Chapitre 9

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Des cris sortaient de la boutique, empreint de douleur. La petite foule de passants qui s'étaient arrêtés devant la porte regardaient attentivement le spectacle s'offrant à eux. A l'intérieur du grand bâtiment en bois, un homme trapu et grand laissait libre cours à sa colère en rouant de coups de pieds un garçon de petite taille, recroquevillé sur lui même sous l'effet de la douleur. Il avait déjà quelques bleus au visage et semblait maigre et épuisé. N'importe qui aurait deviné que c'était un moins que rien ayant volé quelque chose dans ce magasin. Voilà pourquoi personne n'intervenait: l'enfant avait mérité sa correction.
Les traits de son visage se crispant à chaque coup, il n'osa ouvrir les yeux que lorsque le bedonnant s'arrêta, ruminant encore quelques insultes à son propos. Il ne savait pas si il avait l'aurisation de se lever ou pas. Il se redressa et observa la réaction de l'homme, qui lui fit signe de partir d'un geste méprisant.
Le petit garçon ne demanda rien de plus et s'enfuit du magasin comme il était venu, tellement rapidement et discrètement que les gens avaient l'habitude de garder un oeil sur leurs affaires au cas où.

Alors qu'il était déjà à une centaine de pas de la boutique, un sourire moqueur s'afficha sur le visage du garçon. Il fouilla sa poche et sortit une montre qui semblait en or, dont le vendeur n'avait pas remarqué la disparition. A ce moment la, il avait plutôt remarqué le manque de sa bourse, qui valait tout de même sûrement moins que ce bijoux.
Tout en se tenant le côtes, le petit garçon rangea l'objet dans sa veste vieillie et prit le chemin de l'endroit où il logeait. Un couple du village avait accepté de l'héberger, et de l'adopter si il se conduisait bien - ce qui était loin d'être dans son caractère - et qu'il travaillait correctement. Mais il n'en avait que faire, il ne voulait pas être adopté, être hébergé lui suffisait déjà amplement. Il avait toujours vécu comme ça - enfin presque -, il ne changerait pas si simplement.
Mais il avait beau se répéter encore et encore qu'il ne voulait pas d'eux, il avait tout de même fini par s'attacher à ces gens.

En entrant dans la maison, le garçon enleva sa vielle veste et l'accrocha à un porte manteau en bois. Il salua rapidement la femme, affairée à cuisiner à la table de la cuisine.

- Bonjour Fenton ! Tu as été aux cours du matin ? Demanda elle avec entrain en le voyant.

Bien sûr que non. Il y avait été les cinq premières fois avant de voir qu'il ne connaissait vraiment rien. Personne ne lui avait jamais appris à lire, ça lui était donc impossible de comprendre plus de la moitié de ce que l'enseignant apprenait aux autres. Il avait donc finit par décréter qu'il n'irait plus la bas, et passait donc ses matinées à traîner dehors pour ne pas rester trop longtemps avec le couple et ne pas les gêner.

- Oui. Mentit il simplement.

Elle le regarda d'un air soulagé, et repris son activité tout en continuant la conversation.

- Tu sais, j'ai appris de l'enseignant que tu n'y était pas allé les dernières fois. Je suis heureuse que tu y retourne. Je comprend que tu sois un peu perdu puisque tu es arrivé ici depuis seulement quelques semaines, mais il faut bien que tu puisse te trouver un métier plus tard.

Fenton fronça légèrement les sourcils, agacé par le discours de celle qui se prenait apparemment pour sa mère. Il ne dit rien et se contenta de se diriger vers l'échelle au fond du couloir. Sa "chambre" de fortune se trouvait en haut, dans ce qui était le grenier avant d'avoir été aménagé pour lui permettre de dormir. Même si il ne l'admettait pas, les oreillers posés contre les caisses en bois et les couvertures dans lesquelles il s'endormait le soir lui plaisaient. C'était bien mieux que dormir dehors, surtout dans cet endroit ensablé. Là ou il vivait avant, il n'avait pas de problèmes de sables mais plutôt de pluie et de froid. A cette pensée, une foule de souvenir lui vint à l'esprit, qu'il refoula immédiatement. Il n'avait aucune envie de se perdre dans des songes inutiles qui lui gâcheraient la soirée.

Ce n'est qu'après avoir passé plus d'une heure là haut que le garçon entendit des voix plus bas, quelqu'un leur rendait sûrement visite. Il passa sa tête par l'entrée et observa ce qu'il se passait avec appréhension. L'homme était celui de la boutique ou il avait dérobé la montre plus tôt dans la matinée. La femme et l'homme qui le logeaient écoutaient ses paroles et leurs visages exprimèrent rapidement la colère. Ils remerciement l'homme après lui avoir tendu une bourse sûrement remplie de pièces en guise de dédommagement.
Fenton déglutit, il savait ce qu'il venait de dire à ses hébergeurs, et que ça allait mal aller pour lui. Il remonta dans sa chambre et attendit qu'on vienne lui en parler, assis contre les caisses. C'est après avoir écouté la discussion animée entre les deux adultes qu'il entendit enfin l'homme l'appeler. Il fit comme si de rien n'était et descendit l'échelle tranquillement.

- Qu'y a t'il ? Demanda il poliment.

Seul lui l'avait perçu, mais sa voix avait tremblé un instant. Un silence froid passa entre le garçon et le couple.

- Nous ne pouvons pas continuer à t'héberger, tu ne respecte pas nos arrangements. L'horloger nous a dit que tu avais tenté de lui dérober de l'argent, et ce n'est pas la première fois que quelqu'un se plaint de ta conduite.

L'enfant hocha la tête, se gardant bien de parler de la montre qu'il avait placé avec ses "trouvailles" dans une des caisses du grenier. Il ne se mit pas en colère, mais intérieurement sa déception était douloureuse. Ce n'était pas comme si il était spécialement attaché à cet endroit, mais il s'y sentait plutôt bien.

- Tu n'as rien à nous dire ? Dit l'homme en face de lui, perturbé par son silence.

Il regardait cet enfant qu'il avait côtoyé ces dernières semaines comme on regarde un ami qui s'apprête à partir en voyage très loin. Mais ce n'était pas un ami, encore moins son fils.

- Non. Je comprend votre décision. Je vais m'en aller.

Il remonta dans au grenier sans se presser et prit son sac dans lequel se trouvait quelques changes et "trouvailles". Il mit sa veste et se dirigea vers la sortie de la maison. La femme semblait avoir des choses à lui dire, mais il ne voulait pas lui laisser le temps de le faire. Il lui passa devant, esquivant au passage sa main qui s'avançait vers lui de façon hésitante. Elle n'avait pas envie de le mettre dehors.

- Merci pour tout, je ne vais pas vous causer des ennuis plus longtemps.

Franchissant les quelques mètres qui le séparait de la terre poussiéreuse, il fit signe de la main au couple qui le regardait d'un air triste. Puis il partit tout comme il était arrivé dans ce village, comme un vagabond. En le voyant disparaître derrière la maison suivante, ils surent qu'ils ne le reverraient surement plus jamais. Il venait de sortir de leurs vies.

Après tout, il n'avait jamais souhaité être adopté, être hébergé lui avait suffit amplement. Il avait toujours vécu comme ça, il ne changerait pas si simplement.

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