1. Looking Through The Past

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-Cette nuit-là, une amie m'a invitée à une soirée pour "décompresser". Elle avait bien l'intention de m'aider à rentrer avec un des gars de la fac et à coucher avec lui juste pour s'amuser le temps d'un soir. Comme promis, je suis partie de la fête avec un gars de la fac et j'étais déjà assez éméchée. Après avoir fait la moitié du chemin menant à ma maison, il a prétexté ne plus vouloir rentrer avec moi de ça fait je lui ai envoyé se faire foutre puis il est parti me laissant dans l'obscurité. Ignorant les risques, j'avais décidé de prendre une petite ruelle étroite en guise de raccourci pour arriver plus vite chez moi, mais en fait, je marchais petit à petit vers ma perte. Des pas se sont fait entendre derrière moi, je me retournai et vis son visage, éclairé par la lumière d'un des lampadaires. Je n'oublierai jamais ce visage. Comme j'étais assez ivre, mon premier réflexe n'était pas de partir en courant mais de me rapprocher de la personne pour lui demander son identité. Il ne dit rien mais se rapprochait de plus en plus. Et dans un geste brusque, il me poussa contre le mur et plaqua ses lèvres contre les miennes. Puisque je me débattais en vain, il prit mes deux poignets et les emprisonna avec sa main au-dessus de ma tête. Lui aussi était saoul. Il déchira mon haut avec son autre main tandis que sa bouche torturait la mienne. Je...je me...je...

Comme d'habitude, toutes les semaines, je lis le récit que j'ai écrit moi-même, comme d'habitude ma voix se brise en sanglots lorsque je prononce cette phrase et comme d'habitude, la psy me dit de m'arrêter là.

Elle me donne rendez-vous pour la semaine prochaine puis je quitte le cabinet après lui avoir dit au revoir.

Je marche dans la rue animée, regardant les passants rigoler, pleurer, aimer bref vivre en me demandant ce que j'avais fait pour mériter ce sort, pour mériter de ne pas vivre comme les autres, rire, pleurer et aimer comme eux. En ce qui me concerne, j'ai arrêté de "vivre" il y a deux ans de cela: plus de fêtes, plus de soirées tardives, plus de rencards; rien. Tout ce que je veux c'est pouvoir remonter le temps et empêcher tout ce qui arrive aujourd'hui de surgir, limite, d'oublier que ce salopard a détruit ma vie, mon existence le temps de quelques minutes.

Si je le reverrais, je lui planterai trois fois un couteau en plein cœur pour lui faire ressentir combien son acte fait persister une douleur intérieure en moi. Je le hais de toute mon âme et de tout mon être, je ne savais même pas qu'on pouvait détester quelqu'un à ce point.

Mais il se trouve que ce n'est pas uniquement le salaud qui a daigné réduire ma vie en un cauchemar qui me pose problème. Il y a aussi les gens, les personnes qui m'entourent qui font que je sombre encore plus dans cette situation "malencontreuse" comme le dirait ma mère. Le point dans tout cela, c'est que si les gens ne vous regardent pas avec un œil compatissant, ils vous regardent avec de la pitié, et c'est loin d'être la chose dont j'ai le plus besoin en ce moment. Pendant un certain temps dans les couloirs de la fac, j'étais "la fille" ou pire même "celle qu'on a violée" et ce qui m'énervait le plus c'est que c'était vrai et les chuchotements des étudiants à chaque fois que je passe, m'ont semblé des cris assourdissants. J'en devenais presque paranoïaque.

Mes parents ont bien remarqué que je n'allais pas bien et à l'époque, la honte de parler de cette nuit-là à quelqu'un c'était comme un supplice, une douleur dans la poitrine et que l'on ne possédait ni le remède ni la force d'en supporter d'avantage. Finalement, je me suis résignée de leur dire la vérité, je leur ai tout raconté malgré le sentiment d'impuissance que ça me fait de me confier à quelqu'un, mais il fallait que je le fasse. J'ai tout de suite regretté: ils ne m'ont pas cru.

Ce fait a creusé une fosse imaginaire entre moi et mes parents, même s'il y avait Caleb mon petit frère pour combler le vide, une tension s'est installée subtilement entre nous: ils me prenaient pour une folle d'avoir énoncé de telles "sottises" et leur prenais pour des fous de ne pas avoir vu ma détresse. Et c'est malheureusement en essayant de mettre fin à mes jours qu'ils ont enfin ouvert les yeux sur la réalité, combien j'étais seule et je méprisais ma vie.

J'en ai toujours voulu à mes parents, d'ailleurs je leur en veux toujours mais comme on dit: le temps guérit les blessures.

J'arrive devant chez moi puis m'arrête pour contempler la magnifique villa qui se trouve être ma maison.

Après quelques minutes en admirant comme une folle la demeure que je fréquente depuis presque un an, aux bons conseils de ma psy: elle dit que c'est pour prendre un nouveau départ et puis je n'allais pas rester pour toujours chez mes parents vu que j'ai déjà atteint mes vingt-trois ans bien sonnés.

J'avance vers la cuisine toute équipée -à ma plus grande fierté- puis ouvre mon frigo qui est loin d'être plein mise à part le fait qu'il y a une pomme et un Coca Cola. Je sais, même moi je ne vois pas l'intérêt d'avoir une cuisine équipée si on ne s'en sert pas tant que ça.

J'attrape la pomme, la lance dans les airs pour pouvoir mieux la rattraper:

-Toi tu vas être le dessert. M'adressé-je à elle comme si la pomme allait me répondre.

Je décide après mûre réflexion -sans blague- de me commander une pizza et trois minutes plus tard, on sonne à la porte. Quelle rapidité!

Je me précipite de prendre mon portefeuille puis ouvre la porte. Seulement, celui qui se trouve à attendre sur le seuil est n'importe qui sauf un livreur de pizza. Et quand je me rends compte que c'est le même visage, celui que j'ai fui pendant deux longues années, j'ai la brève impression que le sol se dérobe sous mes pieds déjà trop fatigués pour en supporter encore plus.

LindseyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant