Hyperventilation

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Je me suis explosé l'épaule sur le béton. Une douleur lancinante remonte jusque dans mon cou. Mes poings sont ensanglantés, la chair abîmée. Mes joues ont un désagréable goût salé. Mon cœur bat trop vite.

C'est pitoyablement pitoyable.

Je respire difficilement, de par la douleur dans mes poings et mon épaule, mais aussi pour celle de mon genoux, qui s'est ravivée.

Je pense qu'on peut m'applaudir. Le ciel gronde, il est tout gris. En un rien de temps, de petites gouttes s'écrasent sur mon visage et mon corps. Bientôt, des larmes s'y mêlent. Je suffoque, le froid m'assaille. Je me force à me relever, m'aidant du muret humide et gelé. De là haut, sur le toit de l'hôpital, je domine presque la ville. Des maisons, des résidences, des commerces, des écoles, des rues et des routes, des passants, des parapluies qui se déploient, des voitures.

Des pavés qui se trempent sous la pluie battante.

Je suis trempée en quelques minutes. Je grelotte. Finalement, je fais demi-tour et claudique jusqu'à la porte que j'ai eu l'excellente idée dé défoncer. Je la passe, mais je suis toujours gelée. Et les escaliers vont être une nouvelle épreuve pour moi et mon plâtre.

Mais on avance quand même.

Je tremble, mon plâtre claque, la douleur est atroce. Je manque de crier plusieurs fois. Quand j'arrive en bas, la première chose que je vois est une crinière noire et un regard inquiet.

Elias.

- El...Line, dit-il, t'étais où ?!

Cependant, mes vêtements trempés et mes lèvres bleues doivent être assez explicites, car il semble direct comprendre que j'étais sur le toit. J'aperçois Arthur et Aïka pas loin. Le premier à un rictus méchant et la deuxième semble désespérée. Elias m'empoigne le bras et me tire, mais je trébuche sur mon plâtre. Il soupire et jure avant de, sans que je ne donne mon opinion, le soulever de terre et d'avancer.

- Pose-moi ! Glapis-je.

Il ricane. Mes poings me tiraillent, et tâchent son beau t-shirt noir. Je suis mouillée, mais il semble s'en balancer complètement.

- Arthur, entretient privé, tu fous le camp ! Cri Elias au rat qui nous suivait.

Ce dernier grimace et me fait un doigt avant de repartir. Elias accélère le pas, et je devine que je ne suis pas toute légère.

Nous traversons plusieurs couloirs, où la couleur des murs d'origine n'est plus visible tant recouverte par des tags, tel que "Elias le King", "Je suis pas gay, je suis amoureux", "Ni Dieu ni Maître", "Big boobs, small boobs, no boobs, that doesn't define your gender", "Elle est où mon enfance ?", "Keep Calm and Rock on", "Vous allez finir par vous aimer, oui ou non?!", "La religion à fait plus de mort que le Sida", "Love has not gender", "JE T'AIME", "love is love", "a force d'être déçu on déçoit"...etc.

Pour finir, il me dépose devant une grande porte jaune canari, elle aussi taguée.

- Tu pèses ton poids ! Grommelle-t-il.

- On ne dit pas ça à une fille, protestais-je en claquant des dents.

Il roule des yeux et pousse la porte. Je découvre un bureau désordre et deux chaises capitonnées.

- Assis-toi.

Je m'exécute. Un ressort me rentre dans le dos mais je ne dis rien. Elias, après avoir fait le tour de son bureau d'un pas lent comme celui d'un proviseur de Collège qui reçoit un élève qui a fichu le feu à sa table, s'assoit sur son siège. Il me regarde longuement. Croise les doigts. Je tente de soutenir son regard, comme le ferais Line, mais elle n'était qu'une mascarade. Je ne parviens pas à le regarder. Pas même un instant. Je suis glacée. Je grelotte. Mon plâtre va puer.

- Très bien.

Je relève la tête. Elias s'apprête à parler quand il remarque l'état de mes poings. Il se masse dans les tempes dans un soupir à fendre l'âme.

- Bouge pas, dit-il. Faut désinfecter.

Un sursis. Merci, Seigneur ! Pendant qu'il franchit la porte au pas de course pour aller chercher de l'antiseptique, je tapote frénétiquement du pied sur le sol, dans un tic nerveux. Je vais mourir, d'ici quelques minutes. Elias va me passer un savon dont je vais me souvenir longtemps.

Va-t-il me battre ?

Quand même pas...

Je me mets à trembler, mais pas de froid, de peur. Je commence une crise d'hyperventilation. Je serre les accoudoirs tellement fort que mes jointures blanchissent. Ma tête me tourne. Des dizaines de scénario se forment dans ma tête, tous plus horrible les uns que les autres. Quand Elias revient, il lève un sourcil devant mon état, mais se contente de lever les mains, qui tiennent un flacon de désinfectant et des bandages.

- Je vais pas te tuer, Miss, dit-il doucement. Vraiment. Calme-toi. 

C'est ça...

Je n'ai pas d'autre pensées que je tombe dans les pommes.

Enfants Fugueurs MeurtriersWhere stories live. Discover now