19 - Newport

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Mon sac est prêt, je n'attends plus que Duncan vienne me chercher. Hier, après notre activité sur le toit, nous y sommes restés pour parler, pendant une heure, et puis une autre, puis une autre. Je ne vois pas le temps passer quand je suis avec lui. Pourtant, il va falloir que je fasse plus attention au temps qui passe, il m'est précieux ces derniers temps. Nous avons pris un repas ensemble, il y avait des pâtes et surtout, de la glace au beurre de cacahuète, à croire que Duncan ne jure que par ça. Il a fini par me ramener chez moi et j'ai prévenu mes parents que je partais en week-end à l'autre bout de l'Oregon.

Maman n'a pas accepté. Elle a commencé à angoisser, à dire que c'était trop dangereux pour moi et que je ne devrais probablement pas surfer vu mon état. Alors je lui ai répondu que mon état est plutôt bon pour le moment et qu'il valait mieux que j'en profite avant qu'il se détériore et que je me sente tellement mal que je ne quitterai plus ma chambre. Papa a pris ma défense et a dit à maman qu'il faisait confiance à Duncan, « Je n'aurais pas laissé ma fille seule avec un irresponsable », a-t-il dit. J'ai ri et fait remarquer à papa qu'il connaissait à peine Duncan ; il m'a dit qu'il sentait un bon feeling, ce qui a accru mon rire.

Maman n'était pas d'accord, mais papa si. Alors j'ai fait mon sac et j'ai fait en sorte de ne rien oublier. Après une bonne nuit de sommeil, maman m'a dit qu'elle avait peur pour moi, m'a prise dans ses bras et m'a dit de bien m'amuser. J'aime mieux ça.

Je regarde ma montre, Duncan a dit qu'il serait là à huit heures, c'est-à-dire dans cinq minutes. Je me plante alors devant ma coiffeuse et observe mon visage. J'ai l'air toujours aussi fatiguée, mais j'ai l'impression de ne pas avoir si mauvaise mine que ça. Plus je regarde ma peau, mes yeux, mes cernes, et plus je me demande ce que Duncan peut bien me trouver. Mes yeux gris ont l'air d'être perdus, c'est comme s'ils n'avaient pas leur place sur un visage aussi tiraillé. Seule ma bouche charnue et rose a l'air en bonne santé.

Je ne réfléchis pas plus, je maquille légèrement mon teint, ce qui me donne un air nettement plus juvénile et en meilleure santé. Je trace un trait précis et fin d'eye liner sur mes paupières et ajoute un peu de mascara. Je suis à peine maquillée, mais c'est tout ce qu'il me fallait. J'ai l'impression de me revoir avant d'être malade et je me rends compte seulement maintenant d'à quel point j'avais l'air mal en point. Je me demande encore plus ce que Duncan pouvait bien trouver à ce visage fatigué et à ces yeux éteints et sans une seule once de vie. Je détache mon chignon pour libérer mes cheveux qui tombent en cascade sur mes épaules ; j'y passe un coup de brosse à cheveux et je me sens déjà plus féminine et plus jolie.

J'ai eu comme un déclic, d'accord, j'assume mon sort, d'accord, je vais mourir. Mais ça ne veut pas dire que je dois me laisser aller et ne ressembler à rien. Je me détaille un peu plus dans le miroir et observe ma tenue : un jean et un sweat noir. Je m'empresse de retirer le sweat, c'est comme si cette seconde peau me devenait insupportable. Je fouille dans mon armoire et choisis d'enfiler un petit débardeur en mousseline rouge par-dessus lequel j'enfile un gilet plus féminin et blanc.

J'ajoute une touche de parfum sur mes poignets et derrière mes oreilles, je me sens revivre, c'est comme si ma vie reprenait son cours, comme si rien n'avait changé. J'entends mon père m'appeler de l'entrée ; je me regarde une dernière fois dans le miroir et m'empare de mon sac.

Une fois installés dans la voiture, Duncan met le contact mais ne démarre pas. Je ne savais pas qu'il avait une voiture.

Il me regarde en souriant, j'espère qu'il ne se dit pas que je suis superficielle ou quelque chose dans le genre.

— Tu es magnifique, dit-il.

— Tu aurais pu me dire que je faisais peur à voir, je lui réponds.

MY LAST WISHOù les histoires vivent. Découvrez maintenant