Chapitre 9

118 15 7
                                    




Après son passage dans la salle de bain afin de se préparer pour la nuit, elle éteignit la lumière de sa chambre et vérifia brièvement l'heure sur son téléphone . Elle allait lacement reposer l'appareil qui indiquait une heure relativement précoce pour se coucher quand elle fixa de nouveau l'écran. Elle se flagella intérieurement de ne pas avoir remarqué la date plus tôt.



Le lendemain serait l'anniversaire du premier mois depuis la mort de Liliane.

Sa mère l'avait quittée depuis un mois entier, soit quatre semaines et demie, 30 jours! Cela faisait autant de jours qu'elle se languissait de son absence, de ces mots doux, de son touché apaisant, de son regard bien veillant, de son parfum préféré, de sa cuisine ratée. Le souvenir d'une quiche lorraine brûlée lui tira un sourire et aussitôt une pointe au cœur la fit suffoquer. Elle se sentit brusquement seule, abandonnée, vide. Elle agrippa l'ange d'argent en même temps qu'elle pris de grandes goulées d'air saccadées. La technique d'inspiration et d'expiration que Marie lui avait enseigné pour calmer ses crises de panique échoua. Ses poumons étaient de nouveau privés d'oxygène, son souffle était prisonnier de sa cage thoracique. Les crises n'étaient plus apparues depuis son arrivée aux Etats-Unis, elle pensait en avoir fini avec elles. La jeune fille se força à respirer de façon régulière.

Un détail blanc sur le sol de sa chambre la calma quasiment dans l'instant, retenant toute son attention. Elle en oublia son exercice de respiration et fixa cette petite chose duveteuse. Éclairée par la lumière de la lune, brillait une plume d'une blancheur immaculée. Elle s'approcha de l'objet délicat, s'accroupit et le ramassa. La plume de la taille d'un doigt était d'une douceur exquise, elle la fit voyager de sa main à son coude à plusieurs reprises. Les caresses aériennes finirent d'apaiser son anxiété.

Cette plume était le signe qu'elle avait demandé. Lou y voyait la réponse que sa mère avait choisi pour lui rappeler qu'elle veillait toujours sur elle, qu'elle était toujours à ses côtés. Cette dernière pouvait tout aussi bien venir de l'extérieur lorsque sa chambre avait été aérée ou bien de son oreiller mais elle ne crut pas en la coïncidence. Marie lui avait déjà dit qu'il n'y avait pas besoin de voir quelque chose pour y croire. Lou avait néanmoins demandé une preuve et son cœur l'accueillait avec soulagement.

C'est l'esprit plus léger qu'elle put finalement s'endormir. Ses songes furent peuplés du sourire tendre d'une mère, de bruissements d'ailes et d'une voix taquine masculine prononçant son prénom.


Un bruit sourd la tira de son sommeil réparateur. Il s'agissait de Sally. Après avoir timidement frappé à la porte, elle fit passer sa tête par l'entrebâillement. La petite avait fait un cauchemar et était venue auprès de sa grande sœur chercher du réconfort. L'adolescente jeta un œil à son téléphone qui lui indiqua un horaire trop matinal et lui fit signe d'approcher. Un grand sourire apparut sur le visage de l'enfant jurant avec les perles salées qui s'y étaient perdues. Les deux sœurs partagèrent le même lit et après quelques paroles apaisantes s'endormirent . La jeune fille ne reprit pas son rêve merveilleux, mais fut fière d'avoir joué son rôle d'aînée.

Le réveil fut difficile le lendemain. Elle avait encore une fois peu dormi, Sally n'avait cessé de gigoter toute la nuit, la laissant dans une semi somnolence. Des cernes violacées marquaient son visage. Debra s'inquiéta de sa petite mine au petit-déjeuné mais Lou tenait à aller en cours. Il fallait absolument qu'elle s'excuse de vive voix auprès de Cass, qu'elle remercie réellement Hannah et qu'elle mette au clair cette histoire avec le groupe de filles de la veille. N'ayant pas vraiment fermé l'œil de la nuit, elle avait eu le temps de repenser à ce qui s'était passé dans le parking à vélo. Elle avait pris de bonnes résolutions et comptait s'y tenir malgré son anxiété. Elle désespérait que tout ne se déroule pas comme prévu. Elle avait peur que Castiel la rejette, que sa nouvelle amie se soit vexée par son départ précipité et aussi que la scène de la veille dégénère en bagarre.

Elle prit son courage à deux mains et sortit de la maison non sans avoir donné un baiser bruyant à Sally, Cody et Astor.

Elle s'était préparé pour arriver au lycée après une bonne demie heure de marche mais fut agréablement surprise en voyant son vélo comme neuf qui l'attendait dans le jardin. Franck avait sans doute remarqué l'état déplorable des pneus et les avait réparés avant d'aller au travail. Cette attention touchante lui donna l'encouragement nécessaire pour démarrer cette journée.

En avance, la lycéenne prit le temps d'aller voir un surveillant pour informer que son vélo avait été vandalisé. On lui indiqua que ce n'était pas la première fois que ce genre d'incident arrivait et que des rondes de surveillance auraient lieu près du parking à vélo. Malheureusement, l'établissement ne possédait pas de caméra dans cette partie du parking immense qui regroupait les voitures et autres 4X4, les motos, scooters et vélos.

Sur le chemin pour aller à sa salle de science, une main hésitante lui accrocha l'épaule. Elle s'attendait à voir Castiel mais fut déçue de constater qu'il s'agissait de Robby. L'athlète s'excusa pour les gestes déplacés qu'il avait eu sous l'effet de l'alcool, il s'en voulait. Il avait aussi entendu parlé du problème qu'elle avait rencontré avec une dénommée Britney. Il lui proposa son aide pour arrêter leurs représailles ridicules. Il voulait se racheter de son comportement lors de la fête dans la forêt et ajouta qu'en temps que "mec populaire" il avait un certain ascendant sur ces filles. Il avoua après à mi-voix que la chef de ce groupe n'était autre que son ancienne copine qu'il avait quitté parce qu'elle était trop possessive. Lou hésita à accepter sa proposition, elle avait peur que ça ne fasse qu'empirer les choses. Il lui promit qu'il allait régler cette affaire, qu'il devait payer sa dette envers elle. Elle lui donna son accord et fila dans le couloir avant d'être en retard.

La jeune fille craignit que tout le lycée soit au courant de sa mésaventure. Elle se rassura en n'apercevant pas Sandy, celle qui semblait être la commère de sa classe, se précipiter sur elle pour lui en parler. Pourtant sa gorge se serra en croisant le regard fuyant de Castiel. Elle ne put lui parler avant que la sonnerie retentisse pour annoncer le début du cours. L'ensemble de la classe entra dans la salle sous des bougonnements et des bâillements de lycéens réticents.


A la fin de deux heures de science qui lui semblèrent interminables, elle fut tirée à la suite de Helen et Sandy qui trépignaient de lui faire découvrir les vestiaires des filles pour leurs prochaines heures d'éducation physique. Elle n'était pas aussi motivée que ses amies pour le cours à venir. Ce n'était pas dans ses habitudes d'exceller dans les activités physiques et ses deux dernières nuits difficiles la confortaient dans cette idée. Pendant qu'elle se lamentait de son manque d'énergie, les filles de la classe profitaient de ces moments d'intimité dans les vestiaires. Les sujets abordés étaient les nouveaux sous-vêtements ou maquillage qu'elles venaient de s'offrir. La française, d'un naturel pudique, était mal à l'aise face à ses jeunes filles qui se baladaient en petites tenues en exhibant le dernier soutient gorge push up sorti.

L'un des sports de prédilection du North Fremont High School était le Basketball. Leur professeur pensa judicieux de commencer l'année par ce sport dont elle était le coach de l'équipe féminine. Lou la jalousait pour ses réflexes hors normes lors des démonstrations et de son 1,80 mètre qui lui était bien utile. Elle se sentit dépassée par le niveau global, elle était la seule à n'avoir jamais pratiqué le basket. Helen faisait partie de l'équipe du lycée et se réjouissait de pouvoir expliquer les règles de base à la nouvelle élève. La française s'efforçait de garder le rythme, son t-shirt en était imbibé de sueur.

Elle avait demandé à être remplacée lors du match d'entrainement que leur professeur avait organisé. Elle avait besoin de reprendre son souffle et de boire une bonne gorgée d'eau. Fatiguée, elle ne prêta pas attention aux exclamations en anglais de ses camarades de classe. Un ballon la percuta à toute puissance à l'arrière du crâne. Le choc fut si violent qu'il la laissa sonnée quelques secondes, avachie sur les gradins. Après un instant de flottement où le gymnase entier s'était immobilisé, son professeur et les élèves les plus proches se précipitèrent à ses côtés.



Média: la plume sur le sol de sa chambre

Mon angeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant