Chapitre 25 : Vieux Ennemis (2/2)

140 29 38
                                    

Suivant finalement l'empressement de son aîné et réalisant qu'il allait retrouver Marius, il ne mit pas longtemps à sauter sur Ailill et à poursuivre Aidrian. Une fois derrière lui, il le suivit en silence. Le trajet, seulement accompagné par les bruits de la nuit et des claquements des sabots, permit à Tomas d'enfin prendre le temps de réfléchir à tout ce qui venait de se passer. Ses douleurs d'estomac s'étaient évaporées, comme si son contenu n'était plus un problème. Pourtant, en y songeant, le jeune homme se dégoûtait. Comment pouvait-il encore désirer un tel breuvage ? Même après le mal qu'il venait de faire ? Mais cela avait été si bon. Seule la culpabilité l'empêchait de se languir de la prochaine fois. Aengus avait été si bienveillant avec lui, il ne méritait pas ce qu'il lui avait fait subir. Comment ferait-il pour se retenir la prochaine fois que quelqu'un se blessera en sa présence ? Serait-il inévitablement attiré comme une sangsue ? Ferait-il systématiquement du mal pour atteindre un tel plaisir ?

Sentant son envie titiller ses papilles, il balaya ce souvenir et s'attarda sur la scène qu'il avait vécue à travers Aengus. Se voir mort, si pâle dans se lit si coloré, avait quelque chose d'effrayant. Et les réactions d'Aidrian à son chevet n'arrangeaient rien. C'était à la fois réconfortant de le voir s'inquiéter pour lui, et à la fois terrifiant de réaliser qu'il lui avait mis une balle entre les deux yeux sans aucune certitude qu'il se réveillerait par la suite. Il lui avait déjà avoué cela l'autre jour, mais le voir et le comprendre sur son visage était bien plus explicite, plus convaincant, plus frappant. Aidrian aurait pu le tuer. Mais le poison qu'il avait en lui l'avait fait renaître. Il ne savait plus si c'était à cause ou grâce au poison qu'il se tenait encore debout. À cause ou grâce à lui qu'il avait été mort.

Alors qu'ils se rapprochaient de la propriété d'Aidrian, Tomas songea à Marius qu'il allait bientôt retrouver. Son frère qui lui manquait tant, son frère qu'il avait blâmé pour ne pas lui avoir donné de nouvelles. Maintenant il comprenait, du moins un peu mieux. Il avait certainement eu une vie difficile, trop pour pouvoir revenir vers eux.

Sa dernière pensée fut pour Hannah alors qu'ils arrivaient à destination. Bientôt les trois frères réunis. Mais où était leur si précieuse sœur ? Pour enfin reconstituer leur famille...

Aidrian s'arrêta et mit pied à terre. Il incita Tomas à faire de même et laissa les chevaux en liberté, ne souhaitant pas perdre une minute de plus. Alors, ils ne s'attardèrent pas dehors et se dirigèrent vers la grande porte d'entrée, ouverte.

Aidrian ralentit le pas. Il huma l'air avec détermination et se figea en déclarant :

« Nous ne sommes pas seuls. »

Il prit ensuite son frère par le coude et l'intima :

« Sois mon ombre, ne me quitte pas un seul instant. »

L'air contrarié qu'il adopta prouvait sans aucun doute qu'un danger rôdait dans les parages. Leur odorat aiguisé les informa rapidement qu'un intrus se trouvait dans le manoir. Et, aussi étrange que cela puisse paraître, il ne s'agissait ni de Caiti ni de Marius. Une autre personne avait pris possession des lieux pendant leur absence.

En flairant cet arôme, Tomas frémit. C'était agréable, envoûtant. Légère, mais à la fois caractéristique, la senteur l'interpella ; il était convaincu de l'avoir déjà rencontré.

Reconnaissant ce parfum entre mille, Aidrian pressa le pas, les poings serrés. Il passa le hall en quatre foulées et s'introduisit comme un boulet de canon dans le vaste salon. L'individu se tenait devant la majestueuse cheminée, dans l'attente de sa visite. En deux temps trois mouvements, le propriétaire fendit sur lui et le prit par le cou.

CICATRICES - T1 - Le Parfum Du SangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant