Les yeux de Mira s'arrondissaient à mesure qu'elle prenait conscience des paroles de Vulkain, interdite.
- Comment oses-tu la comparer à cette beauté fade ? s'offensa-t-elle.
La lionne le fixait de ses pupilles électriques : jamais elle n'eût imaginé cet aveu qui ressemblait si peu au colosse. Un soupçon d'empathie vint remplir son regard d'outre mer, et la Déesse continua, plus douce.
- Certes, elle a ce même visage angélique, ces mêmes yeux noisette qui, dans leur désarroi vous envoûte, mais elle ne la remplacera jamais... Et tu le sais.
Vulkain la dévisageait en silence. Pour la première fois dans son regard de pierre, Mira y distingua de la tristesse.
- Bon je crois que nous en avons a fini pour aujourd'hui, fini-t-elle par annoncer.
D'un geste empreint d'exaspération, la lionne dissipa la bulle silencieuse.
A présent entendue de tous, Mira s'adressa, déterminée, à Diane.
- Je sais que je ne pourrai vous empêcher de vous rendre en enfer... Mais je ne m'en rendrai pas complice pour autant, et n'en assumera non plus les conséquences. Vous n'aurez pas ma pierre.
À ces mots, la déesse se dirigea, d'un pas ferme vers Tone.
- J'ai un commerce à faire tourner, moi. finit-elle par déclarer.
On ne distinguait plus que son ombre allongée projetée sur les terres desséchées sous ses pieds par les rudes rayons du zénith, quand Diane tourna le talon vers les profondeurs de la forêt. A l'opposé de celle-ci.
Il ne restait plus devant la petite maison que son propriétaire et son hôte.
D'un regard succinct, Vulkain intima à Rollo l'ordre de le laisser seul. Le jeune homme aperçut à la froideur singulière de ce coup d'oeil, la discordance intérieure à laquelle était soumis le géant. Lequel ? Il ne le savait pas. Rollo n'avait été que spectateur de cet étrange spectacle et restait dans l'incompréhension la plus totale. Que pouvait bien avoir provoqué telle réaction chez le flegmatique Dieu de la Guerre ? Que faisait Diane chez la Déesse de la paix ? et pourquoi Vulkain l'y avait-il envoyée ?
Se posant ces questions, le joyeux Borgne alla retrouver une Mira au visage fermé à l'auberge. Il rejoignit le comptoir où la lionne servait un homme aux cheveux prune qui lui était vaguement familier.
- Combien vous dois-je ? l'interrogea-t-il d'un ton aussi morne que les traits tirés de Mira.
- C'est pour moi aujourd'hui, ne vous en faites plus, dit-elle, une main sur son épaule, l'autre lui tendant un verre d'étrange liquide vert. Tenez, ça vous fera du bien : un alcool de ma confection ! s'enhardit-elle soudain un peu.
L'homme la remercia d'un humble mouvement de tête avant que la Déesse ne se tourne vers Rollo. Celui-ci, n'étant décidément pas au bout de ses surprises s'étonna d'un tel comportement.
- Ça ne te ressemble pas d'offrir à boire à tes clients. En plus à un homme... fit-il sur le ton de la plaisanterie, tentant d'apaiser le trouble qu'il voyait dans son regard.
Habituellement complice de ses plaisanteries, Mira rendit au jeune homme son sourire, puis, reprenant son sérieux, se pencha sur le comptoir et lui murmura :
- Le pauvre bougre à perdu sa femme, c'est la moindre des choses...
Le jeune homme acquiesça tristement et la gérante retourna à ses clients. Il aimait la regarder s'affairer à son commerce. Elle allait et venait entre les tables de bois basse, grand sourire à ses clientes, moins évident à ses clients. Mira était, en plus d'une Déesse, une très belle femme. Elle se faufilait avec grâce et adresse entre les tables hérissées de bouteilles entamées et les éméchés du soir. Quand, sous l'emprise de l'alcool, ils perdaient toute contenance, elle savait les amadouer sans les froisser, sûrement grâce à la profondeur de ses yeux bleutés.
Parlant de clients irrités... Rollo, sentait de l'agitation derrière lui.
Il était pourtant trop tôt dans l'après-midi pour s'enivrer et, à cette heure, il n'y avait pas grand monde.
Que se tramait-il ? Rollo entendait des grognements hostiles non loin du comptoir. A de nombreuses reprises l'on tenta de s'en prendre à lui au village, mais jamais en tel endroit. Pour cause, le fort caractère de la lionne en dissuadait plus d'un. Mais visiblement pas ces trois peu ragoûtants personnages. Lorsqu'il les senti proches, le jeune homme se retourna, sur la défensive, et s'aperçut qu'il n'était pas leur cible. Ils s'adressèrent à l'homme coiffé de violet assis à côté de lui.
- Hé, toi ! grogna l'un des trois lurons. Qu'est que tu fous dans le nord, Sudiste ?
- Je crois qu'il fait trop froid pour toi ici, ricana un autre. Tu devrais rentrer chez toi.
- Ou peut-être voudrais tu qu'on t'aide à retourner d'où tu viens ? enchaîna le premier.
- Je me sens chez moi ici, merci. répondit l'homme, d'un calme exceptionnel.
Les trois oiseaux étonnamment lucides, mais visiblement échauffés, s'approchèrent du sudiste, sous l'oeil, sinon proche, attentif de la patronne. Le muet de la troupe, s'avança en premier. Faute d'être le moins replet, il semblait de loin être le plus agressif.
C'est lui qui passa à l'action en premier. Son poing s'élança avec vélocité vers la nuque toujours tournée de sa victime. A sa grande surprise, son poing alla s'écraser dans la paume vigoureuse de Rollo, qui s'était posté entre les agresseurs et leur cible.
Mira s'était rapprochée, prête à intervenir - elle détestait que l'on mette le bocson dans ses propriétés - mais d'un geste de tête, le blanc l'en dissuada.
- Qu'essayez-vous de faire, messieurs ? les stoppa le Borgne de son sourire ravageur. N'avez-vous donc pas vu le panneau "bagarre interdite" à l'entrée ? Ou bien ne savez-vous peut-être tout simplement pas lire ?
La Déesse, visiblement amusée s'en retourna à ses occupations. Ce sourire en disait long : Rollo allait s'en occuper.
Pour ce qui est de Diane, je ne pus la trouver. Dans les profondeurs d'une si grande forêt, mettre la main sur un humain était impossible. Où s'était-elle cachée ?
Vulkain, quant à lui, s'était plongé plus que jamais dans les murmures de la forêt, plus pour divertir son esprit que par pur intérêt, doit on avouer.
Pire que toute autre joute, cette altercation l'avait épuisé, tant mentalement que physiquement. Combien de fois, emprisonné avec Mira, s'était-il retenu de faire exploser cette bulle qu'il haïssait tant et se précipiter à la cime bienveillante d'un arbre. Fuir cette folie dans laquelle il s'était engouffré à cause d'une sentimentalité qu'il jugeait trop grande. S'échapper de la colère de Mira qu'il n'osait affronter. Fuir les problèmes et ne plus jamais en affronter.
- Vulkain, Dieu de la Guerre, hein ? soupira-t-il.
Pourquoi l'appelait-on ainsi ? Cela ne lui convenait pas. Ce nom lui rappelait trop le Vulkain qu'il tentait désespérément d'enfermer dans cette épée, dans ce médaillon dont il ne se séparait jamais. Un Vulkain avide de sang et de violence. Diamétralement opposé de ce qu'il était devenu, mais pourtant si proche. Perpétuellement accrochée à son cou, la bête en lui était à l'abri, mais menaçait à tout moment de se libérer. Le Vulkain actuel détestait se battre, détestait la guerre.
La bête devait néanmoins sortir de temps à autre pour occire les démons qui mettaient en danger l'île et sa forêt. Il réussissait à la contenir, mais, pour combien de temps encore ? L'arrivée soudaine de cette prétendue Déesse avait plus que jamais remis ses certitudes en cause. Durant son duel avec celle-ci, il s'était allé à la violence, embrasé par la folie. Et cette perte partielle de contrôle avait plu au colosse. Pourquoi ? Depuis qu'il l'avait rencontrée ses pertes de contrôle se répétaient. Pourquoi ? Pourquoi avait-il décidé de l'aider ? Il ne comptait pourtant pas revenir sur sa décision : Il ne le voulait pas.
- POURQUOI ? s'était-il écrié.
Et Mira qui cherchait sans cesse le conflit... Depuis le jour-sans-retour la Déesse avait développé une haine farouche envers les hommes. Mais surtout pour Vulkain. Pourquoi lui en voulait-elle déjà ?
- Ah oui... Marie.
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Affrontement Divin
FantasyLorsque deux mythologies se rencontrent. Un Affrontement aux dimensions divines que nul ne pourra empêcher est sur le point d'exploser et la colère des Dieux s'abattra sur Terre.