Mon ange

Chapitre 11

Ils s'attablèrent tous les quatre pour apprécier le repas qu'ils avaient fait ensemble. Lou observa la scène avec une émotion toute particulière et ne put retenir ses larmes. Son père ne savait comment réagir face à ce changement d'humeur. C'était la première fois qu'elle s'autorisait à pleurer devant eux.

- Sweety, what happened? Is there a problem at school?*

La voix douce et chaleureuse de Debra lui rappela qu'elle était en train de pleurer au bon milieu du déjeuner. Elle ne pouvait pas vraiment expliquer sa réaction soudaine mais, elle ne voulait pas que sa famille pense que son mal être vienne de sa situation au lycée.

Sa famille... c'était la première fois qu'elle pensait à eux en ces termes.

    - No, sorry, I don't know why I am crying.*

    - You can tell us if something is wrong. We know this month was difficult for you.*

    - It's just... just that we look like a family. I didn't think that I coud feel this way again since... mom is gone.*

Elle venait de mettre le doigt sur le problème, bien que ce n'en soit pas réellement un, au contraire.

A ses yeux, ils commençaient à ressembler à une famille.

Franck, Debra et les enfants l'avaient considérée comme un membre de leur famille dès son arrivée à l'aéroport, et peut être même avant. Ce sentiment d'appartenir à ce cocon familial lui réchauffa le cœur. Ce même organe qui saignait depuis la mort de sa mère un mois auparavant, précisément. Ces sentiments contradictoires la bouleversaient.

    - Je suis heureux que tu te sentes chez toi ici, avec nous.

Son père venait de prononcer ses mots avec un accent qui l'aurait faite rire si elle n'avait pas vu ses yeux brillants de larmes contenues.

Astor se mit à chouiner du manque d'attention de ses parents pendant le repas. Dès que sa mère entreprit de nouveau de la faire manger sa purée de carottes, le bébé émit une gargouillement de contentement. Ce petit être réussit à alléger l'ambiance et le repas se finit dans la bonne humeur.

Franck retourna ensuite au travail, il avait un rendez-vous en début d'après-midi. Debra proposa à la lycéenne, dispensée de cours pour le reste de la journée,  de l'accompagner récupérer Cody à la crèche et Sally en petite section. Elles passèrent en premier faire quelques courses accompagnées de l'énergique Astor. Lou aimait beaucoup la petite mais la trouvait parfois épuisante. Elle était impressionnée qu'un si petit corps puisse contenir autant d'énergie. Encore une fois, Debra avait tout son respect pour savoir gérer ce petit démon en couche culotte. Cody s'était plutôt montré d'un tempérament calme en comparaison, si on omettait les chamailleries avec son aînée de quelques années, Sally. Cette dernière fut d'ailleurs émerveillée de voir sa grande sœur venir la chercher à la sortie de l'école. En temps normal, les horaires du lycée ne lui permettaient pas d'être présente. La fillette lui sauta dans les bras et s'empressa de la présenter à toutes ses amies.

Lou passa le reste de l'après-midi avec les enfants à jouer dans le jardin. Le chien ne se priva pas de leur faire la fête et de leur lécher une bonne partie du visage. La fin de journée se déroula sous les éclats de rire et les aboiements, emmenant la jeune fille loin de ses préoccupations.

Les journées, puis les semaines passèrent. Elle s'était définitivement faite à sa nouvelle vie, avec sa nouvelle famille et ses nouveaux amis. Elle avait tout de même repris un contact régulier avec ceux qui lui manquaient de son village natal. Ils avaient été ravis d'avoir de ses nouvelles, de connaître les détails de sa vie dans ce vaste pays qui les fascinaient. Clara, une très bonne amie, lui avait fait promettre de se revoir l'été prochain, en France ou aux Etats-Unis. D'ailleurs, Marie, l'amie de sa mère, lui avait tenu le même discourt et avait insisté pour revoir l'adolescente dans quelques mois. Leurs échanges lui mettaient du baume au cœur, elle n'éprouvait plus le même manque des premiers jours. Elle avait aussi réussi à avoir plusieurs discutions avec son père sur ce qu'elle ressentait, sur le décès de sa mère, son déménagement, ils avaient même abordé l'absence paternel durant la dernière décennie. Ils n'avaient pas encore rattrapé les dix années qu'ils avaient manquées mais une certaine relation père-fille commençait à naître.

En dehors des cours, elle voyait souvent une bande d'amis composée de Hannah, Helen, Sandy, Sunny et Jimmy, le groupe faisait partie de sa classe. Ils déjeunaient la plus part du temps ensemble à la cafétéria du lycée ce qui les avaient rapprochés. Quant aux autres repas où elle ne mangeait pas avec eux, elle les passait en compagnie de Castiel, dans leur petit coin de paradis, au calme. Il arrivait aussi qu'il la ramène chez elle à bord de sa Mustang après avoir fait un petit détour. Sandy ne pouvait s'empêcher de faire courir la rumeur qu'ils étaient en couple mais ce n'était pas le cas, pas encore. Bien que les sentiments de la jeune française étaient de plus en plus confus à l'égard du brun, ils se côtoyaient en tant qu'amis. Ils avaient parfois des petits gestes d'affection ou des attentions particulières l'un pour l'autre mais leur timidité respective les freinait. D'autant plus que son altercation avec les populaires du lycée avait refroidi les ardeurs déjà peu présentes de Lou.

Elle avait finalement passé son permis de conduire comme les jeunes de son âge. Le froid hivernal qui commençait à venir avait eu raison de ses nombreuses hésitations. Elle ne se voyait pas faire du vélo sous la neige, les jours de pluie lui avaient suffit, et elle ne voulait pas être dépendante de son père ni de ses amis pour ses déplacements. Franck lui avait offert pour l'occasion et noël en avance, avait-il dit, une Jeep d'une dizaine d'années. Il était rassuré de la savoir en sécurité dans une grosse voiture adaptée aux routes de leur pays. Le SUV était une bonne première voiture pour elle, elle en était enchantée. Bien sûr, elle n'égalait pas la Ford Mustang 1967 de Cass, comme il lui avait si bien fait comprendre.

Ils étaient déjà en novembre, la température avait chuté et du verglas s'accumulait sur certaines routes. Elle avait entendu Sandy se plaindre d'avoir dérapé en voiture et son amie leur avait raconté de quelle façon elle avait manqué l'accident de peu. Lou essayait donc de diminuer le plus possible ses déplacements en voiture. Pourtant, elle était entrain de faire chauffer le moteur avant de prendre la route un samedi matin. Elle avait rendez-vous au centre commercial avec les filles et il y en avait pour une demie heure de trajet en voiture.

Elle était encore plus prudente qu'à l'accoutumée. Elle roulait lentement et son esprit dévia sur un certain jeune homme. Elle pensait à son petit sourire malicieux, à ses beaux yeux bleus qui pétillaient en la regardant. Elle le voyait encore se moquer de sa petite taille, de son corps menu dans la grosse voiture. Un sourire béat fendait le visage de l'adolescente.

Un lapin la tira de ses rêveries lorsqu'il traversa la route. Malheureusement, son premier réflexe fut de freiner fort. La voiture glissa et devint incontrôlable. Sa respiration se coupa sous la force de la ceinture de sécurité qui lui compressait la cage thoracique. Elle eut à peine le temps de comprendre ce qui se passait. Son sac, son téléphone et tout ce qui était dans l'habitacle vola autour d'elle. Elle se raccrocha désespérément au volant en priant de s'en sortir indemne. La voiture alla dans le fossé et finit sa course folle dans un arbre.

* traduction:

" - Chérie, qu'est ce qui se passe? Y a t'il un problème à l'école?

[...]

- Non, désolée, je ne sais pas pourquoi je pleure.

- Tu peux nous dire si quelque chose ne va pas. Nous savons que ce mois a été difficile pour toi.

- C'est juste... juste que nous ressemblons à une famille. Je ne pensais pas que je pourrais encore ressentir ça depuis... que maman est partie."

Média: la maison de cette charmante famille

Petit à petit Lou s'est habituée à sa nouvelle vie, j'espère avoir réussi à vous montrer cette évolution.

Et maintenant que ses tourments semblent éloignés, la voilà qui a un accident...