18- Margot

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Margot

Tapie dans un coin, telle une souris guettant le moment opportun, se tient la silhouette longiligne de Margot. Elle écoute les révélations apportées par son ennemie.

Gabriel, son Gabriel a demandé en mariage la boniche de service ! Les poings serrés contre les hanches, la blonde laisse les crocs vicieux de la haine mordre les moindres recoins de son coeur, dévorant, sans pitié, le peu d'amour propre qui lui restait. Sa cage thoracique se comprime à mesure qu'elle entend les phrases dégoulinantes de romantisme d'Ava. Des mots empreints d'amour qu'elle avait tant espéré que son ami lui prononcerait un jour.

Au lieu de cela, la ballerine prend de plein fouet des coups de poignard, lacérant ses espoirs les plus fous. Il fallait se rendre à l'évidence, sous sa perfection indéfectible, elle a perdu le combat face à celle qui porte en elle tant de défauts. Ava a vaincu à plate couture Margot, la parfaite !

Mais, la ballerine n'a pas pour habitude de renoncer si aisément. Elle a été taillée tel un diamant, elle a encaissé la fatigue, les heures de labeur pour rendre son corps sourd à la douleur ; il en sera de même pour évincer cette usurpatrice de la vie de Gabriel. Peut-être ne sera-t-elle jamais son amante, mais elle refuse de céder sa place de meilleure amie. Pas une fois de plus !

— J'ai peur que ça ne change ta perception de moi et de tout ça ! dit Ava, des trémolos dans la voix.

— Eh...tu es mon amie, rien de ce que tu n'as pu faire ne changera tout ça !

Margot resserre davantage les poings. Elle penche sa tête plus près du battant de la porte, attendant patiemment que le piège ne s'ouvre devant elle. Et dire qu'elle n'a même pas eu besoin de chercher bien loin, son ennemie va lui livrer sur un plateau d'argent un cadeau inestimable : la vérité.

— Si je suis venue ici, c'était pour deux raison. La première, connaitre le Prince, mais surtout pour la compensation financière qui était promise. Nous étions endettées, je venais de perdre mon second emploi, j'avais besoin de cette sécurité, mais je te jure, je ne pensais pas tomber amoureuse de Gabriel. Tout ce que je désirais au départ c'était faire partie des Dames d'Honneur. Mais pas une minute, je pensais qu'il allait me choisir, moi !

Oh la la, tu le lui as dit ? Ava, il faut que tu avoues à Gabriel la vérité, histoire de clarifier les choses, mais je suis certaine qu'il le comprendra. Après, tu verras tu te sentiras mieux. De toute façon, ce n'est pas comme si tu lui avais dérobé de l'argent, non ?

— C'est vrai.

Parfait ! Une menteuse, voilà quelque chose dont Gabriel ne va pas apprécier. Assoiffé de justice, son ami n'a jamais supporté le mensonge et les coups bas. Qui plus est, le Prince n'a pas cessé de se coltiner des femmes qui en voulaient après son argent. Il suffit d'enjoliver un peu la vérité, de la saupoudrer d'artifices et d'affabulations et le tour est joué ! Et, dans sa tête toutes les pièces du puzzle se mettent une à une à s'assembler.

Margot, sourire aux lèvres, trottine dans les couloirs, faisant des pointes avec ses pieds nus. Elle s'imagine sur scène, triomphante sous les applaudissements des spectateurs ébahis. Là, elle laisse vagabonder ses jambes, flirtant avec le sol, ses bras ondulant au dessus de sa tête. L'air, tel des vagues, s'enrobent autour de ses poignets, enveloppe tout son être entier de bonheur. Ses épaules dessinent des cercles invisibles, ses orteils tracent sur le parquet des ronds discontinus.

La danseuse est pantelante d'émotions. Les souvenirs de sa vie passé refluent en elle, telles les vagues qui se fracassent avec violence contre les rochers escarpés. Le visage de son ami, leurs doigts entremêlés, les rires échangés, parcourent sa mémoire. La ballerine danse à en avoir mal au coeur, oscillant entre désespoir et tristesse, joie et mélancolie.

Elle laisse libre cours à sa créativité jusqu'à en avoir le souffle court, les yeux dégoulinant d'un espoir malsain. Sa danse est un peu comme le Naufrage de l'Espoir, ce tableau disparu du célèbre peintre Caspar Friedrich. Son amour pour Gabriel, elle vient tout juste de le voir sombrer, elle a décidé de le laisser couler au fond de son âme pour qu'elle ne sombre pas elle-même.

Maintenant, il s'agit de frapper fort, de porter l'estocade à Ava, de lui donner le coup fatal.

La ballerine avance triomphante vers la chambre de son ennemie. Le timing ne peut pas être plus parfait, Félicie n'est plus dans les parages. Avec même un peu de chance, cette dernière aura quitter le Palais.

Toc toc toc...

Oui, dit la voix enjouée d'Ava.

La porte grince. La brune affiche un air de déception lorsque ses yeux rencontrent ceux de Margot.

— Oh ! lâche-t-elle.

— Puis-je te parler ?

— Oui.

— Premièrement, je tenais à m'excuser pour ce que je t'ai dit ou fait. Je suis navrée.

La ballerine met dans sa voix les émotions qu'elle a l'habitude de laisser couler sur son visage lors des spectacles. À ce jeu-là, elle est parfaite. Elle s'apprête à lâcher en pleine face à cette vermine ce que Thomas n'a pas voulu lui avouer.

— Ok, j'accepte tes excuses, dit la jeune femme, visiblement sous le choc d'une telle parole.

— Aussi, je voulais te prévenir de faire attention à Thomas. Euh...je ne sais pas comment te le dire...Ok...lui et moi, vois-tu, on couche ensemble.

— Et ? En quoi ça me regarde ? Tu fais ce que tu veux avec qui tu veux Margot !

— Je sais...mais il m'a avoué quelque chose, lors de nos soirées libertines. Enfin, on se faisait des confidences. Je lui ai avoué que j'avais été vache avec toi, et lui... Voilà, tu te souviens quand il t'a invité à dîner ?

— Oui, et...

— ...Gabriel lui avait demandé d'essayer d'en savoir plus sur toi parce que tu as tellement de mal à t'ouvrir, il avait peur que tu caches des choses. C'est pourquoi Thomas t'a fait boire un virgin mojito, pas virgin, parce qu'il savait que tu ne tenais pas l'alcool, d'après Gabriel. C'est comme cela qu'il a su que tu étais là au départ pour l'argent.

— Non ! s'écrie la brune.

Bingo ! En plein dans le mille !

— Je suis navrée. Je ne savais pas que Thomas pouvait être aussi mauvais. Dans le fond, je sais que Gaby ne désirait pas te faire du mal, il désirait simplement que tu t'ouvres à lui parce qu'il tient à toi. Mais je préfère que tu te tiennes à l'écart de Tom, ses intentions ne sont pas très louables. Et puis s'il avouait tout à Gaby, je doute qu'il tienne le coup. Il en a tellement eu marre des filles qui lui courent après pour de l'argent. Il penserait que tu es comme toutes les autres qu'il a côtoyées dans le passé. Mais, t'inquiète, avec moi, ton secret est bien gardé. Je me charge de Thomas.

— Je...

Les yeux d'Ava, ourlés de longs cils, se perlent de larmes. Voilà qui est parfait, elle va se mettre à larmoyer. Une vraie plaie cette fille !

— Je te laisse.

Margot regagne sa chambre, satisfaite d'avoir lâché la bombe. Il n'est plus qu'une question de temps, elle est prête à exposer d'ici quelques heures à peine. Elle sera là pour ramasser Gabriel, sûrement en mille morceau.

Voilà voilà...la suite dans la semaine, Marie.
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LOVED #wattys2017Où les histoires vivent. Découvrez maintenant