Sam
On est arrivé à la villa depuis une bonne dizaine de minutes et je reste planté là, dans le couloir de l'étage, devant les portes de la chambre d'amis et celle de David, ne sachant pas où aller poser mes affaires. David est toujours en bas, faisant je-ne-sais-quoi. En plus, il ne m'a rien dit ce con. Comment suis-je censé savoir où aller s'il ne me dit rien ? Parfois, j'ai l'impression qu'il me prend pour un télépathe. J'espère qu'il sait que la télépathie n'existe pas. Puisqu'il travaille dans le monde du livre, j'ai un doute. Ceux qui travaillent dans ce domaine ne voient pas toujours la limite entre la réalité et la fiction. Ayant marre d'avoir l'air d'un vrai débile à attendre devant ces foutues portes, je soupire et rentre dans la chambre d'amis. De toute façon, avant que je parte, mes vieilles affaires étaient rangées au fond d'une armoire dans cette chambre.
Lorsque je reviens au rez-de-chaussée, David est assis sur le canapé, regardant un magazine.─ C'est bon, j'ai déposé mes affaires, dis-je en m'asseyant à ses côtés.
─ Dans quelle chambre ?
─ Celle d'amis.
─ Oh...Donc ça veut dire que tu veux redormir dans celle-ci ? Demande David en faisant la moue.
─ Non, ça veut juste dire que j'ai déposé mes affaires dans une pièce, répondis-je en levant les yeux au ciel.
Lui aussi lève les yeux au ciel. Bon, si on commence comme ça, ça ne va pas trop le faire.
─ D'accord...Dit-il en faisant rouler le mot sur sa langue et faisant les gros yeux. Bon, on va faire les courses et après, on ira chercher Clara ?
─ Si tu veux, souris-je en jubilant à l'idée que je vais revoir la petite fripouille qui m'a tant manqué.
Nous y allons. A la supérette, David n'arrête pas de me demander ce que je souhaite, ce que je réponds par un haussement d'épaules. Ce n'est pas comme si j'étais difficile, tant que ce n'est pas des betteraves. Les courses faites, nous partons en direction de l'école maternelle. Là-bas, nous devons attendre un peu alors que David se fait violence pour ne pas me prendre la main. Il ne fait que ça depuis ce matin. Je remarque aussi que toutes les nounous présentes me regardent. OK, dois-je comprendre que certaines rumeurs à mon égard ont circulé pendant mon absence ? Je n'espère pas. D'une parce que ma vie ne regarde que moi, deux parce que je hais les rumeurs, et trois parce que répondre aux questions indiscrètes ce n'est pas mon truc. Enfin bref, je préfère les ignorer. Quelques minutes plus tard, les portes s'ouvrent et la directrice – elle ne m'a pas trop manqué, je dois l'avouer – fait son apparition dans son éternel tailleur, bien vite suivi des élèves criant et riant. Il ne me faut pas longtemps pour trouver la tête blonde de Clara, presque cachée entre deux autres têtes. Dès qu'elle me voit, son regard s'illumine et la directrice est obligée de la retenir. Celle-ci, par contre, ne m'a toujours pas vu. Ou alors, elle fait mine de rien. De toute façon, elle ne lâchera pas la petite comme ça : Le règlement intérieur est tellement strict que les élèves rejoindre leur famille selon leur nom de famille. Son nom commençant par la lettre « L », Clara doit attendre que tous ses camarades ayant la chance d'avoir une lettre au-dessus de la sienne soient avec leur nounou pour qu'elle vienne enfin vers nous. Quand elle le peut enfin, elle fonce directement vers moi en criant mon prénom, ses bras tendus devant elle. Je la prends dans mes bras en nous faisant tournoyer. Puis, j'arrête et elle me regarde, ses yeux brillants.
─ Sammy ! Dit-elle en souriant de toutes ses dents, serrant mon cou de ses petits bras tous frêles.
─ Hey ! Ma puce !
─ Lodres c'était bien ? Demande-t-elle.
« Lodres » ? C'est quoi ça ? Je fronce les sourcils quelques instants, cherchant ce qu'elle peut bien vouloir me dire avec ce mot. Puis, je me rappelle ce que lui a dit David sur mon absence pour ne pas qu'elle s'inquiète.
─ Oui, s'était super ! Mentis-je avec conviction. Mais on ne dit pas « lodres », mais « Londres », rectifiai-je en rigolant.
Ce qui l'a fait rire elle aussi.
─ Tu ne vas plus partir, dis ? Demande-t-elle en me regardant dans les yeux. Parce que moi j'étais triste que tu ne sois pas là et tonton, bah il a pleuré.
La vérité sort de la bouche des enfants. Savoir ça me réchauffe le cœur. Pour les deux raisons.
─ Je sais. Mais je suis là, maintenant. Je ne partirai plus loin de vous deux.
Et je suis déterminé à tenir cette promesse. Maintenant, c'est à David de faire la part des choses. J'attends que celui-ci finisse de parler avec la directrice, celle-ci me souriant à chaque fois que ses yeux se pose sur moi. Et tout ce que j'arrive à faire, c'est de hausser les sourcils. En trois semaines, le balai qu'elle a dans le cul s'est peut-être rétréci. Ou alors, elle a appris qu'elle allait être grand-mère et veut faire profiter sa joie à tout le monde. Ouais bah, si c'est ça, je plains l'enfant. Dès que David revient vers nous, je replace bien Clara contre ma hanche et nous repartons à la voiture.
─ Qu'est-ce qu'elle te voulait ? Demandé-je en plaçant la petite sur son rehausseur.
─ Elle m'a demandé où tu étais passé. Je lui ai dit la vérité.
En entendant ça, je me fige alors que j'étais en train d'attacher Clara. Je me tourne vers David qui s'attache lui aussi sur le siège conducteur.
─ Quoi ?
─ Quoi, quoi ? J'assume pleinement mes conneries, je te fais remarquer, réplique-t-il en haussant les épaules.
Et bah ça alors. Je finis t'attacher la petite et monte à mon tour sur le siège passager. David démarre et nous repartons à la maison.
─ Donc, tu assumes tes conneries ? Demandé-je lorsqu'on s'arrête au premier feu rouge.
Il me regarde de coin, puis lève les yeux au ciel.
─ Quoi ? C'est bien. Très bien même...Assuré-je sous son regard suspicieux.
Génial. Il doit attend une réplique douteuse de ma part. Sauf que là, je suis on ne peut plus sérieux. C'est très bien qu'il assume en public ce qu'il a fait. C'est un très bon début vers le chemin du pardon.
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Moi, Sam, sans-abri (BxB)
Fiction généraleSam n'a que 15 ans lorsque ses parents le foutent à la porte. Il n'était qu'un ado innocent. Trois ans plus tard, il est devenu un jeune adulte démuni d'émotions et d'espoir tandis qu'il vit dans le plus impitoyable des mondes : la rue Histoire d'am...