*** Olivia ***

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En quelques heures, Olivia avait perdu l'équivalent de cinq ans et demi de travail. Harpocrate était, de loin, son ouvrage le plus abouti, celui dont elle était le plus fier. En moins de vingt quatre heures, tout avait été mis à bas par une série de bugs qu'elle n'avait pas identifiés. Et désormais, sa réputation d'excellente informaticienne, d'experte dans son domaine, en souffrait. Elle était assise dans son salon à ruminer et à se demander ce qui avait pu aussi mal tourner.

Alors qu'elle s'apprêtait à relire ses notes et à vérifier ses algorithmes sur son ordinateur de travail, on frappa à la porte. C'était curieux car habituellement, les gens devaient sonner à deux interphones différents pour accéder jusqu'aux logements dans cet immeuble et personne n'avait appelé.

Olivia quitta son canapé et ouvrit la porte. Elle était toujours mal à l'aise à l'idée d'ouvrir au hasard, sans savoir qui venait, d'autant plus que sa porte n'avait pas de judas. Sur son paillasson un homme d'une vingtaine d'années en costume noir attendait. Il était très élégant, avec un air de Léonardo di Caprio au même âge, mais brun et avec une paire de lunettes épaisses de premier de la classe. Il portait à la main droite une mallette noire, et Olivia crut remarquer que la mallette était attachée au poignet de l'homme par une paire de menottes. De la main gauche, il tenait une carte professionnelle aux couleurs du drapeau français sur lequel on lisait "Armée de terre - Nicolas Poulos". La photo du document ressemblait à l'individu qui se tenait devant Olivia :"Bonjour monsieur. Que désirez-vous?

_ Madame Martin? Olivia Martin?

_ C'est moi.

_ Bonjour madame Martin. Je suis le lieutenant colonel Poulos, du service informatique de l'armée de terre. Pourrais-je vous parler seul à seul quelques minutes?"

Olivia eut une première réaction qui ressemblait à de la panique. Les mots "armée de terre" et "seul à seul" dans la même tirade lui avaient fait peur. Après avoir repris son souffle, elle envisagea sereinement la situation et laissa entrer le jeune lieutenant colonel dans son salon. Elle lui proposa un verre qu'il déclina et s'installa dans un fauteuil, face au canapé dans lequel Olivia était assise quelques minutes plus tôt.

"Madame Martin, je viens vous parler du contrat que vous avez signé hier avec le groupe Intelstar. Vous avez certainement entendu parler de leur mésaventure financière dans la presse et vous avez sûrement lié cet évènement avec le déploiement de votre logiciel Harpocrate.

_ Comment êtes-vous au courant de tout ça?

_ Je vais y venir dans un instant. Sans entrer dans les détails, nos services sont un peu responsables de cette mésaventure." Le militaire marqua un pause, le temps de rassembler ses pensées.

"Je suis tout d'abord venu vous donner ceci". L'homme manipula les bagues de sa valise et ouvrit les serrures dorées dans un grand clac. Il en sortit avec précaution un bout de papier qu'il tendit avec déférence à Olivia. Elle prit le papier et l'observa attentivement. "Un chèque?

_ Oui madame.

_ Trois cent trente deux mille sept cent quatre vingt dix euros? C'est énorme.

_ C'est la somme exacte qu'Intelstar ne vous versera pas.

_ Il va falloir m'en dire plus."

Le militaire referma sa valise et se massa les poignets. "Pour résumer, Intelstar était depuis de longs mois sur nos listes de surveillance. Nos services ont soupçonné cette société de se livrer à des trafics douteux avec des pays encore plus douteux. Je ne peux pas vous en dire plus. Nous avons profité de votre logiciel pour mettre fin à leurs activités.

_ Comment avez-vous fait ça?

_ Il y a six mois, nos experts ont développé un système incompatible avec votre logiciel. Quand votre Harpocrate a été installé, le bug est apparu, comme prévu et a fait tomber Interlstar.

_ C'est horrible. Vous jouez avec la vie des gens en fait.

_ C'est pour ça que vous recevez ce chèque. Pour vous permettre de vous remettre de cet incident.

_ Financièrement admettons, mais ma réputation dans tout ça?

_ Dans quelques jours, sur les forums spécialisés, des analystes expliqueront que votre logiciel n'est pas responsable du bug mais a seulement démarré un processus que vous ne pouviez pas contrôler. Tout sera fait pour vous défendre moralement. Ne vous inquiétez plus. Nous nous occupons de tout."

La Malédiction de la DéesseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant