La Théorie de l'Inconscient [Katsudeku]

Partie 1

 –  Katsuki ! Tu viens m'aider à ranger les courses.

 – Rmmmhh.

 – Et tout de suite.

À l'injonction de sa mère, Katsuki referma son ordinateur portable et descendit l'escalier en grognant.

 – Arrête de faire de la mauvaise volonté, soupira sa mère en lui collant un paquet de six yaourts dans les mains.

Sans répondre, son fils détacha les pots et les posa dans le frigo. Autant se débarasser de la corvée le plus vite possible. Les denrées alimentaires trouvèrent vite leurs places dans les placards, jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'un pot au fond d'un des sacs.

– ... Depuis quand t'achètes de la confiture de melon ? Grommela Katsuki en lisant l'étiquette.

– Je ne l'ai pas achetée. J'ai croisé Mme Midoriya en allant au supermarché, c'est elle qui me l'a donnée.

– ...

– Tu ne m'avais pas dis qu'Izuku était à Yuei avec toi, d'ailleurs.

– ... Je retourne dans ma chambre.

– Pourquoi tu t'énerves, d'un coup ?

– Je m'énerve pas.

– Si, tu t'énerves. Tu as les poings serrés, et je peux te voir grincer des dents.

Sans relever, son fils se retourna et remonta l'escalier.

– Katsuki ! Tu vas me répondre ? Cria sa mère à travers la porte, sans obtenir de réaction.

~***~

   La porte de la chambre claqua. Katsuki resta debout sans bouger quelques secondes. Bon, peutêtre que sa mère avait raison et qu'il était énervé. Le fait que la poignée métallique était à moitié fondue à cause de la chaleur de ses mains en était plus ou moins une preuve. C'était plus fort que lui. Dès que cette saleté de nerd était évoquée, ça l'agaçait au point d'avoir envie de frapper dans les murs. Ce qui était dangereux pour les gens derrière les murs. « Ce que je peux le détester, ce trou du cul, avec ses taches de rousseur à la con. »

   Ce qui était assez étrange, en revanche, c'est que plus le temps passait, plus il le détestait. Dernièrement, ça s'était encore intensifié. Deku lui pompait tellement l'air par sa simple présence que son cœur accélérait à chaque fois. Parfois, ses mains se mettaient carrément à trembler. Probablement l'envie de lui coller un pain dans la figure. Le plus bizarre, c'était les montées de chaleur. Ça ne se produisait pas systématiquement, hein ; mais toujours en présence de l'autre crétin. C'était particulier, quand même, de détester quelqu'un à ce point.

   Il réouvrit son ordinateur portable. Sa recherche, en haut de l'écran, semblait le narguer. « Est-ce normal de faire des rêves érotiques avec une personne qu'on déteste ? ». Aucun des résultats ne fournissait rien de valable. Google, c'était de la merde. La plupart des réponses se permettaient carrément d'insinuer un « désir caché » envers la personne en question (en s'appuyant sur les théories d'un certain « Freud » à tort et à travers. Encore un toqué, celui-là.). C'était la chose la plus débile qu'il avait jamais lue, et il avait lu plusieurs dissertations de Kirishima. Un désir caché ? Envers Deku ? Et puis quoi, encore ? Il avait tellement de haine envers lui que ça lui provoquait des réactions physiques. Ça voulait tout dire.

   Il se tourna vers sa fenêtre, encore plus agacé qu'avant. Par ce qui était sans doute l'expression d'un très mauvais sens de l'humour divin, ladite personne passa à ce moment précis en courant dans la rue, en tenue de sport, un sac plastique dans les mains. Aussitôt, le cœur de Katsuki se mit à battre de façon complètement désordonnée, et ses mains à trembler.

«... Sérieusement ? Pensa-t-il. Ça a encore empiré. Il est même pas dans la même pièce que moi, bordel ! »

   Arrivé au niveau de la maison, Izuku arrêta brusquement d'avancer et se mit à faire du sur-place. Katsuki le vit se retourner vers la façade et lever les yeux vers la fenêtre. Lorque leurs regards se croisèrent, il sursauta, ne s'attendant visiblement pas à voir quelqu'un. Il fit un petit signe de la main nerveux. Katsuki répondit par un doigt d'honneur et ferma les rideaux, puis la page internet.

« C'est de la merde, de toute façon. Pas possible que j'ai un quelconque désir pour ce nerd. »

~***~

   Izuku laissa échapper un petit rire nerveux. Il n'était absolument pas préparé à voir Kacchan. Sa mère l'envoyait en général chercher des choses à la supérette le soir, et il avait pris l'habitude étrange, en passant devant la maison de son condisciple, de chercher sa fenêtre des yeux. Il ne savait toujours pas pourquoi il ressentait le besoin systématique de lever les yeux vers l'ouverture, seulement quelques secondes. D'habitude, Katsuki ne s'apercevait de rien, mais ce soir-là il regardait par la fenêtre. Izuku ne pouvait qu'espérer qu'il ne le prenne pas trop mal.

   Il reprit son jogging pour rentrer chez lui. Oui, « pas trop mal », (c'est-à-dire qu'il s'en foutait) c'était le maximum. Aucune quelconque chance qu'il le prenne bien. Izuku se demandait d'ailleurs souvent comment il arrivait à vivre en étant en permanence aussi énervé à propos de tout.

« Enfin, surtout à propos de moi, je crois... Ha ha. »

   Au collège, Izuku pensait que c'était simplement la personnalité de Kacchan, étant donné qu'il était un peu comme ça avec tout le monde (même si il se défoulait sur lui en particulier). Mais, depuis le début du lycée, il avait commencé à douter. Katsuki n'était pas aggressif avec les autres. Clairement pas amical, mais pas aggressif non plus. Depuis la rentrée, il ne l'avait pas vu insulter ses camarades de classe gratuitement, ou menacer qui que ce soit d'une mort violente. Sauf peut-être Kirishima, mais il le cherchait.

« ... Je crois qu'il me déteste. »

   En fait, plus il y pensait, plus ça lui semblait évident. Il était concrètement la seule personne que Kacchan battait froid ainsi. Pourquoi ne s'en était-il pas rendu compte plus tôt ? Grande question.

« Je devrais peut-être arrêter complètement d'essayer de lui parler. Ça doit vraiment le rendre dingue, d'avoir quelqu'un qu'il hait comme ça tenter d'engager la conversation. »

   Il hésita quelques secondes, puis secoua la tête. Non, c'était juste la personnalité de Kacchan. Il n'avait rien contre lui en particulier. Il avait toujours été comme ça. Aucune raison de le prendre personnellement. Il avait même l'impression d'une amélioration, depuis quelques mois.

« Je vais juste continuer à lui parler quand l'occasion se présente. Et un jour, il s'habituera et on pourra repartir sur de bonnes bases. »

   C'était peut-être stupide, mais il espérait vraiment pouvoir avoir une relation plus cordiale avec Katsuki. Il ne savait pas vraiment pourquoi. Sans doute parce qu'il l'avait toujours admiré. Ça lui donnait envie de se tenir à ses côtés. Pas en tant que souffre-douleur ou que fan, mais en tant qu'égal. En tant qu'allié puissant et respecté. Avec un peu de persévérance, ça pouvait arriver.

   Avec un peu de persévérance, ils pourraient s'entendre.