Chapitre 1

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« Si vous réussissez à obtenir votre bac, nous effacerons votre casier judiciaire, Mademoiselle Melow. »

Je lance un regard de défi à l'inspecteur. Si c'est tout ce qu'il faut pour effacer mon passé, alors soit.

— Juste le bac ?

Il sourit, referme calmement le dossier posé sur son bureau et croise les mains, me fixant attentivement.

— Oui, juste le bac.

Je plisse les yeux, méfiante. Les flics ne font jamais ce genre de promesse sans arrière-pensée. Il y avait sûrement un piège quelque part, mais pour l'instant, mon seul objectif était de sortir de ce bureau.

— Et je peux rester ici ? Près de vous ?

— Non, nous vous avons trouvé une petite ville dans le Nord, Judetown. 6 000 habitants, et personne ne vous connaît.

— Wahou, vous avez tellement honte de moi que vous m'exilez ? Je suis touchée, inspecteur.

Sans relever ma pique, il note un nom et une adresse sur son carnet. « Celle qui prendra soin de vous », dit-il, sans même lever les yeux.

— À dans un an, Mademoiselle Melow.

Je me lève, lui adresse un salut militaire auquel il répond en levant les yeux au ciel, exaspéré.

Trois jours plus tard, me voilà plantée devant une vieille maison entourée de fleurs et de nains de jardin. Sérieusement ? Ne me dites pas que je vais habiter ici...

Soudain, la porte s'ouvre sur une vieille femme portant des lunettes. C'est quoi, son âge, cent ans ?

— Bonjour ! Tu dois être Ophélie ?

Et merde, c'est bien ici. À contrecœur, je m'avance, jetant un coup d'œil à ces immondes nains de jardin qui me sourient. Je vous jure, ils ne survivront pas à mon séjour ici.

— Yep.

Elle avance aussi, avec sa robe à fleurs jaunes, ses bas de contention couleur chair, et un chandail bleu ciel sur les épaules. Son visage est doux, malgré ses énormes lunettes qui lui donnent des airs de hibou.

— Je suis ravie de te rencontrer. Je suis Madame Horane.

Elle ouvre les bras, prête à me serrer contre elle pour un câlin, mais je me fige. Les câlins... très peu pour moi, ça ramène trop de mauvais souvenirs. Je lui tends la main à la place. Si ça la dérange, elle n'en montre rien et continue de me sourire comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes.

— Tu as fait bonne route, ma petite ?
Madame Horane sent le pain d'épice et la rose. Je m'attendais à une odeur de vieux, voire pire, mais je suis agréablement surprise. C'est donc ça, l'odeur des grands-mères ?


— Yep ! Trois heures dans un train rempli de gamins bruyants. Le bonheur absolu.
Elle rit et m'invite à entrer.


— Je t'ai fait des cookies, je ne sais pas si tu aimes ça.
Je laisse mes valises dans l'entrée et la suis dans une petite cuisine jaune et orange. Les rideaux en dentelle laissent passer quelques rayons de soleil. C'est chaleureux, pas vraiment mon style, mais... pourquoi pas y prendre un petit-déjeuner de temps en temps.


— Assieds-toi, ma petite. Tu veux boire quelque chose ?


— À vrai dire, j'aimerais plutôt aller me reposer.
Elle dépose l'assiette de cookies encore chauds sur la table et me fixe avec cet air chaleureux. Elle est toujours aussi heureuse, ou c'est juste une façade ?


— Mais suis-je bête, bien sûr ! Tu dois être fatiguée. Je vais te montrer ta chambre.

— Non, pas la peine. Dites-moi juste où elle est, je me débrouillerai.
Elle m'indique l'étage, alors je monte. Il n'y a que trois portes, et la mienne est à gauche. J'ouvre la porte et découvre une petite chambre blanche avec une fenêtre donnant sur la forêt. Il n'y a qu'un lit double et une commode comme seuls meubles. Je laisse tomber mes valises au sol et me jette sur le lit. Pas mal, ce n'est pas un hôtel de luxe, mais toujours mieux que les lits de la prison.

Une délicieuse odeur me sort de mon sommeil. J'ouvre les yeux et fixe le plafond immaculé, mais une vague de mauvais souvenirs me submerge. Mon corps se met à trembler. Je me précipite sur mon sac, l'ouvre en frénésie et trouve ma boîte de pilules. Je l'ouvre rapidement et avale deux petites gélules bleues.

En descendant l'escalier, je trouve Madame Horane affairée en cuisine.
— Ah, tu es réveillée ?
Je m'assieds à la table, face à une assiette vide.
— J'espère que tu as faim. J'ai fait de la purée avec des saucisses, mes petits-enfants en raffolent.
Elle pose la casserole sur la table. Mon ventre répond à sa place, grognant bruyamment.
— Parle-moi de toi, me dit-elle en s'asseyant.
Je lève les yeux, surprise.
— De moi ?
Elle sourit et repose sa fourchette.
— Oh, juste des petites choses. Ce que tu aimes manger ou faire, par exemple.
Je regarde mon assiette avant de répondre :
— J'aime les tatouages.
Elle sourit, visiblement amusée.

— Tu en as ?
Je remonte ma manche droite et lui montre un de mes tatouages, un cadran avec des chiffres romains. En dessous, une inscription en latin : "cogito ergo sum".
— J'en ai cinq en tout, sans compter les piercings.
Je lui montre mes oreilles, garnies de plusieurs bijoux. Je remarque qu'elle change de couleur, visiblement mal à l'aise.
— C'est... euh... très joli.
Nous terminons le repas dans un silence pesant, seulement interrompu par le cliquetis de nos fourchettes. Après avoir mangé, je monte dans ma chambre pour défaire mes valises. En fouillant dans mes affaires, je tombe sur une lettre... celle de ma mère. Je l'évite comme toujours, sachant qu'elle me ferait pleurer de rage. Si je la lisais, j'aurais envie de tout casser. Alors, je la cache dans la commode et termine de ranger mes affaires.

Une fois cela fait, je sors mon téléphone et mes écouteurs, puis m'allonge sur le lit en mettant The Cure à fond. Malgré tout ce que mon père m'a fait, il avait de très bons goûts musicaux : The Beatles, Pony Pony Run Run, The Cure, Scorpions, et j'en passe.

Je finis par me lever, une envie de fumer me prenant soudain. Je prends mon paquet de cigarettes, descends dans la cour et remarque que la vieille dame est endormie devant un épisode de Derrick. Je souris, c'est tellement cliché.

Je m'installe sous le patio, les pieds sur la table, allume ma cigarette et inspire profondément. La sensation de la fumée me remplit d'apaisement. En prison, on ne pouvait pas fumer autant, et ça m'avait terriblement manqué.

— Je ne savais pas que Madame Horane accueillait encore des délinquantes.
Une voix me tire de mes pensées. Je lève les yeux et aperçois une fille en jean noir et tee-shirt blanc, me fixant avec un air narquois.

— En quoi ça te regarde ?
Je tire sur ma cigarette, agacée.

— Pas la peine de t'énerver !
Je lui lance un regard de dédain, mais elle l'ignore et s'avance vers moi. À la lumière, je remarque ses cheveux bruns coupés courts et ses yeux d'un bleu perçant.

— Tu me veux quoi, au juste ?
Elle me sourit, dévoilant un sourire éclatant. Ses mains glissent dans ses poches arrière avec une nonchalance déconcertante.

— Bonne nuit, Ophélie. On se verra sûrement demain.
Je fronce les sourcils, surprise. Comment connaît-elle mon nom ? Avant que je ne puisse répliquer, elle s'éclipse dans la forêt, me laissant avec une multitude de questions. Qui est cette fille ? D'où sort-elle ?

Je termine ma cigarette, puis rentre à l'intérieur. Une douche rapide, puis je me glisse dans mon pyjama — un simple short et un débardeur. Je m'allonge sur le lit, mais le sommeil ne vient pas. Mes cauchemars m'en empêchent. J'ai trop peur de les revoir... de LE revoir. Ces souvenirs me hantent encore. Je me tourne vers la fenêtre, essayant de me convaincre que tout ça, c'est du passé. Il ne peut plus jamais me faire de mal, plus jamais.

Gang de Loups menée par une filleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant