Chapitre 2 : Une Nuit Froide (1/2)

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Shane sortit une cigarette de son boîtier métallique. Craquant ensuite une allumette, il flamba le bout de son addiction. La fumée des premières bouffées se dissipa au vent.

L'homme leva les yeux au ciel, la pluie n'allait pas tarder à faire son grand retour. Pourtant habitué à cette météo capricieuse, aujourd'hui le froid lui mordait les os. Il trembla, rabattit son manteau sur son ventre et en releva le col.

Il porta sa cigarette à sa bouche. Pourvu qu'Hannah et Tomas n'en aient pas pour longtemps, se disait-il en grelottant. Attendre n'avait jamais été son point fort.

L'impatience le fit jouer des pieds, il ne tenait pas en place. Les aveux qu'il devait apporter à la fratrie Defreine le rendaient nerveux et excité à la fois. Il savait ne pas avoir choisi le meilleur moment, mais sa décision était prise.

Un frisson lui parcourut l'échine. La température proche de zéro, le vent et l'humidité lui glaçaient la peau. Une nouvelle bouffée ne pouvait que le réchauffer. Le bout de sa cigarette s'embrasa et il s'adossa au portail grand ouvert pour soulager son dos endolori à force de rester debout.

Il souffla une fumée blanche une bonne dizaine de fois jusqu'à ce que l'une de ses inspirations ne lui donne satisfaction. Il loucha sur son rouleau de tabac et se désola en constatant qu'il s'était éteint. Il fouilla dans sa poche à la recherche de sa boîte d'allumettes. Des bruits de pas interrom­pi­rent son geste. Le trentenaire porta donc son regard vers la propriété et se réjouit d'apercevoir Hannah et son frère. Ils étaient encore loin et marchaient lentement, mais leur retour ravissait Shane qui ralluma sa cigarette, un sourire aux coins des lèvres.

Il avait toujours trouvé Hannah très séduisante. Sa peau claire et ses longs cheveux roux lui allaient à ravir. Elle les attachait régulièrement, comme aujourd'hui où une tresse remontée en chignon lui ornait l'arrière du crâne. Elle possédait les mêmes yeux noisette que son frère Marius — si sa mémoire était exacte — tout l'inverse de Tomas et de ses prunelles vertes. Ses bottines qui grimpaient jusqu'aux chevilles étaient trempées. La jupe de sa robe jaune pâle, souillée par la boue, tombait sans trop de volume. Des brindilles d'herbe, arrachées au passage, s'étaient collées au tissu. Le manteau à la coupe droite qu'elle avait choisi pour la protéger du froid camouflait toutes ses formes généreuses qu'il se souvenait avoir vu nues lors de leurs soirées d'amour. Aujourd'hui, un an après avoir perdu sa confiance, ces moments lui manquaient. Hannah lui manquait. La douceur de sa peau, la chaleur de son corps, la mélodie de ses rires. Si elle l'avait autorisé, il l'aurait emmenée tout de suite et maintenant pour retrouver ce qu'ils avaient perdu l'un de l'autre. Pour lui rappeler à quel point ils étaient fait pour se toucher, se parler, se mêler.

Shane rougit à l'idée de la revoir dans son lit. La chaleur qui s'empara de son être lui permit d'oublier le froid qui lui gelait les mains. Pour refréner le désir que lui procuraient ses souvenirs, Shane reporta son attention sur Tomas. L'homme qui avait la chance d'avoir Hannah à son bras. Vêtu le plus simplement possible, il ne portait aucune couleur, comme tous les hommes à la mode. Du noir, du gris et quelques touches de blanc cachées sous son pull sombre. Il arborait une barbe de trois quatre jours, à peine assez fournie pour la laisser pousser davantage. Pourtant suffisamment longs pour être coiffés en arrière, ses cheveux châtain et fins étaient laissés au naturel et tournoyaient sous le courant des bourrasques

Quand ils furent enfin à sa hauteur, Shane jeta son mégot avant qu'il ne lui brûle les doigts et se racla la gorge. Des gouttes s'échappèrent des nuages menaçant, précipitant leur échange.

« Il faut absolument que je vous parle, engagea-t-il alors qu'ils semblaient tous déterminés à l'ignorer. »

Tomas ramassa la chaîne qui traînait au sol et bloqua tant bien que mal les deux battants ensemble. Cela n'empêcherait pas les importuns de rentrer, mais il pouvait espérer que le vent ne claquerait pas les grilles.

CICATRICES - T1 - Le Parfum Du SangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant