Certains secrets disent qu'un groupe d'adolescents serait parvenu à matérialiser l'imagination. Ils auraient conçu une machine capable de recréer chaque pensée en une dimension virtuelle, presque plus tangible que la réalité elle-même.
Les jeunes gens les plus téméraires furent les premiers à se risquer dans la machine. Comme l'essaie fut un succès, plusieurs cuves de connexions furent fabriquées, afin que chacun puisse évoluer dans le monde virtuel : on en compta bientôt plus d'une dizaine, comme autant de portes grandes ouvertes sur une liberté infinie. La machine, bien sûr, était un secret jalousement gardé, et seuls ses créateurs étaient autorisés à y séjourner... Du moins, c'est ce qu'ils pensaient.
Tout dérapa le jour où les créateurs refusèrent de sortir de la machine. Non pas qu'ils furent accro à leur propre imagination, mais leur esprit semblait incapable de se déconnecter du programme. Ils n'avaient même plus l'air capable de communiquer avec l'extérieur, comme le leur permettait normalement quelques extensions... Seuls deux adolescents avaient échappé au problème, absents lors de "l'accident", comme ils l'appelaient, mais ni l'un ni l'autre n'était capable d'expliquer le phénomène. Là où l'une s'en inquiétait, l'autre n'y voyait qu'un problème de passage ; ce fut alors seule que la plus jeune retourna dans la machine.
Ce fut d'abord le vide qui la saisit. Un bâtiment silencieux, décoloré, une gare sans doute, bien loin des mondes fantaisistes qui cohabitaient habituellement au cœur du programme.
Et puis ils apparurent.
Ils n'avaient pas de forme. Pas d'émotion. Pas de traits. Pas de regard. Juste une surface lisse et froide à la place du visage. La machine semblait s'affoler à leur approche, brouillant leurs silhouettes d'incessants bugs de programme, et pourtant rien ne les arrêtait : ni la magie, ni les balles, ni toute forme de volonté dont pouvait faire preuve la jeune fille. Les jauges de vie que faisait apparaître instinctivement la machine étaient vides du début à la fin, mais ces créatures continuaient toujours d'avancer, toujours tout droit, comme dépourvues de toute forme de volonté, si ce n'était celle d'avaler chaque once de couleur passant accidentellement devant elles. Ce fut alors la fuite qui sauva l'adolescente, et l'espoir que ces monstres ne soient qu'une poussière dans la machine, un virus que son collègue nettoierait plus rapidement qu'elle pouvait l'espérer.
Mais l'autre était déjà reparti, coincé dans sa propre certitude que les choses allaient s'arranger. Il n'était pas sortit du local qu'il fut percuté par un camion, dit-on dévié après avoir tenté d'éviter un étrange personnage dressé au milieu de la route — et dont le corps ne fut jamais retrouvé. L'adolescent mourut sur le coup, emportant avec lui l'existence de cette fabuleuse machine... Et des gens qui y étaient enfermés.
Des rares privilégiés connaissant cette histoire, personne ne sait s'ils ont réussi à en sortir. Personne ne sait même s'ils sont encore en vie, s'ils sont parvenus à survivre dans ce monde dévasté par une utopie brusquement devenue chaos.
Mais certains disent qu'ils sont devenus immortels. Que leur conscience est allée par delà la machine et qu'ils errent à travers les mondes, poursuivant l'espoir fou d'un jour parvenir à se libérer de cet enfer.
Alors, regardez bien autour de vous.
Puis regardez-vous dans un miroir.
Êtes-vous si sûrs d'être faits de couleurs ?
Êtes-vous toujours aussi persuadés que votre visage n'est pas qu'une simple illusion ?
*Dimension des Possibles*
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À travers les Mondes
Short StoryCertains disent que les êtres humains sont des dieux capables d'engendrer à chaque pensée, chaque idée, chaque rêve un Monde unique. Qu'il existe au delà de nous-même une multitude de réalités que nous avons un jour imaginées, et peut-être visitées...