Chapitre 6 : Renouveau.

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Quand je rejoins les autres, ils sont attablés dans la cuisine autour d'un pique nique improvisé. En me voyant arriver, Maë me laisse sa chaise et se hisse sur le plan de travail.

Je prends sa place sans un mot, mal-à-l'aise avec Noah à ma droite. Il semble concentré à manger son sandwich, regardant partout sauf dans ma direction. Face à moi, les jumelles m'adressent des sourires gênés. On entend rien d'autre que des bruits de mastication et je ne sais pas où me mettre, ni quoi dire. Je n'ose même pas me servir à manger, bien que la nourriture sous mes yeux soit tentante. En bout de table, à ma gauche, Julian adresse un regard désespéré à Maëlys qui se tient derrière moi. Elle semble comprendre le message tacite puisqu'elle prend soudainement la parole :

- Bon, on arrête les têtes d'enterrement et on fête ce premier repas dans notre maison depuis..., elle réfléchie quelques secondes, puis complète : Depuis bien trop longtemps !

Sur ces paroles, elle se penche pour attraper un verre, le rempli d'eau au robinet puis le lève à hauteur de sa tête.

- À nous ! À notre nouveau départ !, trinque-t-elle, toujours assise sur le plan de travail.

Les corps se détendent.

Je lui souris. Et puis, je me lâche parce que, après tout, ici je suis à la maison.

-Maë ! Fais tourner l'eau du robinet pour tout le monde ! Je lui demande, ravie qu'elle ait sauvé l'ambiance.

On se fait passer les verres d'eau et quand chacun en a un, je déclare :

-Cul-sec !

Nos verres frappent la table tandis que nos yeux se révulsent. Ni une ni deux, Maë crache dans l'évier et Thaïs l'imite en régurgitant l'eau dans son verre. Personnellement, je me retiens de faire de même et me force à faire passer le goût immonde dans ma bouche.

-Pouaaah ! C'est quoi cette horreur ? Dans mes souvenirs l'eau était potable ! Manque de s'étouffer Julian.

C'est de bon cœur que nous rions de la situation plutôt comique.

Épuisés, nous terminons calmement notre repas de fortune, et ne tardons pas à aller nous coucher.

⚡ ⚡

-Bonne nuit, me souffle ma sœur aînée, puis elle éteint la lumière, nous plongeant dans l'obscurité.

Le carnet, que j'ai rangé dans ma table de chevet, à quelques centimètres de moi, accapare toutes mes pensées, m'empêchant de fermer l'œil. Je me tourne vers le mur. Je veux mettre le plus de distance possible entre cette chose qui m'empoisonne l'esprit et moi.

Évidemment, c'est peine perdue. J'hésite un instant à me lever pour le ranger ailleurs. Au fond du jardin, sous une bonne couche de terre, par exemple ? Mais même à l'autre bout du monde, j'ai le sentiment que ce carnet me reviendrait toujours, d'une manière ou d'une autre. 11 ans qu'il me hante. Tenter d'occulter son existence n'a servi à rien. Un jour, il faudra bien que je m'y confronte. Un jour oui, mais pas ce soir. Pas maintenant. Là, je veux juste être Avalon, une lycéenne sans soucis qui passera son bac de Français à la fin de l'année. Elle se marre avec ses amis, fait du shopping, passe des après-midi entières à regarder des séries...oh oui...je veux cette vie, j'en rêve...elle rencontre des garçons...personne ne la trouve bizarre...

Des bruits de pas dans les escaliers me réveillent. J'ouvre les yeux mais je ne vois rien dans tout ce noir. Je tends l'oreille. On dirait que quelqu'un traîne quelque chose dans notre direction. J'hésite à réveiller Maë. Et s'ils nous avaient retrouvés ? Non, c'est impossible, nous sommes les seuls à avoir connaissance de l'existence de cette maison. Personne n'oserait s'aventurer si profondément dans les bois. Ça ne peut pas être eux. Mon dieu, faites que ça ne soit pas eux. Je tremble comme une feuille, les genoux remontés sous mon menton, attendant le moment fatal où ils vont passer la porte de notre chambre. Je me prépare mais je ne sais pas à quoi exactement.

Eux et NousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant