Je suis dans cette salle de danse depuis environ 30 minutes, avec pour seul compagnon le silence.
Pour mieux m'imprégner du lieu, j'essaie d'en ressentir les vibrations qui en ressortent. Vous pensez que je suis fou hein ? Pour moi, la salle de danse est un espace où le corps se libère, exprime les sentiments les plus profonds par le biais de mouvements: La joie de vivre comme la tristesse, l'amour comme l'amitié, mais aussi et surtout la douleur. Ce moment où il n'y a que vous et la musique, cette impression de voler au-dessus de tout et que plus rien n'a d'importance. Ce mode d'exutoire a aussi été pour moi une source de beaucoup de souffrance, par la pratique, mais aussi des sacrifices pour devenir ce que je suis.
La danse étant devenue ma raison de vivre, depuis ce jour où je l'ai vu danser sur scène. Cet homme à l'opéra Garnier a été pour moi LA révélation. Révélation sur ce que je voulais faire mais aussi et surtout qui j'étais vraiment. Depuis cet instant, je n'avais plus le même ressenti à la vue d'un homme, et surtout compris pourquoi les femmes ne m'attiraient pas. Moi Alexandre Durieux 17 ans, je venais de découvrir et d'admettre mon homosexualité.
Quelqu'un frappe à la porte, je me retourne et vois le manager arriver tout souriant.
- Comment allez-vous ?
- Bonjour. répondis-je en lui rendant son sourire. Je vais bien, je vous remercie.
- Ces deux jours se sont bien passé ? La maison vous plaît ?
- Oui, je vous remercie, j'en ai profité pour visionner quelques vidéos de prestations du groupe, évaluer leur niveau et réfléchir aux options de travail qui s'offrent à nous.Pour la maison, il faudrait être difficile pour ne pas l'aimer vous ne pensez pas ?
- En effet, me dit il en riant.
- Mais il y a un détail que je voudrais aborder avec vous , si vous me le permettez.
- Mais bien sûr, je vous écoute.
- La présence de la seconde chambre de groupe. Je veux dire, sommes-nous censé vivre ensemble ?
- Non, absolument pas. C'est juste une précaution. En effet, vous pourriez être amené, pour des raisons d'organisation ou de timing, à répéter, chez vous, et à dormir sur place. Mais rassurez-vous, ce ne sera qu'à titre exceptionnel, et uniquement si nous ne pouvons pas faire autrement.
- Ok je vois.
- Il faut que je vous laisse maintenant, le groupe ne devrait pas tarder à arriver et je voudrai les voir avant qu'ils ne vous rejoignent.
Il quitte la pièce et je me retrouve à nouveau seul. A titre exceptionnel, qu'il a dit, je l'espère. Car les imaginer passer la nuit avec moi, heu... je veux dire chez moi, m'enchante guère.
Au bout de dix minutes, le silence est de nouveau interrompu par une certaine agitation dans le couloir. Tout d'abord Kim apparaît tout sourire à la porte, suivi par le reste du groupe. Haesu, le rouquin, se tord de rire à l'instant où Jia in lui saute sur le dos tel un singe sur son arbre. Mijoo le benjamin, se fait ébouriffer les cheveux par Won Ju, la poupée aux cheveux roses. J'ai vraiment l'impression d'avoir des gamins face à moi. Junso, le grincheux, casquette, tête baissée et mains dans les poches, part s'asseoir dans un coin de la pièce. Takuya, Hyunso et Jong An sont les derniers à arriver.
- Monsieur ? Jong An, l'anglophone aux cheveux roses, excusez-moi, Heu... Bon voilà, on se demandait avec le groupe, comment doit-on vous appeler : monsieur, Hyung...? Enfin, on a presque le même âge..
- Alexandre, vous pouvez m'appeler Alexandre.
Les autres me regardent, certains essaient tant bien que mal de prononcer mon prénom. Mais je constate que ce n'est pas évident pour eux . Je réfléchis deux secondes .
- Ou Alex si vous préférez.
Le résultat n'est pas mieux vu la tête qu'ils font.
- Bon alors Al ?
- Oli ! Takuya le japonais aux origines françaises (très lointaines) vient de bondir sur ses pieds.
- Oli ? Quoi Oli ? Je pose la question en le regardant.
- Oli , France Oli !
Je le regarde surpris , Oli France, mais qu'est-ce qu'il veut dire ? Oli, Oli. Non ce n'est pas...
- Au lit ? Et je mime avec la tête sur le côté et mes mains soudées qui forment l'oreiller. Au lit tu veux dire ?
Takuya hoche de la tête et lève son pouce pour dire qu'il est ok, et tous les autres prononcent le mot.
Jong an me regarde et dit:
- Vous êtes d'accord pour Oli ?
- Mais . . . . .
Devant le contentement du groupe, je ne peux rien dire, je n'ai plus qu'à répondre au nom de « au lit »...Désolé maman !
- Va pour Oli....
J'attrape mon sac pour en sortir la clé USB qui m'a été confié.
- Kim , je te remercie, ça m'a bien aidé.
- Alors? Vous en avez pensé quoi ?
- J'aime bien votre style et vous êtes plutôt bons danseurs.
- Vous avez tout regardé ? Me demande Jong An.
- Oui, j'ai tout . . .
Je perds mes mots, dès l'instant où mon regard croise celui de Jia In. Les images de sa danse frénétique, ses gestes, la vision de son torse, son regard de tueur.
- ... regardé. Il fait chaud, d'un coup ou c'est moi ? Heu... bon... Si on commençait ?
Je me retourne, dos à eux. Je ferme les yeux et inspire profondément. Et là, je réalise une chose à laquelle je n'ai pas pensé.
" Alex, tu es un abruti ! "
Les murs de cette salle sont tous couverts de miroirs. J'ouvre mes yeux avec appréhension, et fort heureusement, je constate qu'ils ont tous repris le fils leurs conversations. Enfin presque tous. Grincheux, enfin, je veux dire, Junso, toujours dans son coin, me fixe d'un regard perçant avec le sourire au coin, comme s'il me disait "je t'ai vu mec ET je n'oublie rien...". C'est bien ma veine, Il a fallu que ce soit lui.
Plus ça va et plus il me tape sur les nerfs celui-là. Franchement, autant vous le dire tout de suite, j'ai déjà du mal à l'encadrer et j'ai bien l'impression que c'est réciproque et qu'il m'attend au tournant...
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DANS L'OMBRE DE TA DANSE
Roman d'amourJe suis danseur professionnel , il y a une semaine encore je recevais le Grand Prix Arabesque de danse contemporaine, ma consécration. Aujourd'hui je me retrouve seul , face à mes nouveaux élèves , 9 danseurs et chanteurs du même groupe, beaux comme...