À travers les Mondes

Sorcière ou sorcellerie ?

– Mais ! Steuplaît !

– Non. On n'a pas le temps pour tes trucs de gamine.

La petite blonde me prend au mot et s'arme d'un regard larmoyant.

– Alleeeeeez ! pleurniche-t-elle. Juste une fois ! Pour essayer !

– J'ai dit non.

Je m'apprête à refermer le coffre de la camionnette mais une main se pose sur mon bras et stoppe mon geste.

– Je te promets de ne plus rien te demander de tout le trajet, négocie la jeune femme avec sérieux.

– Emie, je te le répète une dernière fois : non. Notre job est de ramener ce miroir à l'Académie le plus rapidement possible, pas d'invoquer la Dame Blanche avec !

Les rayons de la lune éclairent tout juste sa mine boudeuse. Elle plante avec rage ses ongles dans la bougie qu'elle avait préparée à l'intention de sa stupide incantation mais aucun cris de fureur, pourtant habituel, ne sort de sa bouche. Bien ! Il semblerait qu'elle ait compris le sens de « soyez discrets », pour une fois !

– Mais Jules ! s'exclame-t-elle à voix basse pour ne pas briser le silence nocturne. Ce n'est pas n'importe quel miroir ! C'est un miroir ancien ! Peut-être même centenaire !

– Et alors ? Un miroir est un miroir, alors pourquoi ne pas utiliser celui de ta salle de bain et aller te faire bouffer par les esprits toute seule, comme une grande, au lieu de me faire chier en plein milieu d'une mission importante ?

Elle me fusille du regard et, alors que je lève le bras pour atteindre, je l'espère, la porte du coffre, ses doigts se crispent encore une fois autour de mon poignet.

– Tu ne sens rien ?

– Sentir quoi ?

– La magie.

En effet, le bracelet qui me sert d'amplificateur énergétique vibre subtilement contre ma peau. C'est une réaction logique face à un objet ensorcelé, mais la magie qu'il dégage est guère plus forte que celle présente dans l'environnement ambiant... Même pas assez pour que je puisse la sentir naturellement ! Ce trou paumé n'est définitivement pas un puis d'énergies. Mais bon, à force de râler et de s'énerver pour rien, Emie va finir par ameuter toute la magie des environs et faire exploser notre unique moyen de transport. Il faut vraiment que je que je la calme, afin que nous partions d'ici en vitesse...

– Bon..., soupiré-je. Si tu veux, je négocierai avec les autres pour qu'ils te laissent t'amuser sur ce foutu miroir une fois qu'on sera rentré.

– Je ne m'amuse pas ! s'offusque Emie. J'expérimente !

– Expérimenter quoi ? Les légendes urbaines ? Enfin, on sait tous que la Dame Blanche, Bloodie Mary et toutes ces nanas qui sortent des miroirs, c'est de la merde ! Ça n'existe pas, Emie !

–Tssst ! Ça n'existe plus, Jules ! me reprend-t-elle. Enfin, ça, c'est ce que tout le monde dit...

Je soupire bruyamment. Je sais très bien ce qu'elle insinue et ça m'agace à un point qu'elle ne peux même pas imaginer.

–Tout le monde le dit parce que c'est vrai, je réponds sèchement. Si les sorcières en avaient quelque chose à foutre de nous, on le saurait ! En attendant, elles se terrent quelque part dans la nature et ne reviendront pas en entendant un pitoyable «Bloooooodyyyyyyyyy Maaaaaaaryyyyyyyyyyyyy...» barjaqué devant un miroir. Et encore, je te fais plaisir, parce que y'en a certains qui pensent tout bonnement qu'elles ont disparu. Et ce n'est pas une pauvre magicienne comme toi qui pourra prouver le contraire.