Chapitre 26 : Libéré de ses Chaînes (1/2)

134 27 47
                                    

« Reviens parmi nous, Tomas ! »

Ces paroles lui parvinrent avec difficulté. Le brouillard qui voilait sa vision était encore tenace et, à moitié sourd, il ne jugeait pas correctement l'intonation sur laquelle on lui parlait. Sa tête tourbillonna soudainement alors qu'on le secouait dans tous les sens. Tantôt poussé sur la droite, puis soulevé du sol, on usait de lui comme un vulgaire pantin désarticulé. Ses yeux grands ouverts, il ne percevait que des formes floues et mouvementées, presque affolées.

Quelque chose d'anormal se produisait autour de lui, mais il lui était impossible de sortir de cette torpeur inexplicable. Il devait reprendre connaissance, maintenant.

Un mystérieux grognement le fit sursauter, puis son corps reprit de sa mollesse.

« Nioclás ! Sur ta gauche ! »

Ce cri résonna à n'en plus finir dans sa boîte crânienne et, au même moment, il fut violemment bousculé. Sa tête frappa le sol avec une telle force que tout se remit en place. Il ressentit un poids allongé sur lui, il capta un souffle court et vif près de son oreille, et il vit une masse obscure et surprenante le survoler. Des pattes gigantesques et armées de griffes lui frôlèrent le visage. Figé, il la laissa l'enjamber, dévoilant son abdomen sombre et maigre. Il ne lui fallut que quelques secondes pour reconnaître à qui appartenait cette fourrure brune...

L'ours avait été libéré.

Il suivit la bête d'un mouvement de tête et la vit s'abattre sur Aidrian. Celui-ci fut enseveli sous la corpulence de l'animal qui l'assainit de coups de gueule claquants de puissance.

Tomas s'affola et écarta sans scrupule l'individu qui s'était affalé sur lui pour le sauver. Se relevant à la hâte, il manqua de retomber au sol sous l'effet d'un violent vertige.

Il eut à peine le temps de faire trois pas vers Aidrian qu'une main ferme se resserra sur son bras, l'obligeant à se stopper. Il tenta de s'en dégager, cependant celle-ci était tenace. Une voix trop posée pour la situation l'accompagna :

« Aidrian devrait réapprendre à doser ses hypnoses. Mon pauvre Tomas, il t'a sacrément retourné.

Nioclás le fixait sobrement, son petit sourire toujours gravé en coin de bouche. De son être surgissait un parfum subtil et familier que Tomas n'arrivait toujours pas à identifier. Sa proximité était presque enivrante, excitante.

– Lâchez-moi, nom d'un chien ! hurla Tomas à son attention, tout aussi pressé par les évènements que perturbé par ce qu'il ressentait en sa présence. Vous ne voyez pas qu'il a besoin de notre aide !

– Le jour où ton aîné acceptera mon aide, c'est que la folie l'aura définitivement emporté, enchérit-il en roulant des yeux.

– Faites bien ce que vous voulez ! Mais ne me retenez pas !

Il s'efforça de nouveau à se défaire de son emprise. Nioclás le tira vers lui.

– Si tu t'approches d'eux, tu es mort. Garde-toi en vie avant d'aspirer à secourir les plus forts.

Laissez-moi... »

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase. Coupé dans son élan, Tomas écarquilla les yeux en voyant Aidrian tenir tête à la bête acharnée. Son regard inébranlable et recouvert d'un voile noir fixait Marius sans interruption. Ce dernier grognait de rage, habité par une force qui voulait la mort de son aîné. Tomas ne reconnaissait pas là son frère au tempérament calme et posé qu'il côtoyait jadis. Le monstre qui se battait en face de lui avait tout d'un animal sanguinaire et fou. Ses coups approximatifs et hâtifs terminaient le plus souvent dans le mur qui encaissait leur affrontement musclé. Ses griffes écorchaient la tapisserie à quelques ridicules centimètres du visage d'Aidrian. Celui-ci esquivait juste au nécessaire. Il calculait ses moindres gestes pour sauver sa peau sans se surmener inutilement.

CICATRICES - T1 - Le Parfum Du SangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant