Shoot three

1.7K 232 43
                                        

La pluie battait fort contre les carreaux de la vitre transparente, tandis que des bourrasques de vents venaient frapper les branches d'arbres de l'extérieur. Je ne savais pas quoi en penser de la météo de ces jours, mais ce qui était sûr, était qu'il n'en faisait qu'à sa tête. Je redirigeai mon regard vers le blond installé en face de moi, parlant de tout et de rien. Depuis le début, il n'avait cessé de discuter de la vie et des divers problèmes l'accompagnant. Et je ne pouvais pas lui en vouloir, être en compagnie d'un ami dans cette agence mettait du baume au cœur. Il était assez difficile de sympathiser avec le monde extérieur, et Luhan était sans doute heureux de trouver quelqu'un avec qui enfin parler. J'étais dans le même cas que lui, mais en un peu plus discret. Je n'osais pas trop prendre la parole, de peur de ternir l'ambiance qui flottait agréablement entre nous deux, tandis que la fumée de nos cafés noirs soufflait leur chaleur sur notre peau blanche. Nous n'aimions pas forcément le goût amer de ce liquide, mais il nous était indispensable après cette séance épuisante. Nous n'avions pas pu fermer l'œil de la nuit, et la fatigue nous assommait rapidement. Nous avions à peine terminé notre shooting, qu'il nous restait tout juste quatre heures avant de commencer le travail fixe. Nous prîmes une gorgée de notre breuvage, et reposâmes nos tasses sur le bois vernis du petit café, où nous nous trouvions.

Baekhyun.. Je sais que l'on ne se connait seulement depuis quelques jours, mais je sais que tu n'es pas comme ce que les médias prétendent qui tu es.

- Merci.. Luhan, c'est inhabituel que tu sois aussi sérieux.

- Peut-être bien oui, haha. Je dois te l'avouer. Je suis loin d'être une perfection et encore moins un exemple à suivre, et vivre avec un travail pareil ne me rend pas heureux du tout. Tu vas sûrement me dire que tout le monde ne peut pas forcément l'être, mais le mannequinat est un métier essentiel pour moi, et c'est en train de tout me détruire, il prit une pause avant de continuer sa tirade d'une voix lasse. Poser devant des caméras et transmettre une émotion avait toujours était un travail méticuleux pour moi. Et je ne peux pas me résoudre à tout laisser tomber alors qu'il m'en a fait la promesse.

- "Il"?

- Oh Sehun.

- L'acteur Oh Sehun? Celui qui a remporté le prix du meilleur acteur deux-mille dix-sept?!, m'exclamai-je hébété. Il se contenta de hocher la tête, confirmant le peu de doutes qu'il me restait. Vous avez quelle relation?

- Amis.. Juste amis, alors ne penses même pas à ce que je crois que tu penses!, s'écria-t-il le visage écarlate.

- Et, à quoi veux-tu que je pense à ce que tu crois penser que je pense?

- Il y a juste une table qui nous sépare, mon p'tit bacon. Je n'aurais aucun scrupule pour te balancer ce café infâme à la face.

Devant le sérieux qu'il abordait sur ses traits enfantins, je ne pus qu'éclater de rire, lâchant un poids retenu depuis bien trop longtemps. Nos yeux se plissaient de joie, nos gorges se tendaient douloureusement, mais les bonds de nos cœurs se répercutaient agréablement contre nos poitrines. Était-ce cela avoir un ami? Rigoler bêtement, sans même se soucier de ce qui nous entourait et du regard que l'on pouvait attirer à notre insu? Si une amitié était bel et bien comme ceci, j'aurais voulu rencontrer Luhan un peu plus tôt. Cependant, vaut mieux tard que jamais, n'est-ce pas?

Luhan regagna calmement son sang-froid, et précisa encore une chose, qui me mit immédiatement en accord.

Ça te dirai que l'on quitte cette agence pour une autre ? Celle de mon ami ?

- Et comment ! Mais pourquoi ne pas être parti plus tôt ?

- Je n'avais pas le courage. Tu as bien vu le comportement des salariés de « MM'1 » ? Des vrais obsédés!, haussa-t-il la voix en abattant son poing sur la surface de la table, manquant de peu de faire tomber nos tasses, bien que cela ne m'aurait aucunement dérangé.

- Ils veulent juste rendre nos clichés plus attrayant, tentai-je de le calmer, même si ceci s'avérait être inutile puisque dans ma tête, je ne les traitais seulement de tous les noms. Assez contradictoire.

- Oses répéter ça, et je t'ouvre le ventre comme au Japon.

- Ouais, dans le temps. Mais avoues-le. Avec ces photographes, nous avions reçu beaucoup plus de succès.

- Est-ce que c'est vraiment le succès que nous voulions ? Avons-nous réellement commencé le mannequinat pour la gloire? 》, me demanda-t-il, un air légèrement morose sur le visage, alors que ses épaules s'affaissaient petit à petit, évidemment déçu de devoir me le faire réaliser.

Comme un éclair m'électrifiant de plein fouet, je me réveillai, sortant de ma transe qui avait sûrement durée pendant de nombreuses années, me faisant subitement revenir à la réalité. Comment avais-je pu oublier tout cela ? Il semblerait que la popularité m'ait monté à la tête, m'aveuglant comme les victimes de la mode que je craignais, faisant retomber le piège sur moi-même, malgré toutes les pensées envers les autres, sans même savoir que ceci pouvait également me concerner. Mon regard se durcit instantanément, alors que mes lèvres s'ouvrirent pour la seconde fois, m'autorisant à faire paraître mon avis sans aucune restriction et aucun châtiment.

Qu'est-ce qu'on attend ? Démissionnons, Luhan!》, hurlai-je, faisant retourner cinq, ou six têtes en notre direction.

Nous nous échangions un coup d'œil entendu, et nous nous levions, déterminés à prendre le contrôle de nos vies, et non subir comme nous l'avions fait auparavant. Néanmoins, même si la détermination se trouvait au fond de mes yeux, je redoutais le futur que la vie allait me présenter. Après tout, le jeu n'était pas encore décidé.

Un grand sourire apparut sur les lèvres minces du blond, tandis qu'il sortait son téléphone de sa poche, afin de passer un appel, sûrement avec l'ami en question dont il me parlait il y a quelques instants. Trois "bips" sonores retentirent avant que la personne à l'autre bout de la ligne ne réponde d'une voix magnifiquement rauque, m'envoyant une dizaine de frissons dans le dos. J'ignorais ce qu'il se passait, mais cette personne faisait réagir ce côté de moi qui n'avait pas vu le jour depuis bien trop longtemps. Et, je ne saurai le dire, mais cette voix me semblait si nostalgique et si lointaine, un peu comme un rêve, bien qu'elle ne m'était jamais parue de toute mon existence.

Oui, Park à l'appareil.

L'inconnu fit résonner sa voix avec une intonation légèrement grave, mais pas moins douce, et un timbre mielleux, me faisant visiter un royaume de mille et une douceurs interdites. Cela sonnait ironique avec la situation qui me faisait face.

Anorexia -CHANBAEK-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant