Partie 8

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Je garai la voiture juste devant la bâtisse principale de notre grande maison familiale et je m'en extirpai saisissant sur le siège passager le bouquet de fleur destiné à ma mère. Je montai les escaliers conduisant au hall/entrée principale en faisant de grandes enjambées. Là je croisai dame Esther. Elle était notre gouvernante depuis plus de 20 ans et je lui portais une affection et un respect tout particulier parce qu'elle nous avaient toujours traité mes sœurs et moi comme si nous étions ses propres enfants. Je ne fus alors point surpris lorsqu'elle déposa le grand agenda qui occupait ses mains pour venir à ma rencontre. Comme si j'étais encore un enfant, elle me saisit les deux avants-bras et elle me colla un gros baiser sur la joue gauche. Elle avait toujours fait ainsi et moi en échange, je l'enlaçai la soulevant légèrement du sol. Cette femme m'avait vu grandir et elle n'avait jamais manqué aucune occasion de me montrer son amour. Je souris heureux de retrouver le cocon familial. Tout cela m'avait affreusement manqué d'autant plus que la maison de mes parents, la maison où j'avais grandi était un endroit vraiment spécial.

-Esther, veuillez lâcher mon fils je vous prie! Il est venu voir sa mère.

L'apparition de ma magnifique mère nous arracha un rire à Esther et à moi. Elle était extrêmement possessive. Même si elle permettait à Esther de nous aimer mes sœurs et moi, elle n'accepterait jamais que celle-ci joue un temps soi peu son rôle. Nous l'avions tous compris depuis tout ce temps. Je lachai donc Esther et je me dirigeai vers ma sublime mère, peau ébène dont l'âge n'avait absolument pas altérer la beauté. Je l'enlaçai avec affection avant de m'éloigner et de l'observer. Cette femme demeurait fortement séduisante et même le fait que je sois son fils ne m'empêchait de le remarquer.
Et pourtant, malgré cette grande beauté elle s'empêchait de vivre, d'être heureuse. Elle était devenue amère depuis le départ de mon père. Que dis-je? Sa disparition! J'en étais arrivé à haïr cet homme qui avait effacé à tout jamais le sourire sur les lèvres de ma mère. Il l'avait transformé en une femme rigide, sévère et exigeante. Il l'avait transformé en une femme qui espérait encore et encore de le voir revenir. Une femme qui n'ouvrait encore les yeux que pour voir ses enfants, rien d'autre. Parfois il m'arrive même de croire que si nous n'étions pas là, elle se suiciderait. En tout cas, il y avait de grandes chances.

-Maman, ceci est pour toi; dis-je en tendant le bouquet de fleur à ma mère
-Oh mon cher petit garçon ! fit-elle récupérant le bouquet d'une main et me tapotant la joue de l'autre main. Toujours aussi galant.
-Et toujours aussi en retard! s'exclama la douce voix de ma petite sœur Irina

J'esquissai un demi-sourire avant de me retourner vers elle. Elle n'avait pas perdu un gramme depuis ces trois mois. Au contraire, ses joues me semblèrent encore plus pottelées qu'à l'habitude. Que les femmes de ma famille était belles! Ma relation avec Irina était assez particulière. On s'entendait extrêmement bien. Elle était respectueuse, affectueuse et bienveillante. C'était pour moi un réel plaisir de la voir.

-Et toi? Tu n'as toujours pas lâché le pot de mayonnaise à ce que je vois.
-Hé! fit-elle mimant d'être vexée. Je ne te permet pas inh. Ce n'est pas parce que toi tu aimes les cure-dents que d'autres n'aiment pas la bonne viande.
-Toujours aussi convoitée donc? questionnai-je
-Et comment?! s'exclama t-elle en faisant un tour complet sur elle même

Dame Esther et moi eclations de rire bien habitués au caractère enjoué d'Irina. Ma jeune sœur était une vraie boule de joie.

-Trêve de barvadage! intervint ma mère qui avait l'air profondément agacée par nos futilités. Comme ta sœur te l'a dit Carin, tu es en retard. Passons donc à table! Esther, faites nous servir les plats je vous prie.

J'haussai les sourcils en roulant des yeux déclenchant un rire furtif chez Irina. Les grands airs de notre mère ne nous avaient jamais plût mais nous nous y accomodions. Et depuis le départ de notre père, le phénomène s'était empiré. Elle était devenue très droite, très protocolaire et un peu snob mais bon, elle demeurait tout de même notre mère.
Sur ces mots, elle nous devança Irina et moi traversant la salle de sejour pour finir dans la salle à manger au centre de laquelle se trouvait une table rectangulaire de six places ornée d'une belle nappe brodée. Ashley, ma sœur aînée occupait l'un des sièges. Elle ne daigna même pas se retourner à notre entrée dans la salle, ce que je compris parfaitement. Elle et moi avions des relations très conflictuelles. Elle était tout le contraire de ma chère Irina. Elle était amère et médisante. Notre mère prit place au bord de la table, jetant un regard mélancolique au côté opposé que notre père occupait auparavant. Ces réunions de familles étaient très douloureux pour elle mais elle persistait à en organiser car elle voulait que rien ne change. Elle voulait que la famille reste toujours aussi soudée. Et moi pour éviter de la voie souffrir ainsi, je manquais autant ces réunions que possible. Ces mascarades comme je me plaisais à les appeler mais on ne peut pas éviter sa famille pour toujours.
Je pris place près d'Irina, face à Ashley croisant le regard dur de celle-ci. J'étais un peu trop de bonne humeur pour qu'elle me gâche ma journée alors je choisis de l'ignorer. Dame Esther entra dans la pièce suivie de deux domestiques qui portaient l'entrée du repas à bout de bras. Ma mère lui remit le bouquet de fleur qui occupait ses mains en la priant de s'en occuper. Les domestiques posèrent en face de chacun de nous, un plat contenant l'entrée. En le découvrant, je soufflai un peu d'agacement et un peu de colère. Il s'agissait de verrines contenant de la crème brûlée au foie gras. Il s'agissait d'une entrée composée principalement de foie gras, de lait, d'oeuf et de sucre. C'était l'entrée française préférée de notre père et il nous l'avait fait découvrir depuis tout petit. Personnellement il s'agissait d'un plat que je n'affectionnais pas trop. À chaque repas, c'était la même scène, ma mère glissait un des plats préférés de notre père au menu. Au début, elle expliquait que c'était un moyen de le respecter, de l'avoir en mémoire mais selon moi elle était dans un déni complet. Elle faisait sûrement cela car elle espérait qu'il ne débarque à une de ses réunions familiales et qu'il retrouve exactement ce qu'il aime. Elle se refusait à croire qu'il était partit pour de bon et cela me désolait franchement. Je m'abstins néanmoins de tout commentaires.
Ce qui ne fut pas le cas de ma mère lorsque les domestiques se retirèrent.

Entre coups et amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant