Extrait Chapitre 4 éclaircie du 4ème type

9 2 0
                                    

Samedi

La fin de semaine m'a semblé interminable, j'aurai bien sorti un calendrier de l'avant avec le week-end comme événement pour canaliser mon impatience, il faut croire que j'ai pris goût aux congés. Je n'ai malheureusement pas grand-chose de prévu pour ces deux jours. Je ressens le besoin de faire le point, je ne me vois pas rester cloîtré dans ma bicoque. L'image du lac me passe par la cafetière, je pourrais sans doute aller y faire un tour, cela me fera prendre l'air, même si j'y laisserais certainement mes guibolles. Il se trouve à un peu plus de quatre-vingts kilomètres, il me faudrait donc préparer quelques bricoles avant de mettre les voiles. En revanche, j'ai plutôt intérêt à me bouger maintenant, si je veux arriver avant 16h et ne pas être de retour au cœur de la nuit.

Je bourre mon sac avec de quoi grailler et de quoi siroter un petit canon, je prends même un verre supplémentaire au cas où je viendrais à péter le premier, on n'est jamais trop prudent. Paré, je gonfle les pneus de mon fidèle destrier à vingt et une vitesses et je me lance sur la longue route qui mène à mon nouveau sanctuaire. Je ne suis pas tout à fait remis de ma dernière escapade, mes mollets ont pris un crédit de courbature à plein tarifs et il me reste sans doute un ou deux jours à payer.

Mon pèlerinage commence, j'ai pris le soin de couvrir ma selle d'un coussin pour éviter que cette dernière ne me démonte l'arrière-train. La route s'annonce longue ; pour troubler ma conception du temps et éviter de me retrouver seul avec mes pensées pendant des heures, j'ai pris de quoi me laisser bercer par quelques ritournelles déchaînées. Je suis tout de même étonné de me voir autant enjoué à l'idée d'aller me poser au bord d'un lac. Je ressens cette escapade comme les prémices d'un changement, des efforts pour briser la monotonie qui m'accable.

Je roule depuis des lustres, mais le lac se rapproche, à moins que ce ne soit moi. Je m'impatiente, ''Ignition'' et ''Milo goes to College'' tournent en boucle dans mon phonographe électronique, mes jambes débordent d'acide lactique et un trou noir commence à se former dans mon estomac.

Il est 16h, j'arrive enfin sur les bords du lac. Le ciel est saturé de nuages sombres et menaçants. Heureusement, j'ai pris avec moi une bâche avec laquelle je vais tenter de bricoler un genre de tipi au cas où le ciel déciderait de sévir. Je m'en vais faire un tour dans la forêt histoire de trouver de quoi faire une charpente qui tienne debout. Je me retrouve après quelques minutes de collecte les bras chargés de lignine et de cellulose. En retournant vers le lac mon regard est attiré par une forme étrange. Au pied d'un arbre, recouvert en parti de feuilles, se trouve ce qui à l'air être une pièce métallique. L'objet en question, de taille à peu près équivalente à celle d'un rubik's cube, forme un cylindre creux dont les parois sont incrustées de six courtes tiges capables de tourner autour de leur axe. Le tout ne pèse pas plus lourd qu'un trochilidé mais semble pourtant incroyablement résistant, un peu comme les vieux francs de la deuxième guerre mondiale, ceux que l'on trouve parfois par terre, scellés de la devise ''Travail Famille Patrie'' et qu'on s'imagine pouvoir plier à la seule force des mains. Je saisis l'objet qui est un peu chaud, il paraît pourtant être resté un petit moment au pied de cet arbre au vu de son état. J'embarque le machin avec moi, je ne peux pas laisser sur place un trésor pareil.

Je suis enfin installé à l'abri, je sors mon canon et de quoi grailler. Cet endroit est vraiment un coin de paradis, mon jardin d'Éden, même si je n'irai pas jusqu'à me balader les noix à l'air. C'est un endroit libre de tout problème, chagrin, routine. Le vent souffle et agite le sommet des arbres, les vaguelettes viennent se percuter sur la berge quant à moi, je contemple le ciel qui s'obscurcit peu à peu. Je suis heureux, cet endroit me donne la certitude que je suis sur la bonne voie, que ma quête de changement est sur le point de s'accomplir. Je me ressers un canon que je bois cul-sec avant de m'allonger paisiblement et de fermer les yeux.

Mémoires moléculaires du 5ème typeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant