CHAPITRE 10

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« Celui qui se perd dans sa passion perd moins que celui qui perd sa passion. » - Saint-Auguste

Quand Maura gara sa voiture dans l'une des ruelles quelque peu éloignées du centre-ville, sa tension corporelle était palpable. Si la voiture de Jane n'avait pas été garée contre la façade, non loin de la sienne, le médecin aurait cru à une farce de sa part. Repensant au message reçu dans la soirée sur son téléphone, l'attention de Maura se focalisa sur la porte métallique de l'un des entrepôts du quartier de Sprague.

« Jane ?

- Je suis par ici ! »

La voix provenait de l'intérieur du bâtiment. Réajustant son sac à main sur l'épaule, la légiste inspira et prit le pas en direction de la porte. À l'intérieur, l'obscurité dominait. Pourquoi Jane lui avait-elle donné rendez-vous ici en cette heure de la soirée ?

« Jane ?

- Ici !

- Avoir de la lumière ne serait pas de refus.

- Il suffit de demander. »

Et d'un seul coup, une luminosité froide et implacable blessa les yeux de Maura qui se protégea d'une main à couvert. Jane était à quelques mètres devant elle, étendant les mains en un geste théâtral devant un amalgame de caisses de bois ouvertes ou parfois scellées par des rubans jaunes.

« Tadam ! Bienvenue à cette exposition toute spéciale, annonça Jane vêtue d'un jeans sombre et d'un haut à manche longue grenat. Ce soir, juste pour toi, la toute dernière cueillette de la brigade de répression. »

Avançant en direction de son amie, les yeux de Maura s'attardaient sur des peintures inconnues, parfois vaguement familières ou totalement identifiables. Il s'agissait d'art ethnique qui se diversifiait de la peinture sur toile au masque rituel, à la statuette décorative. Des objets, appuyés contre les murs de la pièce ou entassés les uns sur les autres, étaient africains, tahitiens, australiens ou éthiopiens. Comblant l'espace alloué, les œuvres se comptaient par centaines dans le local exigu. Aucun espace superflu n'était laissé pour compte. Jane s'était rapprochée de son amie, un sourire complice aux lèvres.

« Ça te plaît ?

- C'est superbe.

- Tant mieux. D'ici deux jours, tout cela retourne à leur place légitime, mais tu auras pu en profiter un peu.

- Merci Jane.

- J'ai vraiment été nulle ce matin...

- Oui, confirma Maura dont les mains baladeuses examinées sans se faire prier des tableaux peints et des sculptures sur bois.

- Tu m'en veux toujours ?

- Moins. »

La légiste adressait un sourire complice à son amie sans cesser son inspection. Pendant une heure et demie, elles firent le tour des dédales de ce labyrinthe artistique mis sous scellé. D'ici quelques jours, les œuvres seraient renvoyées à leur propriétaire légitime et cet endroit redeviendrait vide.

« Tu as faim ? demanda Jane après avoir refermé la porte en métal derrière elles. »

Il était plus de vingt-deux heures quand les deux femmes sortirent du restaurant. La rancune de Maura n'était plus qu'un mauvais souvenir et l'humeur exécrable de Jane, définitivement dissoute. Tout naturellement, elles prirent le chemin de l'appartement de l'inspectrice. Après une montée interminable, Jane déverrouilla sa porte et fit signe à Maura d'entrer, un doigt devant ses lèvres.

RIZZOLI & ISLES : en eaux troublesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant