J'ai tenté de bouger, mais la petite, Gabrielle, me maintint au sol alors que sa sœur, Aubane, me diagnostiquait un genoux cassé. Pourquoi je l'ai pas vu ?
Bien sur, pourtant, c'est si simple.
La Mante Religieuse a donné à son premier enfant un prénom en "A", puis le second "B", etc jusqu'à "K", pour l'instant, avec Katherine; il me semble.
- On va te ramener en ville, décrète Aubane. C'est bête que tu sois marquée, mère t'aurait adoré.
- Comme elle aime Björn, Célie, Diane, Éléa, Floriant, Harry, Isaac, Johanna et Katherine ? Demande Gabrielle, articulant correctement une phrase pour la première fois.
- Oui.
- C'est qui, eux ? Glapis-je en suant à grosses gouttes.
Je finis ma question que je connais déjà la réponse :
- Mes frère et sœurs, t'y pas ! Répond Gabrielle en levant les yeux au ciel.
- Tais-toi, Gabrielle, intime Aubane en me regardant avec circonspection.
La Pie. C'est son surnom. Par ce qu'elle vole tout ce qui brille, qui a de la valeur. Elle m'examine avant de faire un petit geste en direction vers Gabrielle. Le visage de cette dernière s'illumine et elle fond vers la camionnette. C'est le moment ou jamais; je roule sur le côté, me mordant la joue pour contenir un cri de douleur lorsque mon poids se pose sur mon genoux.
Avec agilité, je me remet debout, l'adrénaline endormant un peu la douleur, mais ne la faisant pas disparaître. J'attrape ma barre de fer et la brandit, donnant un coup sec sur la joue d'Aubane, qui a voulu s'approcher pour m'attraper.
L'adrénaline dilue la douleur, mais ce n'est pas pour autant que mon genoux n'est pas cassé. Je fais un pas en arrière, manque de perdre l'équilibre, ce qui est pour la fille de vingt ans le moment idéal pour, d'un geste ample du pied, me désarmer et bondit sur moi. Nous nous écrasons au sol dans un bruit mat, l'air s'éjectant de mes poumons en un bloc compact. Aubane est grande et plus lourde que moi. Je tente de me dégager mais, d'un coup, je pousse un cri à faire exploser des tympans : Gabrielle, afin de défendre sa sœur, à presque sauté sur mon genoux. On entend un second "crac!", et je m'évanouie.
* *
* * *Quand je rouvre les yeux, je suis sur du plancher, et le bruit d'un moteur se fait entendre. Je relève la tête, découvrant que je suis allongée sur le sol de la camionnette, et une perfusion part de mon bras pour rejoindre une poche tenue par un élastique à un siège. Un cathéter de fortune.
Gabrielle s'est endormie, et elle semble paisible, jolie. Une fillette inoffensive, et non une gosse qui n'a pas hésité à me péter le genoux pour la deuxième fois. Aubane, une main sur le volant, se retourne et sans remarquer que je suis réveillée, tapote la poche de liquide pour fluidifier l'écoulement.
Quand elle me voie, elle sursaute et la voiture manque de finir dans un fossé, ce qui réveille Gabrielle en panique.
- Tu m'as fais peur ! Hurle Aubane.
Elle respire intensément, les mains crispées sur le volant.
- On va où ? Articulais-je, la bouche pâteuse.
- On t'ramène en ville, répond Gabrielle en tenant son siège avec ces doigts, le visage livide.
Envolée, la fille innocente.
- C'est quoi la poche ?
- De la morphine.
Je me redresse mais une douleur irradie de mon genoux.
- J'ai mal ! Gémis-je.
- Évidemment, crétine, fais Gabrielle. L'morphine est dosée d'façon à alléger l'douleur, mais s'tu bouge, on n'peux rin pour toi !
- Pas compris.
Aubane répète, articulant mieux que sa sœur. Elle garde un œil sur la route.
- Et où, en ville ? Marmonnais-je.
- A t'y avis ?
- Je sais pas.
J'ai l'esprit embrumé, et je me sens comme dans une sorte de torpeur.
- Chez les Enfants, répond Aubane avec douceur.
- Et pourquoi pas autre part ? Pourquoi ne me laisseriez vous pas partir ? Tentais-je.
Aubane soupire et Gabrielle me regarde comme si j'étais la dernière des idiotes :
- P'tit 1 : Elias offre une prime. Tit 2 : t'rais pas loin, 'vec' un g'noux cassé. Tit 3 : Môman veux qu'tu rentre ch'les EFM, donc t'y va y aller !
Je me laisse tomber sur le plancher, les sens troublés :
- Moi moi je veux pas...
Aubane rit :
- Mais on s'en tape, de ce que tu veux ! Tu vas chez Elias et Compagnie, point barre ! Non mais l'autre elle croit qu'on s'intéresse à elle ! La blague ! Si on t'a ramassée, c'est pour se partager la prime, Gab' et moi. On avait parié, avec Björn, Célie, Diane, Éléa et Floriant. Björn et Célie se sont mis ensemble, Diane et les autres aussi. Mais c'est nous qui t'avons trouvé !
- À nous l'prime ! Jubile Gabrielle.
Visiblement, c'était plus une compétition entre frères et sœurs. Sympa. Je me sens considérée. Même Arthur n'aurait pas été aussi franc.
- Mais, mais, bafouillais-je.
- Rooh, t'y nous saoule !
Gabrielle se penche pour bidouiller la poche.
En moins de trente secondes, je suis de retour au Pays des rêves.
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Enfants Fugueurs Meurtriers
ActionEline est en fugue. Elle est recherchée. Elle crève la dalle. Elle ne tiendra pas longtemps. Mais voilà qu'elle rencontre Kaylie, qui lui fait miroiter l'espoir d'un refuge, où elle sera en sécurité, et surtout, où elle ne risque pas de se faire tro...