Au cœur de New York, Matt, âgé de dix-sept ans, rencontre Liz, son grand amour, avec qui il vivra une histoire idyllique jusqu'à ce qu'une terrible maladie s'immisce entre eux.
Si en 1987, des traitements existent, les personnes sont condamnées, on...
Je suis avec elle. Nous dansons, comme l'autre soir. Mais là, je ne veux pas laisser passer l'occasion de l'embrasser. Ce soir, elle est à moi. Je le sais. Alors que nous bougeons de manière totalement synchrone, je pose mes mains de chaque côté de son visage. Cette fois-ci, je soutiens son regard. Je m'approche d'elle, doucement. Elle ferme les yeux...
« Matt ! Mais qu'est-ce que tu fous ? », hurle quelqu'un. Très vite, je comprends que, ce quelqu'un, c'est ma sœur. Pourquoi faut-il qu'elle me réveille en plein milieu de ce rêve ?
Tout à l'heure, après avoir pris le déjeuner, je suis monté dans ma chambre travailler un peu. Mais il faut croire que les cours ne devaient pas être assez passionnants pour tenir éveillé. Je me suis endormi, le cahier encore ouvert. Heureusement, j'ai l'habitude de réviser sur mon lit. Je me réveille sans doute moins courbaturé que si je m'étais assoupi sur ma chaise de bureau.
« Oh ! J'en connais un qui a bien travaillé !, me dit Karen, d'un air sarcastique, lorsque j'ouvre enfin la porte.
- Bon, qu'est-ce qu'il y a ?, lui demandé-je, légèrement irrité.
- Oh, ça va ! Tu ne vas pas être agacé en plus ! Ton pote Pete est devant la porte.
- Peter. Il s'appelle Peter. Ça ne rentrera donc jamais dans ta petite tête ? », lui lancé-je froidement.
Sans me répondre quoi que ce soit, Karen part en direction de sa chambre et claque la porte derrière elle. Je crois que je l'ai énervée. Si une once de culpabilité me traverse, je ramène rapidement mon attention vers Peter, qui m'attend encore sur le pallier.
« Salut Peter, lui dis-je en lui donnant une poignée de main.
- Salut ! Alors, ta sœur a eu du mal à te sortir du lit. T'as fait la fête toute la nuit ?, me demande Peter, en sachant pertinemment que je répondrai par la négative.
- Toujours pas, j'ai bossé mes cours hier soir.
- Hé ! Il faut que tu décompresses mec !, me conseille mon ami. Justement, je voulais voir si tu étais là pour venir faire un basket. Il fait super beau et ça te fera du bien de lâcher un peu.
- Depuis quand tu te préoccupes de mon niveau de tension, Peter ?, lui demandé-je, étonné de sa remarque.
- Je me suis toujours intéressé à comment vont mes potes tu sais.
- Arrête de mentir. Sara t'a lourdé ? »
Je me rends compte de la dureté de ma phrase. Il est très amoureux d'elle. Quand ils se sont mis ensemble avec Sara, j'ai eu l'impression de retrouver mon ami d'il y a quelques années quand il débordait d'énergie. Là, je l'avais enfin senti heureux. Son silence me fait penser que ma question est déplacée. Et que, donc, j'ai malheureusement raison.
« Je ne peux décidément rien te cacher, me répond Peter en m'adressant un léger sourire derrière lequel il tente de cacher maladroitement sa tristesse. Depuis le temps, je le connais par cœur.
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- C'est ça qui te rend si... euh... gentil, dis-je pour le taquiner.
- Bon, arrête tes conneries Matt, dit-il comme pour esquiver la conversation. Tu nous retrouves au stade d'ici combien de temps ?
- Laisse moi le temps de manger. Je peux te rejoindre dans 30 minutes.
- Ok mec. À tout à l'heure alors ! Et t'inquiète pas, il n'y aura pas de brute comme la dernière fois », me dit-il pour me rassurer, sans même me regarder dans les yeux. Puis il m'a tourné le dos, sans attendre de réponse de ma part, et est reparti.
Peter s'en est beaucoup voulu de m'avoir proposé de venir au stade pour jouer avec lui et ses potes basketteurs. C'était le mois dernier. On s'était tous retrouvés pour jouer au basket. Rien d'anormal quand on a 16 ans. Sauf quand on est hémophile. Peter savait que j'étais atteint de cette maladie. Il l'a toujours su.
Quand on s'est connu, à l'école primaire, mes parents et moi venions d'apprendre que je n'aurai pas une enfance comme tous les petits garçons de mon âge. Mes parents avaient choisi d'en parler autour d'eux, en prévenant par exemple mes enseignants. De moi-même, j'avais décidé d'en parler aussi, tout naturellement. Je me présentais en parlant automatiquement de ma maladie. Comme si elle définissait mon identité autant que mon prénom. Elle a toujours fait partie de moi et je me suis toujours construit autour de ça. C'est certainement plus facile de se savoir malade chronique quand on est si petit : on se rend moins compte des choses et on s'adapte plus facilement.
Alors, le mois dernier, même si Peter était au courant pour ma maladie, il ne savait pas vraiment quels étaient les risques et donc les précautions à prendre. Ça, il m'était bien plus difficile d'en parler. J'avais l'impression de me plaindre, de prendre la position du « malade ». Je ne voulais pas être pris pour un fragile. Alors, en général, même si je savais que je pouvais mettre ma vie en danger, je prenais le risque. C'était d'abord une question de survie, me faire accepter parmi les autres, et puis c'est rapidement devenu un plaisir de repousser mes limites. Quand je prenais des risques, je me sentais encore plus vivant, je me sentais échapper à l'horreur à chaque instant. C'était extrêmement jouissif. Mais ça, personne n'en savait rien. Certainement pas mes parents qui s'inquiétaient sans cesse pour moi. Peter ne savait donc pas que, à chaque fois que je jouais au basket avec ses potes qui font parti d'une super équipe – et qui donc étaient très forts – je jouais aussi avec le feu.
*
10 juin 1987.
Cela fait un moment que l'on jouait et nos deux équipes sont toujours à égalité. Le dernier panier fera alors gagner mon équipe, ou celle de Peter. Nous sommes donc dans cet état de compétition avec l'envie de gagner. Au moment où Tyler, le capitaine de l'équipe adverse, s'approche du panier, je tente la défense. Nous nous retrouvons rapidement l'un en face de l'autre et, alors que je commençais à me fatiguer depuis une bonne quinzaine de minutes, il me dépasse et marque le point tant attendu !
Sauf que, en passant près de moi, Tyler m'a poussé et je suis tombé violemment sur le sol bétonné. Mon épaule est éraflée, mais je ne vois pas de sang, pour le moment. Malgré tout, je m'imagine avoir été blessé à d'autres endroits. Certainement au niveau de la poitrine. Mais quel basketteur s'inspecte le corps après une chute ? Personne.
C'est en rentrant à la maison, un quart d'heure après la fin du match, que j'ai pu constater les dégâts. Je suis face au miroir de ma chambre, celui dont je me sers notamment pour observer mon corps après une chute. Mais aujourd'hui, j'ai pris beaucoup de risque. Trop, sans doute. Je sens d'ailleurs l'angoisse monter à l'intérieur de moi, au moment où je me débarrasse de mon maillot et de mon short de basketball. Les marques de mon inconscience sont bien là : mon dos saigne à trois endroits.
Je descends dans le salon, seulement vêtu d'un caleçon, et je me poste juste devant mes parents qui sont installés confortablement devant la télévision. Immédiatement, ç'a été la panique. Ils courent partout. Ma mère part préparer un sac d'affaire, car elle sait que je vais devoir passer la nuit en observation à l'hôpital. Mon père, habituellement très calme et réservé, jure de tous les côtés et m'insulte de « mec inconscient » et « immature ».
« Non, Papa, j'ai juste envie de vivre », pensé-je à ce moment-là.