Hauteroche I : La Paria

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Shaiélaè chassait lorsqu'elle entendit retentir à travers la forêt le fracas d'un concert de branches brisées, de feuilles piétinées et de claquement du métal sur le métal comme une pile de casserole renversée au sol. Un intrus. Ses oreilles d'elfe des bois l'entendirent venir de loin dans le silence matinal, aussi eut-elle le temps de s'enfoncer profondément dans la verdure de son affût, un haut hêtre touffu pour s'y préparer. Elle tira une flèche du carquois à sa ceinture et l'encocha lentement à la corde de son arc en corne. L'intrus fit son apparition quelques minutes plus tard, marchant pesamment entre les arbres.

De toute sa vie passée dans son village enfoncé dans la jungle impénétrable de Val-Boisé, Shaiélaè n'avait eu l'occasion que de côtoyer les individus de taille menue du peuple bosmer. Elle manquait de point de repère pour juger objectivement de la chose mais pour la petite elfe au souffle coupé, il était évident que l'homme se promenant tranquillement quelques mètres en dessous d'elle était l'un des plus grand arpentant la surface de Tamriel :

Un véritable géant, une montagne hirsute de muscles tapissée de larges pièces de fourrure moisie, bardée du fer rouillé d'une broigne de maille et de quelques pièces d'armures hétéroclites. Le voyageur charriait sur son dos tout un barda, marmite, casque, outre en peau... responsable de la fanfare annonciatrice de son arrivée

Et fixé sur son dos, coincé entre le sac et la sangle de l'armure brinquebalait une épée terrifiante, un absurde morceau d'acier long comme une lance, munie de deux crocs aiguisés forgés sur le milieu de la lame et d'une poignée au moins aussi longue que la jambe de la bosmer effarée. Cette épée reflétait les rayons du soleil filtrant à travers la futaie sur sa surface soigneusement polie. Il s'agissait de fait de l'unique chose à l'allure entretenue portée par ce géant.

Il marchait tranquillement dans la forêt baignée de se vacarme, sans donner l'air de se soucier le moins du monde des dangers que la plupart des voyageurs imprudents ou malchanceux risquaient d'y rencontrer. Le territoire de chasse de Shaiélaè était partagé par des gobelins, quelques trolls auxquels il fallait prendre gare. Une nuit, elle avait aperçu des lumières étranges au loin, elle aurait juré qu'il s'agissait de spectre ou d'une réunion de sorcière. Sans compter les loups, les manticores, les ours...

Il a de toute manière plus une tête à être lui-même le danger qu'à le craindre, pensa la petite elfe, sidérée par ce manque d'élémentaire prudence.

Elle observa son visage , une face dure encadrée de longs cheveux noirs et d'une courte barbe mal entretenue. Le nez avait de toute évidence était brisé plusieurs fois, et même à cette distance, de petites cicatrices étaient visibles, courants entre les tempes et les lèvres. Il avait peint deux traits soulignant ses yeux au charbon sur ses pommettes. Comme peintures de guerre, ou plus prosaïquement pour protéger ses yeux des reflets du soleil.

Shaiélaè le suivi du regard un long moment. L'étranger finit par s'éloigner en emportant son tintamarre avec lui. L'ombre invisible dans les feuille relâcha finalement son souffle et replaça sa flèche dans son carquois.

Inutile de continuer à chasser. Toute la faune aura fuit par ce bruit, soupira-t-elle. Elle était affamée et n'avait rien tué depuis qu'elle avait franchis la frontière de Hauteroche, voilà quelques jours. Elle y été arrivé par hasard pour avoir marché sans but vers le nord. La petite elfe n'avait plus de maison, plus de famille. "Lâche", c'est pour cela que les siens l'avaient bannie quelques longs mois interminables plus tôt. Son village, ses amis, les haut arbres de Val-Boisé et l'entrelacs serrés de leurs branches et racines qu'elle avait passé son entière existence à parcourir pour la chasse et la guerre avaient été toute sa vie. Voilà désormais la petite elfe seule désormais, à errer dans un monde étranger qui l'intimidait par trop pour lui faire quitter le couvert protecteur de la nature sauvage. De longs mois interminables passés à éviter les routes, les hameaux, les gens, à survivre tant bien que mal de la chasse et de la récolte d'insectes. Et voilà ses rêves de festins retardés de plusieurs heures par la faute de se voyageur indiscret.

Honneur et AmertumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant