire en moi. Je m'étais bâti une sorte de bouclier, craignant que quelqu'un d'autres ne se blesse avec mes idioties. Et cela me convenait parfaitement. Il n'y avait nul besoin qu'une seconde personne ne souffre, je pouvais très bien supporter cette douleur seul.

Je revins subitement à mon temps, celui auquel j'exerçais ce fichu métier, et constatai que mon téléphone vibrait intensément, à l'attente que je ne réponde à l'appel lancé à l'autre bout de la ligne. De mes doigts tremblants, je me saisis de l'objet, et répondis d'une voix monotone, luttant contre l'envie de m'endormir sous la faiblesse qui m'écrasait.

Baekhyun, rends-toi au studio maintenant. C'est assez précipité, mais il y a un shooting photo en collaboration avec l'un des modèles de notre agence. Grouilles-toi.

Ne me laissant guère le temps de lui répliquer une réponse adéquate, il me raccrocha au nez, faisant passer le message clairement. Il fallait que je me dépêche. Je me vêtais à une vitesse que je ne me connaissais pas, et partis en direction de mon lieu de travail, bien que j'avais fini mes heures, et qu'il était vingt-trois heure et quelques du soir. Nous ne pouvions pas objecter le choix de notre directeur, l'ordre était absolue. Arrivé sur place, je me rendis à cette salle que je maudissais tant, en prenant le soin de faire retentir mes phalanges sur la vitre floutée de l'entrée du studio. La porte s'ouvrit de l'intérieur, dévoilant un membre de l'équipe, alors qu'un jeune homme, aussi fin que lui, prenait des poses outrageuses sur le sol blanc de la pièce, tout en regardant l'objectif de mon photographe avec provocation. Il me paraissait familier, et je confirmai mes doutes en m'approchant du mannequin, reconnaissant celui de la dernière fois.

C'est pas trop tôt ! Portes les vêtements à ta droite et rejoins-le! 》, me hurla-t-il, poursuivant ses cris les uns sur les autres afin de guider le blond, et en me faisant un geste paresseux de la main.

Je m'activais, ne lâchant surtout pas mon regard de la personne qui se trouvait sous la lumière des projecteurs, me faisant charmer par cette perspective envoûtante. Luhan s'y prenait bien, même très bien. Et je ne pouvais qu'être ébahi par le professionnalisme dont il faisait preuve. Je me mis rapidement en place, à ses côtés, attirant le regard des personnes de la salle, et commençai à prendre des poses qui m'étaient attribuées. Le blond m'offrit un sourire amicale, que je lui rendis par ailleurs, et nous commençâmes notre séance commune. Les voix grasses que nous avions l'habitudes d'entendre s'élevèrent en l'air, nous balançant des propos déplacés, alors que nous nous retenions, gardant notre « insolence » pour nous-même. À un moment de la séance, je vis que mon nouvel ami n'en pouvait plus et était à deux doigts de leur sauter au cou, je lui pris donc la main, et lui caressai l'intérieur de sa paume, à l'aide de mon pouce afin de l'apaiser du mieux que je le pouvais. Nous étions pareils au fond. Et nos photographes en étaient ravis de ce contact physique. Ils ne se gênaient pas pour nous déshabiller mentalement à travers nos tissus, et s'imaginer de terribles choses perverses avec leurs esprits vicieux. Luhan et moi s'assîmes sur le sofa à notre disposition, afin de rajouter une touche de couleur aux photos, et entremêlâmes nos jambes ensemble, dans le but d'ajouter un peu de sensualité, parce que nous nous le devions. Nous étions les vedettes de notre agence, et toutes les idées, bien qu'outrageuses et obscènes étaient acceptées. Le malaise s'y sentait, et je manquais de m'effondrer à plusieurs reprises, tant la fatigue me gagnait à chaque minute.

Anorexia -CHANBAEK-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant