Noliän - La Complainte de l'Exilé [Sous contrat d'édition]

Chapitre 4 : Naalwaryen

Noliän, Thalem & Thorren ~ Nouveau Monde

Noliän chassa de son esprit toutes les pensées qui tentaient de s'y immiscer pour se focaliser sur sa tâche. Les sourcils froncés et les traits durcis par la concentration, il fit lentement descendre sa magie jusqu'à ses paumes. Il tenta de maîtriser le chaos qui montait en lui tel un tourbillon incontrôlable et comprit qu'il s'agissait du combat que menait son âme contre celle de l'entité, puisque son corps n'avait pas encore totalement assimilé le pouvoir insufflé par cette dernière. Même si leur vision des choses et leurs ambitions différaient sur beaucoup de points, cette fois, le jeune homme devait s'assurer d'unir leurs forces. Sa puissance -leur puissance- ne serait optimale que lorsque leurs deux âmes fusionneraient pour ne devenir plus qu'une.

Naalwaryen commençait à perdre patience et s'agiter. Ses longues ailes transcendaient l'air et son souffle devint irrégulier. Toutefois, son sauveur ne se laissa impressionner ni par ses réactions violentes, ni par la nervosité de l'entité. Il concentra son attention sur un seul point et imposa le silence autour de lui. Les bruits du dragon s'estompèrent et les couleurs s'éteignirent dans son champ de vision. Il imagina la créature fière et puissante, se dressant de toute sa hauteur dans le ciel, ses majestueuses ailes côtoyant les nuages. Cette pensée lui redonna l'impulsion nécessaire à l'accomplissement de sa tâche.

Une puissante rafale se forma autour de son corps, l'enveloppant telle une écharpe invisible, mais Noliän ne se laissa pas distraire. En cet instant, rien ne pouvait rompre sa concentration. Il ignorait même pourquoi il se donnait tant de mal pour un être qu'il connaissait si peu, une créature dont il ignorait tout et qu'il n'avait aucune raison d'aider. Pourquoi ne la laissait-il pas là ? Il n'était pas responsable de sa blessure. Porter le poids de la culpabilité si l'animal venait à mourir lui aurait en temps normal semblé ridicule. Noliän était quelqu'un qui s'attachait très difficilement, et le temps était une étape nécessaire pour gagner son estime et sa confiance s'il choisissait de l'accorder. Sachant cela... pourquoi ne l'abandonnait-il pas simplement à son sort ? Rien ne le retenait ici, auprès de cette bête qui avait tenté de le tuer par deux fois.

« Non. Tu sais que c'est faux. Tu sais pourquoi tu es resté auprès d'elle, n'est-ce pas ? »

En vérité, il le savait parfaitement. La même image revenait le hanter. Le souvenir de ce regard, si semblable au sien, rivé sur lui. Un regard profond, capable de percer même la plus efficace des défenses. Derrière une prestance écrasante se dissimulait une âme blessée et profondément perdue... tout comme l'était la sienne. Beaucoup ne voyaient en eux qu'un monstre sans pitié dont la venue était annonciatrice de désolation. Noliän, lui, voyait au-delà des apparences. Pour cette raison, il était capable d'interpréter ce que beaucoup auraient considéré comme une réaction violente ou un désir de protéger ses terres, un désir de se protéger soi-même. Naalwaryen souffrait, et son seul instinct avait été d'avoir recours à la violence. En vérité, il essayait de se préserver. Tel un animal blessé, le dragon avait puisé dans ses dernières ressources afin de survivre. La douleur mêlée à l'intolérance des Hommes face à ces créatures mythiques perpétuellement chassées ou soumises à leur volonté avait sans doute dû modifier sa perception du vagabond, qui lui était apparu comme une menace. Sur ce point, animaux et humains se ressemblaient : ils réagissaient de la même manière lorsque leur vie était en péril.

Noliän ne s'aperçut pas que son pouvoir grandissait tant qu'il en devenait aveuglant. Il fut forcé de fermer les yeux pour ne pas être ébloui par la vive lumière qui émanait de ses mains. Il sentait ses forces faiblir, comme si le dragon happait l'énergie qu'il fournissait pour le guérir.

« Doucement. » recommanda l'entité. « Tu dois apprendre à canaliser tes dons, sinon ils te mèneront droit à la mort. La magie est un cadeau à double tranchant. »