Partie 27

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-Dites moi plutôt pourquoi vous ne laissez pas les gens vous traiter de la sorte?

Ma question était pleine de sens mais la réponse qu'il me donna ne l'était pas moins.

-Dans la vie, on ne donne rien sans rien. Les gens vous traitent bien uniquement lorsque vous avez quelque chose à leur donner en retour.
-De quoi parlons-nous? reprit-il. Je vous parle du respect et de l'amour. Ces choses là sont purement gratuites. Vous avez tort de penser comme vous le faites.
-L'amour et le respect... Ma propre mère m'en a privé parce que je n'avais rien à lui offrir en retour. Rien! Je n'avais pas ce que ses amants possédaient.
-Vous avez une vision obscurcie de la vie; argumenta Yves. Mes parents sont morts alors que je n'étais encore qu'un enfant. Je me suis retrouvé seul ou du moins presque. J'avais une femme merveilleuse dans ma vie. Désirée, ma soeur aînée. Cette femme m'a apprise que le poids de notre poche n'est pas un paramètre valable pour le respect et l'amour. Seul le poids de notre coeur compte.

J'éclatai d'un rire sombre malgré moi. Un rire emplie de tristesse et de mal-être.

-Alors je n'ai que ce que je mérite car mon coeur ne vaut rien et vous le savez. Je suis une femme horrible.
-Non; me répondit-il en prenant ma main et en esquissant le sourire le plus léger que j'avais vu de toute ma vie. Ce qui est bien, c'est que ni nos cœurs, ni nos âmes n'ont de compteurs. Nous pouvons repartir à zéro dès que nous le souhaitons. Dieu est plus clément avec les pécheurs qu'avec les saints. Peu importe ce que vous avez pu faire par le passé, l'important c'est de vous repentir. Une fois cela fait, vous méritez autant d'amour et de respect que n'importe qui.

Les paroles du chauffeur étaient si profondes que j'oubliai sa fonction pendant un moment. J'avais juste en face de moi un homme sage.

-Votre soeur est un ange. Si ma mère avait eu le quart de sa bienveillance envers moi, ma vie serait tout autre.
-Je ne sais pas ce que votre mère vous a fait mais si je vous ai conduit ici, c'est pour que vous puissiez comprendre que votre vie peut prendre un nouveau tournant dès que vous le décidez. Je veux que vous compreniez que vous pouvez pardonner aux autres et à vous même. Je veux que vous sachiez que vous avez le choix. Je vais vous laisser partir.
-Pardon? dis-je alors même que j'avais clairement entendu ce qu'il venait de dire.
-Je sais que votre époux vous retient dans cette maison contre votre gré et que je suis en quelque sorte votre geôlier. Je sais ce que vous subissez entre les quatres murs de votre chambre dès qu'il vous rend visite alors aujourd'hui je vous donne la possibilité de reprendre votre vie en main.
-Carin vous tuera...
-Il n'est pas Dieu! fut son unique réponse.

Il faisait preuve d'une grande bravoure et d'une bonté inqualifiable. Le sentiment qui m'avait envahit ce matin refit surface. Il me faisait du bien sans rien demander en échange et cette sensation de ne rien devoir hormis ma gratitude était indescriptible. Je me penchai vers lui alors qu'il tenait encore ma main dans la sienne et je rapprochai ma bouche de la sienne. Comme ayant compris mon intention, il recula et me lacha la main.

-Je ne vous ai pas vendu ce service alors ne pensez pas à me payer de la sorte.
-Je ne le fais pas pour vous remercier; me défendis-je. Je le fais car je viens de comprendre que vous me plaisez mais je comprends qu'au vu de votre relation avec Irina, vous...
-Quelle relation? fit-il en fronçant les sourcils.
-Je vous ai vu ce matin; lui dis-je
-Il n'y a jamais rien eu entre elle et moi et c'était d'ailleurs la première fois que l'on avait une discussion.
-Alors pourquoi refusez-vous mon baiser? m'offusquai-je
-Tout simplement parce que je vous respecte. Allez-vous construire puis revenez et demander le divorce à votre époux. Revenez lorsque vous serez sûr de lui faire face sans qu'il ne puisse lever la main sur vous.

Il n'y avait plus rien à dire. Il me faisait le cadeau d'une nouvelle vie et même si je venais de me rendre compte qu'il me plaisait, il ne pouvait faire partie de cette vie. Je me penchai donc et je déposai ma tête sur son épaule lasse de réfléchir à comment me reconstruire. Lasse de penser à comment me protéger, je soufflai pendant que pour une fois dans ma vie, quelqu'un me protégeait. Nous restâmes dans cette position une bonne demi-heure puis il se leva comme si de rien n'était. Sous mon regard étonné, il s'éloigna sans même me dire un au revoir. Je compris tout simplement que certaines personnes n'aimaient pas les adieux alors je l'observai s'eloigner incapable de le retenir.

Entre coups et amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant