RIZZOLI & ISLES : en eaux troubles

CHAPITRE 2

« La distance rend toute chose infiniment plus précieuse. » Arthur Charles Clarke

Le capitaine Vince Korsak observait son ancienne coéquipière avec inquiétude. Depuis une heure interminable, sa collègue et amie Jane Rizzoli s'évertuait à mettre sa patience à rude épreuve. De son pouce et probablement sans en avoir réellement conscience, la jeune inspectrice activée inlassablement le mécanisme de son stylo. Le regard perdu dans le vague, la tête nonchalamment posée sur le dos de sa main, le coude en équilibre précaire sur le rebord du bureau, elle était totalement absente. Seul ce mouvement répétitif et agressant aux oreilles du capitaine laissait supposer une activité cérébrale.

Barry Frost, le coéquipier actuel de Rizzoli la fixait lui aussi avec perplexité. Par-dessus son épaule, il formula une question muette à Korsak qui se contenta de hausser les épaules. Les deux flics étaient aussi perplexes l'un que l'autre. À dire vrai, depuis une semaine et demie, le comportement de Jane les alarmait. D'une nature difficile, le caractère de l'inspecteur Rizzoli était identique aux saisons : changeant. Parfois ombrageuse et rageuse, la jeune femme affichait un sourire déconcertant quand la situation lui devenait agréable. Autant dire que ces temps-ci, ce n'était pas le cas. En réalité depuis que Maura Isles, le médecin légiste en chef du Massachusetts s'était absenté à Montréal pour y suivre des formations auprès de collègues québécois, Jane broyait du noir.

Le regard de Korsak se posa sur son écran. Frost lui avait envoyé le message suivant : tu crois qu'elle a besoin de vacances elle aussi ? Perplexe, le capitaine réfléchissait. Depuis l'incident de l'an dernier où Jane s'était tirée dessus pour arrêter un collègue ripou, la jeune femme n'avait pas eu un instant de repos. Le problème pourrait effectivement provenir d'une saturation de sa part.

De plus, la dernière affaire qu'ils avaient menée avec l'aide du docteur Pike n'avait en rien arrangé la situation. Un homme d'une quarantaine d'années, Steve Harris, avait été retrouvé assassiné dans son salon. La mort violente avait laissé des séquelles bien visibles lors de l'examen externe du corps : des cheveux coupés, des lacérations aux niveaux des jambes et une mutilation du sexe. L'arme du crime n'avait pas été retrouvée sur les lieux malgré les recherches de l'équipe criminelle. Devant cette scène, Korsak Rizzoli et surtout Frost avaient été à deux doigts de rendre leur repas. Parmi les suspects, l'épouse de Harris ainsi que son beau-frère se situaient en haut de la liste. Le témoignage d'un voisin avait révélé que le frère et la sœur entretenaient une relation incestueuse au sein même du foyer familial. Pour Rizzoli et son équipe, l'hypothèse d'un règlement de compte était probante. Par la suite, les examens successifs du Dr Pike révélèrent la présence de peau sous les ongles, signe évident que la victime avait lutté avant de succomber. L'ADN correspondait à David Miller, le beau-frère de Steve Harris.

Loin d'être satisfaisantes, les investigations se poursuivirent pour accuser également Rachel Harris, la veuve détentrice de l'assurance vie de son époux. Les évènements stagnaient par manque d'éléments. Plusieurs détails dérangeaient l'équipe de la criminelle et aucun des deux suspects ne se décidait à parler. Le Dr Pike, après une énième visite de Rizzoli, avait appris d'un ton sentencieux que toutes les analyses et les examens avaient été menés à bien. Rien de nouveau ne pourrait venir achever le rapport d'après lui.

Suivant son instinct, Jane exigea des analyses ADN des deux enfants nés de l'union entre Steve et Rachel Harris. Le document indiquait que Rachel était effectivement la mère des enfants, mais Steve n'était pas le géniteur. Il restait donc à supposer que David Miller l'était, lui.

Korsak se rappelait toute l'affaire tout en pianotant sur son clavier : je devrais peut-être en toucher deux mots au commandant pour voir, écrivait Korsak à l'attention du jeune collègue.