David
Trois jours plus tard
─ Et je peux savoir où tu comptes aller ? Demandé-je en soupirant.
Sam peut sortir de l'hôpital, ce qui le rend particulièrement heureux. Cependant, j'ai beau lui dire qu'il doit revenir chez moi, ne serait-ce que pour sa santé, il refuse catégoriquement. Qu'il peut être irresponsable, parfois. Et en plus, pour toute réponse à ma question, il hausse les épaules en détournant le regard. Bien sûr. Il est tellement rancunier qu'il préfère retourner dans la rue que retourner à la maison.
─ Ecoute, si tu ne le fais pas pour moi, fais-le pour Clara, réessayé-je une énième fois. Elle croit que tu es en séjour linguistique à Londres, mais ces deux dernières semaines elle a remarqué que quelque chose clochait. Elle a beau n'avoir que cinq ans, la perte de ses parents l'a fait grandir plus vite, avoué-je sans vraiment le vouloir.
Là, il me dévisagea. Il ne dit rien concernant ma sœur et mon beau-frère, ni fait aucune réaction, je comprends donc qu'il le savait déjà. Je ne sais pas qui lui a dit, et je m'en contre-fiche. Tout ce que je sais, c'est que c'est petit de prendre l'excuse de Clara, mais je n'ai pas d'autres idées. C'est ma dernière chance pour qu'il accepte.
─ T'as qu'à lui expliquer que son tonton m'a renvoyé pour une question de montres de luxe, répondit-il froidement.
Et voilà, on est revenu au point de départ. Il est de nouveau froid et distant alors que ça fait trois putains de jours que j'essaye de me faire pardonner par tous les moyens possibles et imaginables, en vain. Avant-hier, je lui ai proposé un poste dans mon entreprise, il a refusé. Hier, je lui suggéré l'idée d'une location d'un appartement à mes frais, pour qu'il puisse commencer une nouvelle vie loin de la rue, il a refusé. Aujourd'hui, je lui propose de revenir à la maison, il refuse. Le pire, c'est que je suis le seul à essayer de faire la conversation, donc je ne sais pas ce qu'il veut réellement. Des excuses sincères ? Je ne fais que ça depuis trois jours, mais soit il fait la sourde oreille, soit il me sort une réplique cinglante. Parfois, j'oublie qu'il n'a que dix-huit ans, et qu'il est encore qu'un ado. Dans quelques semaines, j'aurais vingt-deux ans et je n'ai plus l'âge pour toutes ces conneries de fierté mal placée que chaque adolescent a.
─ Et comment veux-tu que j'explique ça à une gamine de cinq ans ? Demandé-je en soupirant une seconde fois.
Je soupire très souvent, ces derniers jours. Faut dire aussi que Sam essaye de me pousser à bout à tout prix. Puis, à force de me tenir au bout de lit et de le regarder faire son sac, une idée immerge dans mon esprit. Puisqu'il s'entête dans son idée de « je vais me débrouiller, j'ai pas besoin de ta pitié » comme il me l'a si bien dit quelques heures plus tôt lorsqu'on a commencé à s'engueuler, je vais capituler en lui faisant croire que je repars chez moi. Comme ça, s'il est vraiment sincère lorsqu'il me dit qu'il ne veut plus de moi, il restera dans cette chambre et attendra la dernière visite du médecin ; par contre, s'il fait ça uniquement pour me faire tourner en bourrique, il se précipitera jusqu'à moi. Avec ce plan je saurais, dans tous les cas, ce qu'il a vraiment dans la tête. J'espère tout de même qu'il se précipitera jusqu'à moi.
─ Bon, tu sais quoi ? J'en ai marre ! M'exclamé-je en passant une main dans mes cheveux. Puisque tu ne veux rien entendre, je ne peux pas faire plus pour toi. Donc je te souhaite bonne chance dans la vie et si tu as besoin d'aide, n'importe laquelle, tu sais où me trouver, dis-je en remettant mon manteau.
Ça me détruit le cœur de lui dire ça, alors que tout ce que je veux, c'est le ramener en sûreté à la maison. Mais je n'ai pas le choix de faire ceci. Sans ça, je ne saurais jamais s'il me déteste réellement ou non. C'est donc sous son regard sidéré que je quitte les lieux en priant pour qu'il court à ma poursuite avant que je n'atteigne ma voiture et que je pars. Définitivement.
Malheureusement, je crois que j'ai espéré pour rien. Je suis dans l'ascenseur, les portes coulissantes vont bientôt se fermer et Sam n'est toujours pas sortie de sa chambre. Puis, les portes se ferment et je ne peux retenir les larmes de couler le long de mes joues. Bon, le message ne peut être plus clair. Les étages défilent sur le tableau de bord de l'ascenseur alors que j'essaye de calmer les battements de mon cœur. Peut-être étais-je trop gentil en ayant offert un toit à Sam. C'était la première fois que je le faisais, et même si la raison pour laquelle je l'ai fait, c'est parce que j'ai eu un coup de cœur pour Sam, je ne sais pas pour quelle raison il a accepté, lui. Peut-être que tout ce qu'il voulait, c'était un endroit où dormir pendant quelque temps. Et comme il a remarqué que j'étais aussi attiré par les garçons, il en a profité pour passer dans mon lit histoire de pouvoir se vanter d'avoir couché avec un bourgeois. En fait, je me suis bien fait avoir. Soupirant d'exaspération vis-à-vis de l'être humain qui me déçoit de plus en plus ces derniers temps, je sors de l'ascenseur lorsque celui-ci arrive au niveau -2, là où se trouve le parking souterrain. Puis, je sors définitivement de l'établissement et marche jusqu'à ma voiture située dans la dernière allée du parking. A cette heure-ci de la fin d'après-midi, le parking et bien vide et les quelques voitures restantes font bien tâches parmi les cinq cent trente autres places vides. Malheureusement, lorsque je suis venue vers quinze heures après avoir passé deux heures à mon entreprise, il était rempli et j'ai dû garer ma voiture dans le fond du parking. M'approchant d'elle, je sors mes clés de l'une de mes poches et la déverrouille avant de monter dans l'habitacle en refoulant mes larmes une deuxième fois. Non, je ne vais pas pleurer pour un mec comme Sam, mais oui, j'en rage d'avoir était si naïf. En fait, ce sont juste des larmes de colère. Je finis par donner un coup de poing à mon volant en injuriant. Non mais sans déconner, comment on peut être aussi stupide dans la vie ? C'est fini la gentillesse. Maintenant, je m'occuperai que de ma nièce que j'ai quasiment oublié ces dernières semaines et pour qui ? Pour un mec qui en fait, s'en fiche royalement de moi. Je suis en train de marmonner contre le monde entier en allumant le contact de ma voiture lorsqu'un coup à la vitre de ma portière me fait sursauter. C'est...Sam. Sam ? Croyant halluciner, je reste stoïque quelques secondes, ce qui le fait froncer des yeux de l'autre côté de la vitre. Déterminer à lui dire ses quatre vérités, j'ouvre la vitre.─ Quoi ?! Croassé-je en gardant mon calme.
S'énerver ne sert à rien. S'énerver ne sert à rien. S'énerver ne sert à rien. J'ai beau me répéter cette phrase, mon cerveau reste en ébullition.
─ Je n'ai pas pu courir après toi au moment voulu, car dès que tu es parti, le médecin entrait dans la chambre, explique-t-il en me faisant sa tête de chien battu.
Attends cinq minutes... S'il n'a pas couru à ma poursuite, ce n'est pas parce qu'il ne veut pas de moi, mais parce qu'un médecin est venu le voir ? En entendant cette version que j'aurais pu deviner par moi-même, si je ne serais pas du genre à me faire des conclusions trop actives, la colère que j'ai en moi s'évacue tout d'un coup. Et mon cœur redevient léger comme une plume.
─ Donc, tu n'as jamais habité avec moi pour une question de survie ?
Les mots sortent de ma bouche sans que je puisse les arrêter. Mais pourquoi je lui ai demandé ça, moi ? Il va encore croire que je le repousse ou un truc dans ce genre-là.
─ Hein ? Demande-t-il en fronçant les yeux. Mais qu'est-ce que tu...
─ Rien ! Le coupé-je précipitamment. Allez montes, je te ramène où tu veux.
─ A la maison. Je souhaite retourner à la maison... Enfin, si tu es toujours d'accord pour que je revienne, s'empresse-t-il d'ajouter sous mon regard qui doit ressembler à celui d'un enfant découvrant ses cadeaux sous le sapin de Noël.
─ Bien sûr, quelle question ! Répondis-je en essayant de cacher un maximum la jubilation qui s'est éveillée en moi en entendant sa dernière réponse.
Il veut revenir à la maison. Putain, je n'y crois pas. J'ai paniqué pour rien du tout. Mais quel idiot je fais. Sam, quant à lui, sourit et tapote la portière avant de venir s'installer côté passager alors que j'essaye de rester calme et posé même si tout ce dont j'ai envie, c'est de le prendre dans mes bras et de l'embrasser jusqu'à en perdre connaissance. Mais bon, il va me prendre pour un dingue si je saute sur lui comme ça, sans prévenir, ni raisons apparentes.
─ Mais attention, je ne te pardonne pas pour autant, me dit-il tandis que je sors de la place où étais garé la voiture et roule en direction de la sortie du parking. Il me faudra du temps pour te pardonner et oublier ce que s'est passé il y a un mois.
D'accord, tout ce qu'il voudra. L'important, c'est qu'il revient à la maison. Pour le reste, cela se fera avec le temps.
***
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Moi, Sam, sans-abri (BxB)
Fiksi UmumSam n'a que 15 ans lorsque ses parents le foutent à la porte. Il n'était qu'un ado innocent. Trois ans plus tard, il est devenu un jeune adulte démuni d'émotions et d'espoir tandis qu'il vit dans le plus impitoyable des mondes : la rue Histoire d'am...