Désormais, une nouvelle vie commençait.Sa mère avait prévu son départ depuis plusieurs semaines. Lou avait gardé espoir jusqu'à ce que la mort lui arrache son dernier soupire mais Liliane s'était montrée pour une fois plus réaliste. Elle ne voulait pas qu'à son décès sa fille reste dans leur village du Sud de la France. Il y avait trop de souvenirs pour que la jeune fille fasse son deuil. Certes, bon nombre de voisins ou amis étaient présents pour la soutenir mais aucun ne parviendrait à lui faire tourner la page, à se reconstruire après sa perte. L'adolescente avait besoin d'évoluer dans un environnement différent et au sein d'un foyer qui pourrait lui donner de l'amour et combler le vide qu'elle laissait derrière elle.
C'est ainsi que Lou se retrouva dans un vol en partance pour le Montana.
Vivre aux Etats-Unis était un rêve pour de nombreux jeunes de son âge, mais pour elle, ça signifiait juste qu'elle allait vivre chez son père, dans sa nouvelle famille. Elle allait se retrouver entourée d'étrangers. Elle quittait tous ses repères, son village natal, sa maison, ses amis et sa mère. Elle n'arrivait pas à comprendre la décision de cette dernière. Un maelstrom d'émotion la tiraillait. L'impuissance et la frustration qu'elle ressentait depuis la lecture de la lettre faisant office de testament ne la quittaient pas. A peine s'était elle installée sur son siège qu'elle ressorti le bout de papier. Une sourde angoisse montait au fur et à mesure de la relecture. Elle ne se sentait pas capable de quitter la France pour aller vivre aux Etats-Unis. L'adolescente n'avait pas revu son père en chair et en os depuis le divorce. Ils se téléphonaient régulièrement, s'envoyaient des photos et échangeaient sur skype mais rien de semblable à vivre ensemble. Elle allait aussi devoir faire connaissance avec la femme et les enfants de son père. Une chose l'apaisait partiellement, son niveau d'anglais. Sa mère avait tenu depuis son plus jeune âge à ce qu'elle parle couramment l'anglais. Elle se devait de connaitre aussi bien sa langue maternelle que celle paternelle. Au moins, elle saurait se faire comprendre et inversement, comprendre les autres.
Le stress l'assaillait tellement qu'elle ne s'aperçut pas du décollage de l'engin. Elle contempla les nuages à travers le hublot et soupira. Elle aurait aimé pouvoir s'échapper de cette situation. La jeune fille aurait voulu que tout soit soufflé par le vent et retrouver sa vie d'avant. Sa vie, avant le cancer, lui manquait. Elle regrettait l'insouciance dont elle pouvait encore faire preuve à l'époque. Cette enfant, qui avait grandi trop vite, déplorait le temps où elle ne devait se soucier que d'aller à l'école, faire ses devoirs, prévoir ses sorties avec ses copines et parler des garçons qui faisaient battre leur cœur.
Les heures passaient difficilement. Assise dans son fauteuil, elle bougeait sans cesse, indéniablement nerveuse. Ce qui n'était apparemment pas le cas de son voisin, un vieux monsieur qui ronflait en dormant profondément. Elle avait essayé de le réveiller à plusieurs reprises, l'avait secoué un peu mais pas moyen d'arrêter ses ronflements. D'ailleurs, elle devait bien être la seule à ne pas dormir ou somnoler. Les lumières étaient éteintes, les hôtesses de l'air avaient désertées les couloirs étroits entre les colonnes de passagers. Une mélodie de piano jouait dans ses écouteurs sans parvenir à l'endormir. Son rythme cardiaque diminuait peu à peu. Elle ferma ses paupières en espérant trouver le sommeil. Au moment où elle commença à se laisser aller à cette douce torpeur, elle vit sa mère malade alitée dans sa chambre d'hôpital. Ce terrible souvenir la priva des quelques heures de repos qu'elle méritait.
Après douze heures de vol, ce fut la délivrance, une voix métallique annonça "West Yellowstone aeroport".
Lorsque les barrages de contrôle de l'aéroport furent franchis, elle les vit alignés tous les cinq, ils l'attendaient. Il y avait Sally, cinq ans qui tenait la main à Cody, trois ans et la petite dernière Astor, à peine neuf mois, dans les bras de sa mère Debra, une belle femme blonde. A leurs côtés se tenait son père, Franck, qui la cherchait du regard dans la file des passagers. Ils formaient à eux cinq la parfaite famille de carte de vœux. Un pincement au cœur, elle s'approcha et sourit à son père, mais il ne sembla pas l'apercevoir.
- Bonjour Franck, je suis là.
- Oh! Excuse moi, je ne t'avais pas vu, comme tu as changé depuis la dernière fois. Alors, comment étaient tes vols? Tu n'es pas trop fatiguée? Tu te souviens de tout le monde, je suppose ? Ça me fait plaisir de te voir, ma petite Lou, dit-il en la prenant dans ses bras.
Elle eu l'impression d'être de nouveau cette gamine de six ans qu'il adorait prendre dans ses bras quand il vivait encore en France avec elles. Elle se remémora une photo d'eux trois souriants devant leur nouvelle maison. Ils venaient d'emménager dans la maison qui l'avait vu grandir, qui avait aussi connu la période difficile du divorce et maintenant celle du deuil. Cette pensée devint douloureuse et une larme qu'elle ne put retenir roula sur sa joue.
- Je suis désolé, s'excusa t-il de nouveau, en la voyant. Je sais que c'est encore très dur mais tu vas voir, les choses vont vite s'améliorer avec nous.
"Avec eux", mais ce n'était pas avec eux qu'elle voulait être, c'était avec sa mère, sa complice, sa confidente, sa seule famille. Elle avait toujours été là pour Lou et elle-même avait toujours été là pour sa mère. Elles pouvaient compter l'une sur l'autre. Mais il y avait une semaine, sa mère l'avait laissée, cette satanée maladie avait eu raison d'elle.
- Non, c'est bon, tout va bien, c'est l'émotion de vous voir tous en vrai, dit-elle en se ressaisissant. And nice to meet you Astor*, le bébé avait tellement grandi depuis la dernière photo qu'elle avait eu.
Aussitôt les présentations faites et les bagages récupérés par son père, ils embarquèrent dans le monospace familial. Ashton, une bourgade à côté du parc national de Yellowstone, allait être sa nouvelle ville. Le climat était convenable, avec un été doux et des hivers enneigés, ça la changerait de son Sud, de plus les nuits pouvaient être glaciales. Ils passèrent à côté du lycée où elle finirait probablement son secondaire, North Fremont High School. L'inévitable drapeau national flotté fièrement devant l'établissement. C'était un petit immeuble sur deux niveaux qui devait contenir moins de cinq cents élèves. L'arrivée de la « frenchy » à la prochaine rentrée bouleverserait certainement leur quotidien.
A leur arrivée, Franck monta directement les bagages à l'étage. Elle le suivi automatiquement jusqu'à l'entrée de la chambre. Elle n'y croyait pas, ils lui avaient emménagé une chambre. L'adorable Sally avait bien voulu lui céder la sienne et partager celle de son frère, un geste de bienvenue qui la touchait particulièrement. Lou la remercia gracieusement d'un immense sourire, suivi d'un baiser sur le front, et testa le lit en s'affalant dessus. A peine quelques minutes après, elle s'endormit.
Elle était, comme tout les jours, au chevet de sa mère, assommée par ses médicaments. Elle lui tendait avec difficulté son pendentif en argent représentant un ange. Liliane l'avait gardé avec elle toute sa vie, c'était un cadeau que lui avait fait sa défunte mère lorsqu'elle était petite.
- Tiens, prends le ma chérie, il est à toi maintenant. Il te protégera lors des épreuves que nous impose la vie. Porte le tout le temps et ainsi, lorsque tu te sentiras seule, tu penseras à moi, je serai toujours à tes côtés, je serai ton ange gardien.
Le souvenir s'effaça lorsqu'une lumière aveuglante l'engloutie toute entière. Elle crut apercevoir de grandes plumes blanches et entendit ce qu'elle identifia comme des battements d'ailes. Un bruit sourd la fit sursauter, elle se trouvait à nouveau dans sa nouvelle chambre, dans l'Idaho. Elle vit une petite silhouette féminine en train d'ouvrir les volets, la lumière du soleil l'aveuglait.
- Maman, c'est toi ?
* Traduction anglais/français: "Et ravie de te rencontrer Astor"
Média: tarmac du West Yellowstone aeroport
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Mon ange
Novela JuvenilLou est une adolescente qui vient de perdre tous ses repères. Sa mère est morte. Cette vérité lui est encore difficile à énoncer. Un ange d'argent, seul souvenir matériel de sa défunte mère qu'elle garde près d'elle, lui donne la force de surmonter...