Chapitre 2

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Le souvenir s'effaça lorsqu'une lumière aveuglante l'engloutie toute entière. Elle crut apercevoir de grandes plumes blanches et entendit ce qu'elle identifia comme des battements d'ailes. Un bruit sourd la fit sursauter, elle se trouvait à nouveau dans sa nouvelle chambre, dans le Montana. Elle vit une petite silhouette féminine en train d'ouvrir les volets, la lumière du soleil l'aveuglait.

- Maman, c'est toi ?



- Sorry honey, it's Deb, dit cette femme en se retournant. Now, it's time to wake up*.

Le soleil était déjà haut dans le ciel. L'horloge biologique de la jeune fille était complètement déphasée, elle n'avait aucune idée de l'heure qu'il était. D'après son ressenti, elle aurait tout aussi bien pu dormir deux heures comme deux jours. Son manque de sommeil accumulé au décalage horaire la perdaient.

- Can you tell me what time is it, Deb?*

- Ten in the morning, you slept during sixteen hours! Sorry, we didn't wake you up before 'cause you seem desperate to sleep. Your dad went to work at eight this morning and kids are outside with the dog.*

- Oh, ok, thanks.

Elle avait donc dormi seize heures d'affilée, ils n'avaient pas eu à cœur de la réveiller avant. Franck était naturellement au travail pendant que les petits étaient dans le jardin avec le chien, une journée comme les autres pour la famille.

Elle se leva enfin, se lava, s'habilla et alla rejoindre tout le monde à l'extérieur. C'était une belle journée de la fin du mois d'août, le soleil rayonnait, les enfants riaient. Pourtant, quelque chose n'allait pas. Lou se sentait de trop dans ce portrait de famille, elle n'était pas à sa place. Elle repensa au rêve qu'elle avait fait pendant la nuit. Elle sortit la chaîne de son débardeur et serra fort l'ange d'argent dans son poing.

Après le repas du midi en famille, l'adolescente décida d'aller faire un tour. Elle avait dit vouloir se familiariser avec son nouvel environnement, en réalité, elle avait besoin de s'éloigner de cette famille heureuse qui n'était pas la sienne. Elle prit un des vélos avec la permission de Debra et partit en direction de la réserve de Yellowstone. Elle se souvenait du chemin que la mère de famille lui avait indiqué sur un plan. Franck lui avait tant parlé de cet espace où la nature régnait en maître qu'elle était impatiente d'en découvrir une partie de ses propres yeux. Au bout d'une demi-heure de vélo, elle y était enfin. Elle empreintait la route principale, et décida de s'aventurer sur les petits chemins. Elle profita du paysage splendide qu'offrait ce lieu hors du temps et des préoccupations quotidiennes.

Elle se rendit compte qu'elle ne savait plus vraiment où elle était. Elle avait pourtant l'habitude de partir seule se promener, elle avait un bon sens de l'orientation. Mais dans ce parc immense qu'elle ne connaissait pas, elle avais fini par tourner en rond. Une respiration assez forte, bestiale, se fit entendre et l'effraya. Elle avisa les alentours d'un œil anxieux et aperçut un bison derrière un arbuste à une vingtaine de mètres. La bête ne semblait pas l'avoir repérée. Elle avait été tellement absorbée par sa promenade, occupée à se changer les idées, qu'elle en avait oublié le danger. En effet, des troupeaux de bisons étaient en liberté dans la réserve. Elle ne savait que faire dans une telle situation, dans quelle direction aller. Elle se dit qu'avec la malchance qui la suivait ces derniers temps, peu importait sa décision, il l'attaquerait. Elle était tétanisée par la peur. Son cœur battait la chamade. Par réflexe, elle serra le pendentif en argent et pria que sa mère veille sur elle.

Sorti de nulle part, elle l'aperçut pour la première fois.

Une silhouette humaine se dirigeait vers elle. Elle réussit à distinguer un jeune homme qui approchait de la vingtaine d'années. Malgré l'état d'urgence dans lequel elle était, elle ne put s'empêcher de remarquer sa beauté évidente. Il avait un charme fou, il émanait de lui quelque chose de spéciale, de chaleureux, de bienveillant. Il se déplaçait d'une manière exagérément lente, les mains tendues devant lui, comme pour lui signifier qu'elle devait rester calme et l'attendre. Il la rejoignit en quelques pas. Sa proximité la déstabilisa.

- Ne t'inquiète pas. Si tu ne fais pas de mouvements brusques, il ne te calculera même pas, ils sont habitués à la présence des humains. Viens, allons par là, ça rejoint l'allée principale.

Elle regarda son sauveur avec étonnement. D'où sortait-il ? Comment avait-il su qu'elle avait besoin d'aide ? Et en plus de çà, comment se faisait-il qu'il lui avait parlé en français ?

- Qui a-t-il, pourquoi tu ne me suis pas ?

- Euh... et bien je suis étonnée de ta présence... et comment savais-tu que je comprenais le français ? Réussit-elle à articuler.

- Et bien, c'est simple, je savais comme tout le monde en ville que la fille de l'électricien devait arriver de France, et comme je ne t'avais encore jamais vu dans le coin, d'autant plus qu'il est écrit "qui s'y frotte, s'y pique" sur ton tee-shirt, lui dit-il avec un sourire ironique. Allez viens, je ne vais pas te mordre.

Elle le suivit sans pinailler plus en poussant le vélo. Ce qu'il venait de dire paraissait tout à fait cohérent. Elle avait même un peu honte de sa réaction. Elle n'était pas habituée à ce qu'un inconnu intervienne de la sorte, intervenant quand elle était en difficulté. Les mois qu'elle venait de vivre l'avait sans doute, aussi, rendue un peu asociale.

- Alors, comment se fait-il que tu te promènes seule dans cet immense parc vu que tu n'es pas d'ici ? Çà peut s'avérer être dangereux pour quelqu'un comme toi.

- Comment ça, quelqu'un comme moi ? Rétorqua t-elle, susceptible. Debra m'a expliquée comment m'y rendre, je me souviens très bien du plan. Je me suis juste laissée distraire par mes pensées. Et puis, qu'est ce que ça peut te faire.

- Oh, d'accord, excuse moi, ne sois pas sur la défensive. Tu pourrais me remercier de t'avoir aidé, je ne sais pas ce que tu aurais fait, sans moi, face à cette grosse bête.

- Merci. De toute façon, comme tu dis, ils sont habitués à voir des êtres humains, lança t-elle, sûre d'elle.

Elle le vit sourire en coin, mais il ne répondit rien. Elle était satisfaite d'avoir eu le dernier mot, c'était une victoire puérile mais qu'elle méritait selon elle.

- Bon, il faut que je rentre, finit-elle par dire, soudain pressée de retrouver la maison.

Il ne réagit pas. Elle remonta sur le vélo et se retourna vers lui pour lui dire au revoir. Il lui adressa un sourire de courtoisie et lui répondit qu'ils allaient se revoir rapidement, ils vivaient dans une petite ville.

Sur le chemin du retour, elle n'arrêta pas de repenser à cette rencontre. Elle ne savait même pas son nom, elle avait oublié de lui demander après leur petite joute verbale. Elle ignorait aussi la raison pour laquelle il parlait aussi bien français.

Arrivée dans son nouveau quartier, elle pédala avec moins d'enthousiasme. Elle n'eut plus le même engouement à retrouver toute la petite famille. Il allait y avoir de l'agitation avec les enfants et Franck avait dû rentrer du boulot. Ils allaient certainement l'interroger sur son après-midi, la nouvelle arrivée allait être le centre d'attention. Elle avait envie d'échapper à tout ça, elle voulait prolonger son moment de solitude. Devant la maison, elle n'avait plus d'autre choix que de rentrer.



* traduction:

" - Désolée ma chérie, c'est Deb. [...] Maintenant il est l'heure de se lever.

[...]

 - Peux-tu me dire l'heure qu'il est?

- 10h du matin, tu as dormi pendant 16h! Désolée, on ne t'as pas réveillé avant parce que tu semblais avoir besoin de sommeil. Ton père est allé travaillé à 8h et les enfants sont dehors avec le chien."


Média: la grosse bête qui effraie les jeunes filles perdues dans le Parc de Yellowstone

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