Quel genre de héros je suis ?

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3 Février 1988.

Aujourd'hui, au vu de la température extérieure, la salle est surchauffée. J'ai l'impression que la chaleur qui provient des radiateurs me compresse le cerveau. Je déteste ça.

Autour de moi, les gens semblent, eux aussi, abattus. Sûrement est ce du à leur maladie. Car j'imagine que, quand on se trouve dans la salle d'attente d'un hôpital, c'est que cette maladie est grave. Et donc qu'elle impacte fortement le quotidien des gens.

Mais bon, pour moi, il en est autrement. Je ne ressens aucun symptôme du sida. Vraiment. Enfin, Brit accuse quand-même le VIH de m'avoir rendu vulnérable à la grippe et tous ces autres virus qui traînent. Je ne sais pas si elle dit vrai. Mais je crois qu'au fond, je préfère me dire qu'elle se trompe. Sinon, cela voudrait dire que ma maladie est bien plus évoluée que je ne le pense. Et ça, je ne peux pas y croire.

Je suis bien trop jeune pour être malade. Trop jeune pour être atteint d'une maladie avancée. Trop jeune pour mourir.

Cette idée me paralyse brutalement. Tout ce flot de pensées se stoppent, d'un coup. Tout reste en suspens. Et si c'était vrai ? Et si j'allais mourir, là, bientôt ?

Alors si me retrouver dans cette salle d'attente devrait normalement m'apaiser, comme c'est habituellement le cas, je suis encore plus tendu qu'avant d'arriver ici.

Me retrouver face à Brit risque d'être difficile aujourd'hui. J'ai peur de ce dont nous allons parler, de ce qu'elle va m'apprendre de nouveau sur le sida, de ce qu'elle va m'annoncer concernant mon état de santé. Mais j'ai peur aussi parce que je sais que je vais lui avouer ma malhonnêteté envers Liz. Je hais me montrer sous un mauvais jour, faire voir aux autres mes défauts et mes erreurs. Finalement, je me demande si ce besoin d'être sincère aujourd'hui ne viendrait pas contrebalancer ce terrible mensonge que je garde en moi.

Après de longues minutes à analyser ces pensées, à supporter chacune des révélations que je me fait et à constater les conclusions auxquelles mon cerveau abouti, j'entends une porte s'ouvrir et le bruit de pas. C'est Brit. Instinctivement, je tripote mes mains nerveusement.

Lorsqu'elle se tient devant moi, toujours avec cette attitude experte de médecin et ce visage détendu qui nous invite à lui faire confiance, je ne peux la regarder plus longtemps. Je la salue et baisse aussitôt le regard en me dirigeant vers son bureau. Je connais ce chemin par cœur maintenant, même si cet hôpital est un vrai labyrinthe.

Je ne peux lever les yeux. Je ne peux voir ces chambres de chaque côté du couloir, ces malades qui souffrent. C'est terrible, mais j'ai l'impression que, en passant devant leur chambre, j'absorbe tout leur mal-être. Comme si j'étais un aimant qui venait se charger de leurs souffrances pour les libérer. Enfin.

Une fois arrivés dans son bureau, Brit ferme la porte derrière nous pendant que je m'installe rapidement. J'observe alors l'environnement pour tenter de trouver un sujet de conversation qui pourrait nous détourner de ce qui l'intéresse réellement : c'est-à-dire moi et ma maladie.

Après lui avoir demandé si quelque chose avait changé dans son cabinet, en mentionnant presque tous les objets présents - du papier-peint, aux tableaux encadrés, en passant par ses stylos - Brit comprend rapidement mon manège et vise juste :

« Tu sais que nous pouvons parler de tout ici, même, et surtout, de ce qui te pèse », me rappelle t-elle.

- Liz n'est pas au courant de... de ma... que je suis malade, avoué-je d'un coup, sans avoir pris ce temps de réflexion qui m'aurait bloqué la parole.

- Tu lui as dit que les résultats étaient négatifs ? en déduit Brit.

- Non... pas vraiment. Elle m'a dit que les siens étaient bien évidemment négatifs. Et, du coup, elle a considéré que les miens l'étaient aussi.

En attendant, je vis [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant