Une forte odeur de moisissure me souhaita la bienvenue dans les caves. Je descendis les marches en plissant le nez, puis analysai mon nouvel environnement d'un œil curieux : un long couloir au sol de terre battue me faisait face, éclairé par la lueur tremblotante de quatre ampoules dénudées. Chacune d'entre elles pointait l'entrée de deux petites cellules, placées d'un côté et de l'autre de l'allée, dont ne s'échappait aucun bruit ni aucune lumière. Mes collègues m'avaient appris qu'elle étaient toutes vides, à l'exception mystérieuse de la plus sécurisée d'entre elles : je me dirigeai donc vers la troisième geôle de droite, le pas sûr et l'attitude sereine.
— Bonsoir, lançai-je simplement en m'arrêtant devant ses barreaux noircis.
L'on m'avait bien prévenu que ce captif n'était pas très loquace, ni même démonstratif, mais j'espérai tout de même récolter une petite réaction. Mes espoirs furent satisfaits lorsqu'une forme bougea au fond de la cellule, tournant vers moi un regard voilé par les ténèbres ; je ne pourrais dire s'il s'agissait d'un appel à l'aide ou d'un ordre de retrait, mais je ne voyais à cet instant que les prémices de ma victoire.
— J'aimerai vous parler, annonçai-je d'une voix tout aussi douce que ferme.
Le prisonnier me toisa une courte seconde avant de se tourner mollement vers le mur et de m'ignorer. Pas découragé pour deux sous, je m'accroupis devant les barreaux de la geôle et adoptai la voix la plus engageante que je pu.
— S'il vous plais... Ce ne sont que quelques questions. Ce ne sera pas long, je vous le promet.
Un sifflement, semblable au soupir blasé d'une vieille personne asthmatique, accueillit ma réplique.
— Je n'ai rien à vous dire, me rejeta une voix enrouée au possible. Vous pouvez partir.
Je souris mentalement et réfléchis à mes prochaines paroles, confiant.
— Je suis sûr que si, insistai-je avec douceur.
La silhouette gesticula mais resta silencieuse. Je l'agaçais, c'était certain, mais j'avais cruellement besoin de savoir ce qu'elle faisait ici.
— Pourquoi êtes-vous enfermé dans cette cellule ? demandai-je du tac au tac.
Le prisonnier souffla.
— Arrêtez ça, m'ordonna-t-il avec colère. Vous perdez votre temps. Laissez-moi.
— Arrêter quoi ?
— De vous payer ma tête. Ce n'est pas en changeant le personnel et me manipulant par la gentillesse que vous obtiendrez quelque chose de moi. Je ne sais rien de toute façon, vous vous fatiguez pour rien.
Je compris alors la raison de ce comportement. Prenant appuie sur mes paumes, je croisai les jambes et m'assis à même le sol, en tailleurs, face à la cellule. J'arrivai à peu près au même niveau que celui du prisonnier, nous mettant symboliquement sur un pied d'égalité : je m'armai ensuite d'un sourire léger, avenant, et continuai mon interrogatoire avec plus de subtilité.
— Je suis navré, mais je ne sais pas de quel genre de personnel vous parlez... Sans doute celui de l'ancien propriétaire des lieux.
La tête du prisonnier pivota très lentement dans ma direction. Un faible éclat de surprise brillait dans ses yeux sombres, ce qui m'arracha un nouveau sentiment de fierté.
— Si vous parliez de la Société, embrayai-je sans tarder, ce n'est plus la peine de vous inquiéter. Elle a quitté le château il y a déjà près de vingt quatre heures.
YOU ARE READING
À travers les Mondes
Short StoryCertains disent que les êtres humains sont des dieux capables d'engendrer à chaque pensée, chaque idée, chaque rêve un Monde unique. Qu'il existe au delà de nous-même une multitude de réalités que nous avons un jour imaginées, et peut-être visitées...