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Alors, pour en revenir à la question initiale : Est-ce que je me soucie de ce que pensent les gens ? Déjà, et c'est un élément essentiel de la réponse, je ne crois pas qu'il y ait « les gens ». Je crois qu'il n'y a que des personnes, et je me soucie de l'avis de certaines d'entre elles, mais seulement certaines. Je me soucie de l'approbation de ces personnes alors ça me fait de la peine quand je ne l'ai pas, et je cherche à comprendre pourquoi. Des fois, ça tient plus à qui ils sont eux qu'à qui je suis moi, alors oui je m'en moque. Des fois, en parlant je réalise qu'ils ont raison, et je mets ça sur ma liste d'objets de réflexion. Je ne change jamais pour les autres mais des fois ils m'inspirent un changement. Au jour le jour, mon comportement est réglé par qui je suis, ce que je veux, ce qui est important pour moi, et pas par ce que l'on attend de moi ou par ce que pourraient penser des gens que je ne connais pas. Je m'en fiche s'ils me trouvent différent et je m'en fiche s'ils me trouvent comme tout le monde. Je crois que les gens ne nous verront jamais dans toute notre complexité : ça prend trop de temps de connaître totalement quelqu'un. Et je ne pense pas que ce soit nécessaire. On essaye de s'en approcher le plus possible, de leur montrer le plus possible de ce qui fait ce que l'on est, mais on ne peut pas se permettre d'être déçus quand ils nous voient à leur manière et pas à la notre. On tend vers ça sans jamais l'atteindre, mais ce n'est pas grave : c'est ce que j'essaye de dire à Nora jour après jour. Après tout, peut-être que certaines personnes sont destinées à trouver ça grave, ou peut-être qu'elles ont choisi de refuser de se résigner à l'idée que ça ne l'est pas. Contrairement à Nora, je me sens toujours autant moi-même même si personne d'autre ne me vois comme je me vois moi.

La seule chose que je ne supporte pas, c'est quand les gens se méprennent sur mes intentions et interprètent mal ce que je dis ou ce que je fais. Alors après tout, peut-être que je me soucie de leur opinion, mais dans un pur esprit de justice et de souci pour la vérité. Nora dit que tout le problème est là pour elle aussi. Elle dit que si on se soucie de ça on se soucie du reste, parce qu'on ne peut pas vraiment comprendre les intentions de quelqu'un si on ne sait pas qui il est vraiment et pourquoi il fait ce qu'il fait et pourquoi ça compte autant pour lui. Que voulez vous ? elle trouve tout important et a l'impression de mentir si elle ne livre pas toutes les nuances de sa pensée ; c'est un cas désespéré. Mais je ne la voudrais pas autrement ; il faut admettre que c'est adorable, et que l'intention est honorable. Et puis surtout elle a raison. Les choses sont comme elles sont alors autant s'y résigner. Mais elle a raison c'est dommage ; elle a raison c'est important. La triste réalité est simplement que la plupart des gens sont de piètres traducteurs. Admettons que je sois en train de traduire une phrase de l'anglais au français : plusieurs synonymes sont possibles, et pour choisir le plus approprié, je dois retrouver l'intention de l'auteur, en me basant sur le contexte que je trouve dans le livre, sur ce que je sais du personnage qui prononce la phrase, ... Et cette première étape, traduction de la phrase dans le langage des significations,a lieu chaque fois qu'on entend qui que ce soit dire quoi que ce soit. J'ai été plus que confronté à cette idée que Nora ne peut pas accepter : chaque traduction est imparfaite. A chaque fois, un bout de sens se perd. Mon avis est que ça ne veut pas dire que le livre ne vaut pas la peine d'être lu. Lisez-le en version originale si vous pouvez, mais mieux vaut la traduction que rien du tout. Parce que sinon, ce ne sera pas juste un peu de sens qui se perdra,mais un milliers d'idées auxquelles vous n'aurez jamais accès. La plupart des gens ne comprendrons jamais toute la signification de tout ce que vous racontez. Tout simplement parce qu'ils n'y accordent pas suffisamment d'importance,parce que pour eux ça ne change pas grand chose et ne vaut pas l'effort. Pour eux ça ne vaut pas le coût, fourni r l'effort qui serait requis pour s'assurer qu'ils vous ont bien compris. Aucune traduction n'est parfaite, la compréhension n'est jamais parfaite. Nora refuse de se résigner à cette idée. Peut-être qu'elle m'aime parce que je suis fort en traduction.

Comme elle nous apparaîtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant