Chapitre 5

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-S'il vous plaît ! Je veux juste entrer le voir.. 5 minutes et pas une de plus ! Je vous en prie, suppliais-je une énième fois la pauvre infirmière qui refusais depuis 10 bonnes minutes mes demandes d'un 'non' catégorique.

Charles était sorti de sa chirurgie il y a 2 jours et depuis, personne ne voulait me dire quoi que ce soit. Mis à part un : "il est vivant", je n'avais eu le droit à rien d'autre.
Pour le reste je ne suis pas de la famille alors je n'ai pas besoin de savoir. Seulement, je dois le voir. Je dois savoir. Je n'arrive plus à m'endormir le soir, je ne cesse de penser à lui. Je me sens complètement responsable de son accident. Si je ne l'avais pas abandonné tout seul dans le jardin, il ne serai pas parti, perdu dans ses pensées et traversé cet route et...
Je ferme les yeux essayant d'effacer, vainement, les images violentes du choc.
Peut être que je me fait des films, ou peut être pas.
Je rouvre les yeux, l'infirmière est partie. Personne à l'horizon. Je me lève, et me précipite vers la porte de sa chambre. J'ouvre et entre doucement.
Charles est couvert de bandages, le visage livide, les paupières clauses. Un bip régulier retentit dans la pièce. Une autre machine surveille l'activité cérébrale de celui-ci, une longue ligne droite est affichée. Je m'effondre sur le siège à côté de son lit. Il est dans la coma en concluais-je. Je prend sa main droite dans la mienne, tentant de calmer ma respiration. J'inspire et expire calmement puis me tourne vers sa table de chevet. Un recueil de poèmes, un stylo, une partition de musique et un carnet. Toutes ses affaires personnelles. Je lâche sa main et prend le petit carnet marron. Je ne devrai peut être pas.. J'hésite quelques temps puis le repose décidant de ne pas me mêler de la vie privée de celui-ci. Je reporte mon attention sur son visage.

-Oh et puis zut, murmurai-je

Je reprends le carnet et l'ouvre à sa première page.

8 juillet 2017,
19h09
Aujourd'hui tout va mal. Ce n'est pas très différent des autres jours à vrai dire. Depuis que maman est malade tous n'est que cauchemar. Mais aujourd'hui c'est différent. Le médecin a dit que c'était la dernière phase du cancer, il lui donne une semaine. Il n'est même pas sûr qu'elle arrive au bout. Papa s'est effondré et je sais qu'il ne se relèvera pas, il pensait que cela pouvait encore s'arranger, qu'il restait de l'espoir. Moi je n'ai rien dit, je ne dis plus rien depuis longtemps. Je sais depuis le début, je le savais que tout finirai mal et que je perdrai mes deux parents. J'y resterai aussi, peut être...

9 juillet 2017,
21h56
Je ne saurai vraiment décrire mon état d'esprit actuel. Est ce que je vais bien ? Mal ? Aujourd'hui j'avais rendez vous avec le Docteur Smith. Il m'a tenu un discours qui ressemblait à :

" Vous savez, certaines études épidémiologiques ont démontré l'existence d'une prédisposition héréditaire de certains cas et types de cancer du poumon, avec un risque élevé chez les personnes dont les parents sont atteints de cancer du poumon..".

De quoi bien commencé la journée. Mais son discours interminable sur ma mort incertaine a été interrompu par des cris au-dehors. Une jeune fille s'était évanouie. Il l'avait ramené dans la salle et allongée sur la table d'oscultation. Nous étions restés silencieux, attendant son réveil. Je m'étais permis de l'observer. Elle avait une peau très pâle avec de légères tâches de rousseur sur son nez très droit, ses cheveux bruns étaient coupés au carré et son corps était plutôt maigre.
Avant que je termine mon observation, elle s'était réveillée et ses yeux noirs m'avaient lancé un regard haineux.
Plus tard, lorsque le médecin discutait avec elle, je compris qu'elle était atteinte de la même horrible maladie qui détruit ma mère.
Après ça je n'ai plus voulu la regarder dans les yeux. Pourtant, nous avons regagné sa chambre ensemble et nous avons discuté. Peu mais tout de même. Je ne préciserai pas que j'ai pleuré, il me semble qu'elle l'a remarqué. Elle doit penser que c'est à cause de ma mère dont elle a vu l'état lorsque nous sommes passés devant sa chambre. En réalité la cause était tout autre..
J'étais avec elle, il y a de ça encore quelques minutes mais une infirmière est venue me chercher, elle avait quelque chose d'important à me dire. J'étais sorti à contre cœur du lit où Blanche dormait paisiblement et avait suivi l'infirmière, celle-ci m'avait alors annoncée que ma mère était morte.

Je ferme le carnet décidant que j'en avait assez lu pour mon pauvre cœur sensible. Je me lève et dépose un baiser sur le front de Charles.

-Je reviendrai demain.., murmurai-je

Et je sort silencieusement.

DestructionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant