Eux et Nous

Chapitre 7 : Avis de tempête.

À midi, on finit les restes de la veille. Les quelques boîtes de conserves qui n'ont pas bougé depuis dix ans nous découragent de les goûter. Nous n'avons donc plus de réserve et le magasin le plus proche est à trois quart d'heure en voiture. Devant l'urgence de la situation, nous décidons de remettre en état le jardin, et la maison par la même occasion. Chacun se voit attribuer une mission.

Maë et Thaïs s'occupe du jardin. La première fait mourrir les mauvaises herbes d'un geste de la main, sous l'observation accrue de Thaïs qui est chargée de stopper Maë dès qu'elle perçoit la présence de petits animaux qui pourraient être dérangés. C'est alors au tour d'Elie d'agir, grâce à son don d'invisibilité, elle peut déplacer les petites bêtes sans les effrayer.

Pendant ce temps, Julian s'occupe de dépoussiérer un peu l'intérieur de la maison, il y remet également de l'ordre, déplaçant par la force mentale quelques affaires.

Quant à moi, je dois faire remarcher la chaudière, qui refuse de s'allumer depuis hier.

En ouvrant la porte du garage, j'évite de justesse un balai un peu trop pressé et j'entends Julian s'excuser à l'autre bout de la maison. D'un claquement de doigt, j'allume la lumière, et vérifie qu'il n'y ait aucun autre objet animé qui aurait envie de se ruer sur moi, avant de m'avancer vers ce que je cherche. La chaudière se tient sur ma droite, noircie par la poussière et recouverte de multiples toiles d'araignées. Seul l'endroit des commandes est dégagé, signe que Julian a déjà tenté de la faire fonctionner sans succès. Je plaque, non sans dégoût, mes deux mains sur la machine. Elle se met alors à trembler légèrement. Je retiens mon souffle, pensant avoir fait une bêtise mais finalement un voyant s'allume et je comprends que j'ai réussi.

Finies les douches à l'eau froide.

Fière de moi, je me frotte les mains et repars en trottinant voir où en sont les filles.

C'est impressionnant.

Il n'y a plus d'herbes folles, le jardin semble avoir été parfaitement tondu. Un grand carré de terre a été retourné pour créer le potager. Maë se tient devant, les sourcils froncés. Concentrée. Imperturbable. Pourtant, le vent souffle. Ses cheveux sont en bataille. À chacune de ses expirations, un plant sort de terre, formant des rangées parfaites de carottes, pomme de terres, courgettes, salades... En quelques secondes elle fait mûrir les légumes. Le spectacle est magnifique, c'est une explosion de couleurs.

Les épaules de ma grande sœur s'abaisse brutalement. Elle se retourne, les traits fatigués mais emplis d'une grande satisfaction pour ce qu'elle vient d'accomplir. Je n'arrive pas à détourner le regard du potager. Je suis fascinée par ce qu'elle vient de réaliser.

C'est finalement Julian qui me sort de ma transe en entreprenant de ramasser nos nouvelles provisions. Les filles se mettent alors à l'aider et je vais pour faire de même lorsqu'un mouvement près des bois attire mon attention. Noah passe furtivement sur ma droite, les bras chargé de branches, et s'engouffre dans la maison. Pour je ne sais trop quelle raison, je le suis. Il dépose le bois dans la cheminée puis s'accroupit devant et reste ainsi quelques secondes sans que rien ne se passe.

-Tu comptes m'observer comme ça pendant encore longtemps ? Lance-t-il sans prendre la peine de se retourner.

La gêne s'empare de moi. Je me tortille d'un pieds sur l'autre. C'est vrai, pourquoi je le fixe comme cela, comme une psychopathe ? Je me fais peur moi même. Je m'assois sur le canapé, dans une dernière tentative d'agir normalement et remonte mes genoux contre ma poitrine. Dis quelque chose. Fais quelque chose. Agis comme une personne normale. Aller.

Malencontreusement, je fixe la chaîne hifi au dessus de la cheminée et une musique jazzy envahit instantanément la pièce. Oups.