Alain
La vache, j'ai l'impression d'être passé sous un train. Cette fois, mon père ne m'a pas raté. J'espère que les antalgiques que m'a donné le médecin agirons vite. Alors que j'essaye de bouger pour bien me remettre en place contre l'oreiller – j'abandonne directement – Sam déboule dans la pièce, essoufflé.
─ David... David...
─ Respire ! lui intimé-je en voyant qu'il essaye de me dire quelque chose.
─ David appelle tes parents ! Finit-il par dire en s'asseyant sur le lit.
Il fait quoi ? Non mais quel idiot ! En faisant ça il va m'envoyer directement dans la gueule du loup sans le savoir.
─ Vas l'empêcher ! Dis-lui un mensonge ou autre, je m'en fiche, mais mon paternel ne doit pas savoir que je me suis réfugié ici ! En plus, je ne peux pas rentrer chez moi alors que je suis encore bien amoché et que mon père ne s'est pas calmé !
─ J'peux pas faire ça ! il se doute déjà que je sais des choses ! Maugrée-t-il en roulant des yeux.
J'ai un mouvement de recul à l'idée que David puisse comprendre ce qui se passe réellement entre les quatre murs de chez moi.
─ Rassure-moi : tu ne lui as rien dit ?
─ Me dire quoi ? Demanda soudainement une voix très familière
Sam et moi nous sursautons alors que David entre dans la pièce. Son visage n'arbore encore expression. Il ne fait que nous regarder.
─ Bon, bah moi, je vais donner le bain à Clara, Annonce Sam en tentant de prendre la poudre d'escampette
Sauf que David lui ferme la porte au nez et le ramène de force près du canapé.
─ Toi, tu restes ici ! Personne ne sortira de cette pièce tant que vous ne m'auriez pas expliqué ce qui se passe ! S'exclame David en nous fusillant du regard. C'est clair ?
Sam et moi, nous acquiesçons en même temps, sachant très bien qu'il ne fallait pas énerver David sous peine d'en entendre parler pendant au moins dix ans.
─ Oui, nous répondons en même temps.
─ Très bien. Donc, c'est quoi l'histoire ? Demande-t-il en s'asseyant au bord du lit tandis que Sam va s'appuyer contre le mur, juste en face de lui.
Pour toute réponse, je soupire. Comme lui annoncer qu'en fait, celui qu'il considère comme son oncle est un homme violent depuis bien des années ? Que ma vie famille n'est pas aussi belle que ce que l'on fait croire lorsqu'on reçoit du monde ? Le pire, c'est que je ne peux pas lui mentir : il me connaît trop bien pour comprendre que je mens en moins d'une phrase. Je finis par jeter un coup d'œil à Sammy qui ne fait que hausser les épaules, peu déterminer à vouloir m'aider pour ce coup-ci. Merci, elle est trop sympa l'amitié ! Je soupire une seconde fois avant de prendre une grande inspiration est de lâcher, en même pas cinq seconde :
─Jesuisviolentéparmonpèredepuismaplustendreenfance.
─ Hein ? Lâche David en fronçant des yeux. Je n'ai absolument pas compris un mot de ce que tu as dit !
Troisième soupir. Puis, au bout de quelques secondes de réflexion en posant le « pour » et le « contre », je décide d'y aller franco. De toute façon, qu'importe la façon dont je lui dirais, il tombera dans tous les cas de très haut, alors autant ne pas utiliser la manière douce.
─ Je suis violenté par mon père depuis ma plus tendre enfance, répété-je beaucoup plus calmement cette fois.
Là, juste devant moi, je vois différentes émotions passer sur le visage de David : D'abord, le choc, puis vient la surprise, ensuite la colère, la révolte et enfin, le refus. En général, c'est la réaction que n'importe qui arbore. Rare sont les personnes qui sont dans la confidence : ma mère, bien sûr, et Sam. D'ailleurs, celui-ci a eu exactement la même réaction. Par contre, ce que je n'avais pas prévu – loin de là – ce sont les paroles qui sortiraient de la bouche de mon meilleur ami. Des paroles que me glace le sang et me laisse littéralement sans voix.
─ Arrête tes conneries, Alain ! C'est pas drôle de blaguer sur ça ! Répondis David en secouant la tête.
Je tourne la tête vers Sam. Mon second meilleur ami se frotte le front, la tête légèrement baissée. Je ne vois donc pas son expression mais en général, lorsqu'il se gratte le front de cette façon, c'est qu'il est contrarié. Je remets mon attention vers David, bien décidé à détruire ses illusions concernant mon père pour lui prouver par A + B que non, c'est très loin d'être une blague et que je suis très sérieux. Non mais franchement, quel connard – ou connasse – oserait dire une chose pareille juste pour faire une blague de mauvais goût ? Si je n'étais pas aussi désemparé par sa réponse, je lui aurais hurlé d'aller se faire foutre. Mais bon, j'ai mal partout et il a réussi à me décontenancer, donc je réplique seulement – mais très froidement :
─ Détrompe-toi. C'est la vérité. Mon père me bat.
Le mot « battre » réussit à la faire légèrement reculer avec un petit hoquet. Oui, en général, ce mot est assez percutant pour le cerveau. En colère contre lui, je continue sur ma lancée, bien décidé à lui faire autant de mal qu'il m'en a faite en me sous-entendant que j'étais un menteur sur un sujet aussi grave. Cette fois, je prends volontairement un ton nonchalant, histoire que les mots prononcés restent un très long moment dans son esprit et qu'il percute une bonne fois pour toute que ce n'est pas une putain de blague !
─ Ouais, il me bat. Parfois, c'est juste un coup-de-poing dans le visage ou dans le ventre. Dans ces moments-là, il a juste eu une mauvaise journée au travail. Par contre, il y a des fois où tout va mal pour lui à cause de différentes raisons et je deviens son punching-ball, comme aujourd'hui. D'autres fois encore, il s'arrête juste au moment où je me sens partir dans un monde meilleur et c'est uniquement parce que ma mère le supplie de ne pas me tuer. Désolé de niquer la superbe image que tu avais de mon père, mais tu voulais savoir la stricte vérité, ajouté-je.
Au fil de mon monologue, David s'était éloigné. Là, il est contre la porte alors que Sam essaye de le calmer. En fait, il hyperventile en me regardant avec des yeux de hibou. D'accord, peut-être n'aurais-je pas dû lui dire tout d'un seul coup, mais bordel, il l'a cherché. Il finit par sortir en trombe, très vite suivi par Sam qui lance en disparaissant dans le couloir :
─ David ! David, attends-moi ! David !
A cet instant, mon cœur me dit que je viens de faire la plus grosse connerie de ma vie. Mon esprit, lui, me dit que j'ai bien fait de me venger de cette manière. On verra bien ce qu'il va se passer par la suite.
***
N/A : Et voilà un nouveau chapitre ! Bonne année à tous !
VOUS LISEZ
Moi, Sam, sans-abri (BxB)
General FictionSam n'a que 15 ans lorsque ses parents le foutent à la porte. Il n'était qu'un ado innocent. Trois ans plus tard, il est devenu un jeune adulte démuni d'émotions et d'espoir tandis qu'il vit dans le plus impitoyable des mondes : la rue Histoire d'am...