Chapitre 16
« Hors de question ! Je ne peux pas faire ça ! »
Je voulus me débattre mais après deux mouvements d'épaules, ma tête se mit à tourner. Il fut plus facile de me laisser aller dans les bras d'Alex... Tu es faible Ellie. Beaucoup trop faible.
« Je peux comprendre que tu n'en aies pas envie mais je le fais pour nous et cette fois-ci je ne m'en voudrais pas de me montrer égoïste. »
Avant que je puisse réagir, sa bouche était contre la mienne et un goût métallique se répandit sur ma langue. Oh non... Son sang...
Un éclair blanc brisa ma vision. Je voulais fermer les yeux, je voulais retrouver le noir beaucoup plus rassurant de sous mes paupières mais c'était impossible ! Je ne contrôlais plus rien du tout... Cet état durait et me mettait plus que mal à l'aise... Alex, tu me le payeras !
La lumière blanche faiblit petit à petit et je retrouvais le noir. Est-ce que... Est-ce que ça n'avait pas fonctionné ?
Je sentis une main caresser mes cheveux. J'avais envie de m'éloigner pour fustiger Alex de son comportement ! Comment il avait pu me forcer à boire de son sang ! Comment il... Mais... Je ne peux pas bouger et cette sensation est étrange...
« Alexandre ? Réveille-toi mon bébé. »
La voix était si proche que j'avais l'impression qu'elle me le soufflait à l'oreille mais ce fut surtout les mots qui me hérissèrent les poils. Mon bébé ? Est-ce qu'Alex avait laissé entrer une de ses conquêtes dans ma chambre d'hôtel ? Non... Il n'aurait pas osé... Je voulais tellement ouvrir les yeux mais c'était impossible ! J'avais l'impression de ne pouvoir rien faire et ça commençait à me frustrer, à m'énerver et à m'effrayer. J'étais comme prisonnière de mon corps inerte et c'était tout bonnement horrible. Je paniquais totalement !
Plus encore quand des bruits de pas lourds semblèrent se rapprocher ! On aurait dit quelqu'un en colère...
« Alexandre, vite ! C'est ton père ! »
La lumière me fit brusquement mal aux yeux et c'est chancelant et papillonnant des paupières, sans vraiment voir ce qu'il y avait autour de moi que je... Hein ? Je me cachai sous le lit ? Sous le lit ! Mais qu'est-ce... Je ne contrôlais rien, absolument rien... ça avait fonctionné. Je n'étais pas dans mon corps mais dans un souvenir d'Alex...
Ça se confirma quand ma vision devient enfin clair et que je me retrouvai sur un parquet beaucoup trop luxueux pour être celui de ma chambre d'hôtel, voyant un bout de mur aux papier peint ornementé et de petites mains d'enfants à plat contre le sol. La porte s'ouvrit brusquement et je ne pus voir qu'une paire de bottes.
« Où est-il ! »
La rage était presque palpable dans cette voix masculine et je ne sus vraiment si c'était moi ou le petit Alexandre qui tremblait.
« Qui ça chéri ?
_Votre enfant ! Il n'est pas à la chasse !
_Il s'est peut-être perdu en s'y rendant. Vous aviez rendez-vous en pleine forêt.
_Ne protégez pas votre fils ! Il ne voulait pas y aller et comme d'habitude, il a décidé de désobéir !
_Vous exagérez. Il va à tous les cours que vous lui imposez.
_Là n'est pas la question. Il doit obéir.
_Allez donc voir dans la forêt, vous le trouverez peut-être.
_Espérez-le pour lui. »
La porte claqua de nouveau et Alex sortit précipitamment de sa cachette pour courir vers la fenêtre.
« Attends ! »
Il se retourna vers sa mère qui se dépêcha d'arranger ses vêtements. C'était une belle femme aux traits fins et aux cheveux dorées. Elle avait une peau très pâle qui semblait aussi douce que de la soie. Il y avait tant d'amour dans ses yeux que j'eus un pincement au cœur. Elle me rappelait vraiment ma mère dans ses gestes attentionnés et son expression maternel. Elle déposa un rapide baiser sur mon... le front d'Alex qui se retourna et... passa par la fenêtre ! Il ouvrit, s'aida du bord, se laissa pendre dans les airs et tomber parterre se réceptionnant avec une roulade... Il devait avoir 13 ou 14 ans... C'était fou ! D'ailleurs il se mit à courir comme un fou vers la forêt que l'on voyait tout au bout d'un vaste domaine. Il ne s'arrêta qu'une fois derrière l'arbre. Il respira et fit demi-tour avec un pas mesuré. Un homme à la peau bien plus bronzée et à la carrure bien dessinée lui faisait maintenant face, un visage dur et même effrayant.
« Père ! Je ne comprends, nous ne devions pas chasser ce matin ? »
La voix enfantine d'Alex me surprit mais il y avait déjà ce ton miel qui lui donnait une voix agréable. Son père ne dit pas un mot se contentant de s'approcher menaçant. Alex dut comprendre quelque chose qui m'échappait car il s'arrêta dans son chemin et esquissa même quelque pas en arrière. Son père arriva et l'attrapa avec force par l'oreille... Une douleur aigue s'empara de moi et je me retrouvais incapable de l'empêcher... Tant que j'étais dans les souvenirs d'Alex, je ressentais absolument toutes les sensations physiques qu'il avait vécu... Une angoisse monta peu à peu et je ne savais plus si c'était la mienne ou celle d'Alex.
« J'ai tout vu de ton petit manège. Et puisqu'il est hors de question que je m'en prenne à ta mère pour ses mensonges, tu les paieras en même temps que les tiens. Au lieu de 15, tu en prendras 30. Ça t'apprendra à te cacher derrière une femme.
_Non... S'il vous plait ! Je n'ai pas...
_Ce sera 5 coups de plus pour avoir essayé de te défendre. Essaye donc de prendre exemple sur ton frère ! Lui est un vrai homme. »
Les larmes débordèrent des yeux d'Alex alors que son père lui empoignait le bras le ramenant vers la maison. Son cœur tambourinait tellement fort dans sa poitrine que je crus mourir d'une crise cardiaque... Son père l'entraîna dans une pièce et fit agenouiller Alex... Oh non... J'ai peur... Il saisit un bâton de bois... Non, non, non ! Je ne veux pas ! Je ne veux pas vivre ça !
Alex ferma les yeux et j'accueillie avec soulagement un nouvel éclair blanc.
Celui-ci fut plus court mais contrairement à ce que je pensais il ne me ramena pas à la réalité. C'est la même caresse maternelle qui me fit ouvrir les yeux. J'étais assise sur une chaise auprès du même lit que la vision d'avant. Alex tenait la main de sa mère dans les siennes, mais son visage était un peu flou. Alex pleurait ? La main de sa mère toucha sa joue et je compris enfin ce qui se passait quand les doigts glacials glissèrent sans force jusqu'au lit.
« Ne pleure pas, mon bébé. Tout ira bien.
_Mais...
_Il faut te montrer fort et courageux mais je t'en prie, reste tel que tu es, un gentil et compatissant petit homme. Ton père ne te changera pas, fais ce que tu crois être le meilleur. L'importance est de suivre ce que ton cœur te dicte.
_Toujours, Mère. »
Il monta sur le lit et se pelotonna contre le corps fragile de sa mère.
« Je vous aime, mère.
_Je t'aime, mon bébé. »
Il ferma les yeux, étouffant ses sanglots. Je ressentais tellement son émotion qu'intérieurement je devais aussi être en larmes.
Ce flash blanc fut le bienvenu mais cette fois-ci, je priai très fort pour ne pas retrouver le petit Alex. Je voulais des souvenirs plus récents, des souvenirs qui me serviraient, des souvenirs qui ne me donneraient pas encore plus raisons de prendre le vampire dans mes bras...
« Monsieur de la Rosse ? Vous rêvassez ? Ma compagnie vous ennuie-t-elle ?
_Au contraire, je n'ai jamais été aussi bien qu'en votre présence, ma reine. »
Il ouvrit les yeux alors que je m'évertuais à demander un autre souvenir. La reine... Marie-Antoinette ? Je l'imaginais pas comme ça...
Il était assis contre un tronc d'arbre, exposé au soleil, en chemise légère dévoilant une grande partie de son torse. Une jeune femme était à ses côtés, sa large robe autour d'elle, tenant ombrelle et éventail. Elle lui lançait des regards ambigus avec un petit sourire satisfait.
« Vous êtes plutôt intéressant, pourtant vous restez plutôt passif.
_Si je vous avouais que vous m'intimidez plus qu'aucune autre femme de ma connaissance, vous comprendrez ma réserve ? »
Oh pitié... Ne me dites pas que je vais devoir subir ce flirt... Quand on sait qu'elle n'a fait que ça...
« N'ayez plus de réserve, je n'attends que ça. »
Non ! Non et non ! Je ne veux pas voir ça !
Brusquement je fus propulsée dans un nouveau flash blanc, qui m'arracha un soupir de soulagement... ou du moins j'avais l'impression de l'avoir poussé... Mais je n'étais sûre de rien dans cette situation !
Le blanc était encore omniprésent quand je sentis des mains parcourir le corps d'Alex dans des caresses beaucoup trop sensuelles pour que je puisse les apprécier. Elles m'en filaient même des frissons de dégoût. Une douleur puissante au cou... Ne me dites pas que c'est...
« Qu'est-ce que... »
Je vis d'un coup la main ensanglantée d'Alex et derrière cette main une femme rousse aux canines dégoulinantes... Marion. Une vague de peur déferla dans mon corps et pourtant je ressentais avant tout une fureur au fond de mon cœur.
« On ne se quittera plus désormais. »
Son sourire carnassier me donnait juste envie de lui planter mon couteau au milieu des deux yeux. Sauf qu'Alex à ce moment ne devait pas comprendre ce qu'il lui arrivait. Il tomba sur le matelas se mettant à trembler de tout son corps. Dans son souvenir, j'avais la désagréable sensation d'étouffer, de sentir des millions de lames chauffées à blancs me planter la moindre parcelle de mon corps. Les larmes me montèrent aux yeux tant la douleur était forte et heureusement elle s'arrêta rapidement avec encore un blanc... Mais quand ça finira ! Je n'en pouvais plus ! Arrêter ça ! Je ne savais même plus si je voulais avoir les réponses que je recherchais ! C'était trop dur...
« Alexandre ! »
Le noir... Le froid... L'humidité... Euh... Je préfère le blanc ! Vite ! Vite ! Mais cette fois-ci, ça ne fonctionna pas du tout. Quand Alex ouvrit les yeux, il était allongé sur le sol froid et sal d'une cellule ? Marion était de l'autre côté des barreaux regardant avec un sourire dérangeant un Alex, torse nu, immaculé de crasse et de sang... Oh mon dieu...
« Tu es enfin réveillé ! ça fait trois jours que tu dors.
_Je me souviens de rien...
_Une fois ta transformation en vampire finie, tu es tombé dans une folie rare pour un nouveau-né et tu as bien failli me tuer !
_Je regrette de n'avoir pas réussi...
_Tu ne le penseras plus dans quelques jours, sourit-elle avec suffisance.
_Je ne vous avais rien demandé ! Pourquoi vous m'avez transformé en monstre !
_En dieu, tu veux dire ! Je t'offre l'éternité !
_Je n'en veux pas !
_Et bien moi, je la veux avec toi ! Fais-toi à l'idée. Tu ne sortiras d'ici qu'après avoir signer notre contrat de mariage, chéri.
_Jamais !
_Tu réagiras autrement quand tu mourras de soif. »
Elle se fit volte-face avec un bruissement de robe, laissant un Alex au désespoir, prenant sa tête entre ses mains et fermant les yeux. Eclair blanc. C'était affreux... Ma compassion pour lui avait tellement grandi en quelques minutes... Comment je pourrais lui faire face de la même manière maintenant ? Je ne pourrais plus me montrer ferme, lui en vouloir ! Je n'arrivais déjà pas à me faire à l'idée que c'était un assassin et maintenant tous ses souvenirs se plantaient dans ma faille pour l'agrandir et ouvrir mon cœur à ce vampire qui n'avait jamais voulu l'être...
« Mikley ? ça va ? »
Mon cœur rata un battement quand je reconnus cette voix masculine. Ou peut-être deux.
Même si ce n'était pas le nom que je lui connaissais, Alex releva la tête vers un homme à la carrure famillière et au regard bienveillant.
« Oui, Sergent Garnis.
_Je ne suis pas là en tant que ton supérieur, fit mon père en s'asseyant sur le même lit de camp que le vampire. Je m'inquiète pour toi, Alex.
_Je t'assure que ça va aller, Chris. »
Etait-ce... était-ce alors Alex le fameux vampire que ma mère chassait lorsqu'elle a rencontré mon père ? Mais il m'avait dit qu'elle l'avait tué...
« La nouvelle équipe médicale arrive dans une semaine, continua mon père. J'aimerais que tu ailles les voir. Tu pâlis à vue d'œil. Et cette bagarre avec Yvan... ce n'est pas dans tes habitudes.
_Je... Je sais... Euh, je crois que je ne vais pas pouvoir cacher ma décision plus longtemps.
_De quoi tu parles ?
_Je pars demain.
_Quoi ?
_J'ai fait mes affaires, je prends le car du retour ce soir. Je quitte l'armée, reformula Alex sans oser regarder mon père.
_Alex... ça fait 7 ans que tu es avec nous. Je ne comprends pas.
_C'est compliqué.
_Est-ce que ça a un rapport avec ça ? »
Mon père sortit de sa poche un petit bout de tissu méticuleusement plié qu'il remit dans les mains du jeune homme.
« J'ai vu que c'était ce qui avait mis le feu aux poudres entre toi et Yvan. Je n'ai pas regardé. Mais... Je reconnais la forme d'une plaque militaire. Alors que la tienne est autour de ton cou.
_C'est... vraiment compliqué...
_Alors tu pars vraiment pour ça ?
_Oui et non... J'aimerais vraiment t'en parler mais... Je ne peux vraiment pas...
_Ne t'inquiète pas. J'ai toujours pu compter sur toi, je sais que tu es un bon gars malgré tes secrets.
_Tu es bien un des seuls à le penser... Je suis content de t'avoir connu, Chris. Je n'aurais pas tenu aussi longtemps sous les ordres d'un autre.
_Tu dis ça comme si nous n'allions jamais nous revoir.
_On ne sait jamais. »
Mon père examina le visage d'Alex et finit par poser une main sur son épaule.
« Moi je sais. »
Mon père se leva et allait partir quand Alex le héla.
« Chris ! J'aimerais que tu fasses attention à Yvan. Il est dangereux.
_Tu ne me donneras pas plus d'informations ?
_Fais attention à toi seulement. »
Si une incompréhension se lut dans le regard de mon père, la lumière se fit dans ma tête. Alex n'avait pas été découvert comme vampire aux yeux de mon père. Peut-être même que mon père ne savait pas que celui qu'il recherchait était le Mikley qui avait était dans sa brigade. C'est ce Yvan qui avait dû être le tueur que cherchait ma mère... et avait poussé Alex à partir de l'armée... Cette seconde plaque était sûrement celle que j'avais vu le premier jour dans sa boite aux compartiments secrets... Celle qui portait le nom McKinley. Alex avait dû changer à de nombreuses reprises d'identité et pourtant il avait choisi d'être dans l'armée deux fois... Un vampire avait tant de possibilité et pourtant il était parti combattre pour le pays... Non, non, non ! Je ne voyais plus que des bons côtés à ce vampire ! Ce n'était pas possible ! Il avait forcément dû déraper... Lumière étincelante.
« Alexander ? Qu'est-ce que... »
Le noir avait remplacé le blanc mais Alex n'était pas décidé à ouvrir les paupières cette fois-ci. Je sentais son corps se basculer d'avant en arrière, les mains tenant son crâne, secoué de tremblements compulsifs alors qu'il était au sol.
« Ne m'approche pas ! crie-t-il brusquement quand une main se posa sur son épaule. »
La vision me revient mais elle ne fut pas très nette. En plus de l'obscurité ambiante, Alex semblait avoir un problème au niveau de ses yeux. Comme si son champ de vision s'était beaucoup réduit et que si le centre était d'une précision incroyable tout le reste était flou... Comme une vision de... prédateur. Un prédateur affolé qui n'arrivait pas à se focaliser sur la moindre chose. Qu'est-ce qui... Oh... Son regard se fixa sur un corps. Un corps sans vie. Avec deux trous sanglant au cou. Quand Alex vit ces quelques gouttes de sang, son cœur s'emballa si fort que je l'entendis résonnant dans mon crâne... Une douleur pointa le bout de son nez dans son ventre. Plusieurs petites cuillères semblaient lui creuser son estomac, une faim dévorante qui le faisait devenir fou... La faim d'un vampire...
« Alexander... »
Il fut distrait par une blonde élancée que je reconnus sans mal malheureusement.
« Bébé, prends mon sang, ça ira.
_Non, non, non ! Je ne veux pas ! Je...
_On cachera le corps, ne t'inquiète pas. Apaise ta soif.
_Tu dis, n'importe quoi ! »
Les yeux d'Alex allaient et venaient dans cette rue lugubre. Un. Deux. Trois. Quatre... Cinq. Il y avait cinq corps au sol. Tous morts... Le cœur d'Alex continuait sa course effrénée et sans que je vois le coup venir, il sortit brusquement un couteau d'une poche et se l'enfonça dans la poitrine. Une fois. Deux fois. Trois fois. Quatre fois. Et cinq...
« Alexander ! »
Il tomba à genoux mais rien qu'un regard sur son torse et il vit qu'il avait guéri. Il cria, grogna, frappa le sol et l'arme continuait de le mutiler. Mais ce n'était rien comparé à la faim qui lui tordait les entrailles. Des pincements à peine douloureux qui n'avait même pas le temps de saigner réellement avant de disparaître.
« Arrête ! Arrête ! »
La blonde lui prit l'arme des mains mais elle n'arrivait pas à le calmer. D'un coup il se mit à courir laissant cette femme seule. Les rues devinrent peu à peu blanches, couvertes de neige et enfin le banc finit par envahir ma vision. Je n'en pouvais plus... Ce dernier souvenir m'inspirait autant d'horreur que de peine... Comment je devais voir Alex maintenant ? Un monstre ? Une victime ? Tous ces souvenirs semblaient si loin de l'image que je m'étais faite de lui... Comment pouvais-je faire pour sortir de cette ballade de mémoire infernale !
« C'est la fin. »
Une voix féminine étrangement familière éveilla en moi de doux sentiments. Mais ils se confrontèrent à ceux plus indistincts du corps dans lequel j'étais... Je ne voyais que du noir mais cette fois-ci c'était simplement parce qu'Alex était caché derrière un rideau.
« Sors de là !
_Je ne vous veux pas de mal. »
Mon cœur tambourina. Le mien ? Le sien ?
« Dis le type caché dans mon salon !
_Regardez, je n'ai pas d'arme. Je ne suis ni voleur, ni assassin. »
Alex sortit de sa cachette, les mains en l'air, la tête baissée. Il était dans un petit salon, décoré de façon minimaliste avec de la décoration typiquement sans âme, c'était sûrement un hôtel. Il prit son temps pour se redresser et finalement se retrouva face à face avec son interlocu... trice... Maman... Maman ! Si dans ma tête je courrais vers elle pour la prendre dans mes bras, le corps d'Alex me bloquait et me frustrait comme jamais... Ma mère était tellement belle avec ses longs cheveux bruns et ses yeux émeraude... Ses traits doux qui était d'une dureté implacable devant Alex... Maman... Tu me manques tellement... Si seulement... Si seulement tu n'étais pas... Mais ! Si Alex se trouve devant ma mère... Alors qu'elle est tueuse de vampire... Et qu'Alex est encore vivant... C'était lui...
« Baissez votre arme, s'il vous plait. Je veux juste vous parler.
_Je n'ai pas confiance une seconde en les choses comme vous. »
Alex eut un temps d'arrêt et baissa lentement les mains.
« Comment savez-vous... pour moi ? »
Ma mère le regarda en levant un sourcil, baissa légèrement son arme de sa ligne de visée mais la garda résolument pointée vers lui.
« Vous êtes venu pour moi ? »
La question me surprit autant qu'elle choqua Alex. Je ressentis sa perplexité et son froncement de sourcils ne le quittait pas. Il hésitait mais il ne voulait pas partir. Il semblait lui aussi déterminé à faire ou dire quelque chose... La tuer ? Non... Pourquoi il ferait ça ? Il ne le ferait pas... Pas Alex... Je ne voulais pas y croire...
« Je ne suis pas venu vous tuer...
_Manger, c'est comme tuer. »
L'arme de ma mère se redressa et son doigt effleura la détente. Alex ne fit que soupirer, ne montrant que de la consternation et pas un gramme de peur... Il ne savait vraiment pas que ma mère était une tueuse de vampire ?
« Ecoutez, si vous pouviez me tuer avec cette arme, je vous dirais d'appuyer tout de suite sur la détente mais les balles ne me tueront pas. Alors baissez votre arme que je vous explique pourquoi je me suis introduit dans votre chambre, me mettant dans la merde par la même occasion. »
Il ne connaissait vraiment pas les tueurs de vampires ? ça me paraissait tellement irréaliste maintenant ! Mais je ne devais vraiment pas être la seule car si ma mère avait toujours un visage méfiant, je voyais dans ses yeux qu'elle trouvait la situation absurde. Tu m'étonnes ! Elle voit un vampire débarquer dans sa chambre et il ne se méfit pas le moins du monde d'elle !
« Parlez, finit-elle par dire sans écouter ses recommandations quant à son arme immobile.
_Bon... Croyez-moi ou pas, un vampire vous a repéré et vous traque.
_C'est une nouvelle, dis donc, fit-elle ironique.
_Pas moi. J'aurais pu vous tuer depuis longtemps si je l'avais voulu.
_Mais bien sûr si vous en êtes si certain !
_Je ne sais as comment vous connaissez l'existence des vampires, mais je peux vous dire que vous n'êtes pas prête à en affronter donc fuyez.
_Et quand je tournerais le dos, je me ferais bouffer.
_Pensez à votre fille. »
Ma mère tiqua et une certaine agitation se lut dans son regard. Et moi... Moi je ne comprenais pas... Il parlait de moi ? Mais ce n'était pas possible... Je ne me rappelais pas avoir été dans un hôtel, seule avec ma mère et... Je ne me souviens pas du tout d'Alex !
« Comment...
_Le vampire qui vous suit la veut, elle. Pas vous.
_C'est n'importe quoi !
_Elle sent extrêmement bon, c'est une vraie tentation pour un vampire.
_Qui est ce vampire ! »
Ma mère commençait à perdre son sang-froid...
« Je ne le connais pas, un vieux vampire, l'apparence d'un vieil homme basané.
_Merde... Merde, merde, merde ! »
Ma mère commençait à paniquer... Je ne comprenais vraiment pas pourquoi... Elle semblait si sûre d'elle, il y a un instant, même face à Alex... Alors pourquoi ?
« Pourquoi vous m'aidez ? Vous... vous lui ressemblez... »
Quoi ? Elle parlait de qui ? Elle connaissait l'autre vampire ? Le frère d'Alex ? Mais il n'était pas un homme âgé...
« Je ne veux pas être un monstre. Tous les vampires ne sont pas les mêmes.
_Je parle de physiquement... C'est un piège, c'est ça ? Vous êtes le même en brun... Vraiment...
_Je ne sais pas de quoi vous parlez... Je vois bien que vous ne pouvez pas m faire confiance mais partez. Je vous ai prévenu, j'ai fait ce que je devais faire. »
Avant que ma mère ait pu répliquer quoi que ce soit, il partit par la fenêtre comme si c'était normal qu'un homme saute par la fenêtre et se retrouve dans la rue. Il laissait ma mère... Non... J'aurais tellement voulu rester plus longtemps près d'elle... Avait-elle dit qu'Alex était brun ? Est-ce que du coup quand elle parlait du même mais en brun elle faisait allusion à son frère ?
Une odeur puissante arriva aux narines d'Alex. Elle ne ressemblait à rien de ce que je connaissais. Il était à seulement trois rues de l'hôtel de ma mère. D'un coup, il courut si vite que ma vision ne s'adapta pas à la sienne. L'instant d'après il empoignait un vieil homme par la gorge et le collait contre le mur. Le vieux vampire basané.
« Wow wow wow ! Où tu vas comme ça, mon salaud ? Tu sais que tu as droit qu'à un meurtre par an ? »
Le vieil homme qui portait un long imper et un chapeau souple releva la tête pour dévoiler son visage. Si, à moi, il ne me disait absolument rien, je ressentis un certain malaise chez Alex qui desserra sa prise.
« Philipe ? »
Le vieil homme sourit avec un quelque chose de malveillant et éloigna lui-même les mains d'Alex de son cou.
« Ça fait longtemps, Monsieur le Vicomte.
_Ce n'est pas possible... »
Oui, ce n'est pas possible... Alex avait été vicomte ! Et il connaissait celui qui en avait après ma mère.
« Si vous voulez bien m'excuser, le maître m'attend.
_Quel maître ?
_Oh Monsieur, je n'ai certainement plus à répondre à vos questions. Le maître m'a promis de me laisser un bout de la petite, je préfère le prendre tant qu'il est encore chaud. »
Non... Non !
Alex ne réfléchit pas et s'élança dans une nouvelle course effrénée. Je n'étais pas bien... Une angoisse m'étreignit le cœur. Une nouvelle fois j'eus l'impression d'étouffer dans le corps d'Alex. Je n'avais plus envie ! Je voulais tellement sortir de cette prison mentale !
Mais le décor de la chambre d'hôtel était déjà revenu. La même odeur chatouilla le nez d'Alex mais avec encore plus de puissance, avant de s'évaporer lorsqu'il se dirigea vers la chambre, le salon étant vide. La porte était entrebâillée... Une main était au sol... inerte... Il poussa la porte... C'était le jour... C'était ce putain d'horrible jour ! Pourquoi ! Pourquoi Alex ! Tu étais si proche et tu ne l'avais pas sauvé ! Tu aurais dû rester ! Tu aurais dû... Je voyais du coin de son œil le corps mais je ne pouvais pas le voir... Je me rappelais que trop du visage pâle sans vie, sur la soie du cercueil... Alex frappa de rage dans le mur, fracassant au passage mon cœur déjà en miettes... Je pense que j'aurais ressemblé à une flaque si j'étais encore dans mon corps... Laissez-moi partir !
Ploc.
Alex se retourna subitement.
Ploc. Ploc.
Il chercha quelque chose des yeux alors que cet infime bruit se répéta, distinct alors qu'il semblait si bas. On aurait dit un bruit que j'étais incapable d'entendre en tant qu'humaine. Il finit par s'approcher du lit et s'accroupit pour jeter un œil en dessous... Oh mon dieu... Une main sur la bouche, les yeux fermées avec forces, les larmes les débordant, une petite fille y était cachée faisant tout pour ne pas faire le moindre bruit. C'était moi... Ce n'était pas possible... Impossible ! Je n'avais jamais vécu ça ! Et je n'aurais jamais pu oublier cette horreur ! Je n'aurais jamais pu oublier la mort de ma... le meurtrier de ma...
« Ne t'inquiète pas, il est parti, tenta un Alex pas sûr de lui mais d'une voix extrêmement douce. »
Je n'aurais pas pu l'oublier.
« Je ne te ferais pas de mal. Viens, je vais t'aider.
_Maman... »
La petite fixa les yeux du vampire... Je fixai les yeux brun-doré du vampire... et j'acceptai la main d'Alex pour sortir de ma cachette. Pourquoi ? Je ne sais pas. La filette que j'étais ne donnait pourtant pas sa confiance facilement. Avant même que je vois vraiment le corps de ma mère, je fondis en larmes encore. Alex me prit dans ses bras et cacha mon visage contre lui... Il me porta dans ses bras, toute tremblante de mes sanglots, et prit le combiné téléphonique composant rapidement un numéro d'une main.
« Veronica ? C'est Alexandre... J'aurais besoin d'un coup de main... Oui, un meurtre mais il y a un témoin cette fois-ci... Une petite fille, il faut que tu la fasses oublier. »
Quoi ? Oublier ? Il m'avait fait oublier ? Un blanc lumineux accueillit cette révélation douloureuse.
De la soie. De la soie blanche.
« Alex ? Tu as besoin de compagnie dans ton grand lit ? »
Le vampire sursauta quand la voix féminine aux accents dragueurs se fit proche. Non ! J'avais tellement espéré que ce soit la fin ! Je n'en pouvais plus ! Et je fus d'autant plus écœurée quand je vis en gros plan le visage de cette bimbo blonde russe... eurk...
« Qu'est-ce que tu fais là ?
_Elle s'est trompée de chambre. »
Sur le pas de la porte grande ouverte menant au couloir, un blond à la carrure travaillé et aux regard sombre souleva un sourcil taquin. Je remarquai rapidement le carnet qu'il sortit de sa veste. Comme Alex.
« Qu'est-ce que tu trimballes toujours avec toi ? Dans mes souvenirs, tu n'étais pas fan de l'écriture.
_Occupe-toi de remplir ta couche au lieu de regarder mes affaires, petit frère. J'ai l'impression que tu te ramollis. »
Il attrapa la blonde qui gloussa et la poussa à entrer dans sa chambre... avec son lit aux draps mauves...
Alex soupira, referma sa porte et replongea dans ses draps blancs. Un blanc qui rempli rapidement tout mon champ de vision. Puis le noir grignota les côtés lentement jusqu'à m'y laissé tranquille. Enfin le noir.
Une main dans un geste doux passa sur mes joues. Je m'agitai légèrement et soupirai me sentant tellement bien à cet instant alors que j'avais souffert dans le corps d'Alex... Euh... Bizarre dit comme ça...
Je m'étirai légèrement. J'étais allongée dans le lit pas très confortable de l'hôtel dans lequel j'avais pris une chambre. Derrière moi je sentais très bien la chaleur d'Alex qui me paraissait étonnement apaisante. Même après tout ce que j'avais vu... Le problème est qu'en y repensant, je ne savais pas vraiment comment réagir maintenant... Tout ce que j'avais appris, tout ce que j'avais vu... Je ne pouvais pas lui en vouloir pour la mort de ma mère, mais je ne pouvais pas faire comme si je ne lui en voulais pas d'avoir organisé mon oubli. Et en même temps n'avait-il pas fait ça pour apaiser une petite fille détruite par la vue du meurtre de sa mère ? Maman... Je suis tellement désolée... Si je n'avais pas été avec toi... Si tu ne t'étais pas inquiétée pour moi, peut-être que... peut-être que tu...
« Tu pleures encore. Je suppose que tu es réveillée. »
Je ne bougeai pas. Je n'étais pas sûre de pouvoir en parler, de pouvoir lui faire face. Il sentit peut-être mon hésitation, mon trouble puisqu'il passa un bras autour de moi et me serra contre lui.
« Ellie, dis-moi ce que tu as vu... Je ne pouvais rien contrôler, je ne savais pas ce que tu pourrais voir... J'ai vu ton visage se crisper, tes larmes couler... C'était si affreux ? »
J'ouvris la bouche mais rien ne voulut sortir. J'étais effrayée. J'étais effrayée car encore une fois perdue. Les sentiments étaient atrocement compliqués et... Sa main prit la mienne et il croisa ses doigts avec les miens.
« Ellie, si ce que tu as vu te rebute à ce point, je préfèrerais que tu me le dises tout de suite. Ne prends pas de pincettes. Je sais que je suis un monstre.
_Tu n'es pas un monstre. »
Je n'avais pas pu m'empêcher. Et c'est en laissant la première chose qui passait par mon esprit sortir que je me sentis mieux. Je devais arrêter de me torturer la tête, souffler un bon coup et dire ce qui me pesait sur le cœur.
« Je crois que je n'avais jamais pris conscience de ce que tu endurais, Alex... Je n'ai jamais pris le temps de te comprendre vraiment et...
_Dis pas de bêtises, Ellie. Je ne me suis jamais senti aussi bien qu'avec toi. Même en savant que j'étais un vampire, tu m'as considéré comme un homme avant tout... Bon, pas dans toutes les situations, changea-t-il de ton, un sourire audible dans sa voix, mais jamais je ne me suis perçu comme un monstre à travers ton regard.
_Mais je n'avais pas réalisé que c'était si dur d'être vampire, me retournai-je vers lui pour le regarder dans les yeux. J'ai senti ta douleur à la transformation, ton désespoir quand tu as réalisé et quand tu devais combattre ta nature. Et moi j'arrive et je t'accuse sans savoir, je suis déso...
_Chut, me coupa-t-il en posant un doigt sur mes lèvres. Je peux te jurer que tu es la personne qui m'a rendu le plus heureux depuis des lustres ! Depuis... la mort de ma...
_Mère ? »
Il me regarda intensément et fit un petit sourire.
« Tu l'as vu ?
_Oui... Elle était magnifique et... Je suis désolée pour... euh... Ton père... J'ai vu comment...
_N'en dis pas plus, je crois savoir. »
Le silence retomba et doucement il caressa ma mâchoire du bout des doigts. La tension montait... ou plutôt quelque chose d'autre ! Mais je devais encore lui parler de quelques petites choses.
« T'es sûr qu'il n'y en a pas une autre qui t'as rendu heureux ? »
Je baissais les yeux n'osant regarder sa réaction mais il me surprit en laissant échapper un petit rire
« Tu serais tombé sur une scène érotique ?
_Hum... Je l'ai évité de peu, on va dire. Je ne t'avais jamais vu... Timide.
_Moi ? »
Il éclata de rire.
« Ce n'est pas possible ! La seule fois où j'aurais pu être timide, c'est avec... »
Il capta mon regard éloquent.
« Ah mince... J'aurais préféré que tu ne vois pas ça.
_Parce que tu l'as vraiment aimé ?
_On ne sait ce qu'est l'amour que quand on l'a vraiment trouvé et je peux t'en donner une définition précise que depuis quelque mois. »
Je baissais à nouveau les yeux mais je ne réussis pas à éviter un petit sourire intimidé.
« Ouais, ouais, ce n'est pas ce que tu me disais quand je t'ai interrogé la première fois sur elle.
_J'ai vraiment été blessé ! Je croyais que c'était de l'amour et... Je pense en avoir ajouté un peu plus pour le câlin.
_Crétin ! lui donnai-je une petite tape sur son torse. »
Il intercepta ma main et la garda contre lui.
« Est-ce que tu as vu autre chose ? »
Je me pinçai les lèvres. Il devait vraiment bien me connaitre pour comprendre qu'il y avait quelque chose qui m'embêtait !
« J'ai vu ma mère...
_Oh... ferma-t-il les yeux, essayant de cacher l'émotion qu'il devait montrer. C'est moi ? C'est moi qui...
_Non... »
L'émotion m'étrangla et me râclai la gorge comme pour éviter aux larmes de monter.
« Tu es allé la prévenir... parce qu'un vampire avait repéré... sa fille... »
Il fronça les sourcils, cherchant sûrement dans sa mémoire et ouvrit de grands yeux.
« Oh non... Je suis tellement, tellement mais tellement désolé...
_De ne pas m'avoir reconnu ou de m'avoir effacé la mémoire ?
_D'être arrivé trop tard... »
Je le regardai et une vraie douleur semblait se lire sur ses traits tirés.
« J'aurais pu faire quelque chose de bien et je n'ai pas pu...
_C'est à toi d'arrêter maintenant. Tu aurais pu rien dire, mais tu l'as prévenu. Tu aurais pu ne pas revenir, mais tu l'as fait. Tu as essayé de la sauver et... Tu m'as sauvé, moi. Tous les vampires ne le feraient pas. Tous les humains ne le feraient pas !
_Tu... ne m'en veux vraiment pas ?
_Pas pour ça... Ma mémoire par contre... J'aurais pu venger ma mère depuis longtemps...
_Tu étais une petite fille fragile... Je ne voulais pas que tu vives dans ce monde... Je ne voulais pas que tu grandisses dans la peur...
_Je comprends... Mais je ne peux pas m'empêcher de penser que... Je ne pourrais jamais savoir qui traquait ma mère alors que... je l'avais su...
_Si ce n'est que ça, je peux te rendre tes souvenirs.
_Quoi ?
_J'ai fait appel à une sorcière pour t'enlever la mémoire. Cette même sorcière peut te la rendre.
_Vraiment ? Vraiment, vraiment ?
_Oui et elle en ville actuellement. »
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[Ancienne version] Une normalité bien trop vampirique ~ Tome 5 : PCM
FantasíaEllie vit une vie normale enfin presque... Son père travaille dans l'armée et lui inflige à elle et à son frère un entraînement pour qu'elle sache se battre, ce qui la rend moins fragiles que les autres filles. Mais elle n'évite pas les ennuis pour...