Davis me fixe pendant une ou deux minutes, les bras croisés sur sa poitrine. Puis elle se résigne et monte dans le voiture.
Je souffle de soulagement et remonte également dans la voiture.
Durant tout le trajet Davis reste silencieuse et j'en fais de même. Parfois, du coin de l'oeil je vois son visage essayer de contenir des larmes. Malheureusement, notre petite conversation a dû lui remémorer d'affeux souvenirs.
J'aimerais l'aider mais je n'en sais pas plus que ce que je lui ai dit et puis il ne me semble pas que ce soit la meilleure chose d'aborder le sujet maintenant.
La maison des Ty apparaît dans mon champ de vision. Je la dépasse de quelques mètres et me gare entre deux voitures.
- Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? demande Davis d'une voix peu assurée.
- On attends.
- On attends quoi?
Je jette un coup d'oeil à ma montre.
- Il n'est que huit heures trente. Monsieur Ty devrait partir dans quinze minutes pour arriver à l'heure à son travail, je l'informe.
- Et donc, quel est le plan?
- J'irais seule rendre une petite visite à Madame Ty trente minutes après que son mari soit parti et tu resteras ici au cas où il renviendrait.
- Vous faîtes ça pour me punir ? me lance t'elle tout en me jetant un regard accusateur.
- Je ne suis pas votre mère Davis, je réplique, en revanche, je ne veux pas vous créer des problèmes alors que vous êtes là pour apprendre. Vous serez donc chargée de surveiller si Vincent Ty revient.
- Mais sa femme pourra appeler la police, ajoute t'elle en haussant un sourcil.
- C'est une raison de plus pour que vous restiez là et que je sois la seule et unique responsable, je lâche avec bienveillance.
Davis ne répond pas et se renfonce un peu plus dans son siège.
Pour ma part, je surveille, avec une excitation particulière, la porte d'entrée des Ty. Plus que six minutes et il devra sortir.
- Je peux fumer une cigarette ? demande Davis.
Je décroche, avec regret, mon regard de la porte et fixe ma coéquipière dans les yeux.
- Non, nous devons faire preuve de discrétion et vous êtes en heure de travail, pas en vacances, je la rembarre.
Davis souffle et de nouveau, le silence devient roi. Mais pas longtemps, en tout cas, dès que la poignée des Ty s'abaisse et que la porte fasse sortir son propriétaire, Davis et moi-même nous nous relevons de nos positions nonchalantes, à l'affût de ses moindres faits et gestes. Il embrasse doucement sa femme et comme il doit le faire chaque matin, Vincent Ty sort sa voiture bourgeoise de son garage et fonce vers l'hôpital, et ce matin ne fait pas exception.
- Et maintenant ? me souffle Davis de peur qu'il nous entende.
- Dix minutes. J'attendrais dix minutes avant d'aller sonner chez eux et de cette fois visiter la chambre d'Emma.
- Si il revient comment est-ce que je vous prévient ?
- Appelez-moi, laissez sonner trois fois et raccrochez, mais je devrais entendre le garage, je lui explique.
Elle approuve mes instructions d'un hochement de tête et scrute la route où vient de disparaître Vincent d'un oeil perçant.
Au bout d'à peine dix minutes, ne pouvant plus y tenir, je prends mes affaires et ouvre la portière.
- Vous pouvez fumer maintenant Davis, je lui dis.
Je n'attends pas sa réponse et me précipite presque sur la porte.
Rester calme et ne pas se laisser envahir par l'excitation.
J'inspire longuement et expire, puis je laisse s'abattre mon poing trois fois sur la porte. Cette dernière s'ouvre presque immédiatement.
- Lieutenant Kearney, vous ne devriez pas être là, soupire Madame Ty, mon mari...
- Je sais Madame mais il est important pour moi d'au moins fouiller les effets personnels de votre fille, je la coupe.
Ses grands yeux bleus mouillés m'observent avec un mélange de peur et d'admiration, et ce petit corps frêle s'écarta pour me laisser pénétrer pour la seconde fois dans la maison des Ty.
- Suivez-moi, je vais vous conduire à la chambre d'Emma, marmonne faiblement Madame Ty.
Je ne lui répond pas et lui emboîte le pas. Après deux étages, elle me laisse devant une porte blanche surmontée de quatre lettres formant le prénom Emma. Le tout entouré de strass et de quelques diamants.
Madame Ty s'écarte de nouveau pour me faire comprendre qu'il faut que j'y aille et qu'elle n'y mettrait pas un seul pied.- Prenez ce que vous voulez, vous avez un mandat, dit-elle plus sûre d'elle que moi je ne le suis de moi-même.
- Merci Madame Ty.
- Appelez-moi Jane Lieutenant
J'hoche la tête en signe d'acquiescement. Ensuite, je pose ma main sur la poignée et l'actionne d'un seul mouvement de poignet.
La chambre d'Emma Ty est tout ce qui est de plus banal. Une chambre d'adolescente entourée des canons masculins et féminins de notre société, des murs surchargés par des selfies avec des amis, de la décoration un peu partout. Disposée à des endroits inutiles qui alourdissent la pièce en la restreignant.
Jane Ty se décide finalement à entrer et se dirige, tout en baissant le regard, vers une photo sur le mur droit, la prend et me l'amène.
- Je ne sais pas si cela pourrait vous être utile, mais voici ses meilleurs amis, Emma Clément, Ambre Cobb, Jace Chanéac et Pierre-Baptiste Lage.
Son doigt montrait de gauche à droite, une jolie brune, puis une blonde, un peu moins jolie, et deux bruns sans signe distinctif. Même coupe, même sourire. Et bien évidemment, lorsque Jane ramène son doigt sur le visage angélique de sa fille, je sens les larmes lui venir.
- Je ne connais pas les cinq autres adolescents à côté, avoue Madame Ty.
- Ce n'est pas un problème, je répond, puis-je vous prendre la photo ainsi que les noms des jeunes que vous m'avez énoncé. J'aimerais également ,si elle en possède un, emmener avec moi l'ordinateur portable de votre fille.
- Tout de suite.
Jane Ty se précipite et me tend un ordinateur neuf et de dernière gamme qui a dû coûter bien plus de cinq billets vert.
- Avant de vous laisser passer une journée tranquille Madame, j'aimerais, si ce n'est trop vous demander, vous poser quelques questions, je demande en redoutant la réponse.

VOUS LISEZ
Tremblements
Mystery / ThrillerEmma Ty, une jeune fille de dix-sept ans se serait suicidée, pourtant tout laisse à penser le contraire. En effet, elle avait tout pour elle et la vie lui tendait avidement les bras ainsi qu'une joie de vivre incommensurable. De plus, Emma n'a jama...