Partie 32

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Une petite bosse pointa son nez sur mon ventre. Désirée avança sa main pour caresser le petit chenapan qui s'amusait à me déformer le ventre. Oui, j'avais finalement gardé cette grossesse. J'étais vraiment obstiné trois mois plutôt car je ne savais pas ce que je pouvais offrir à un enfant, moi qui n'aimait et ne désirait qu'une vie de luxe. Alors que ma propre mère ne m'avait rien inculqué, que pouvais-je donner à un enfant? De plus ma situation actuelle n'était pas du tout reluisante. Yves et sa sœur avait bien tenté de me convaincre. J'avais eu droit à tout les conseils possibles pour garder cette grossesse mais je n'en voulais tout simplement pas. Je ne m'imaginais pas du tout avec cette charge. Ils avaient alors décidé de respecter ma décision malgré le fait qu'ils n'avaient même pas les moyens de me faire voir un vrai gynécologue. Désirée avait dû recourir à ses connaissances en médecines traditionnelles pour me préparer une décoction qui était sensé me faire avorter. Mais ce jour là, l'idée de tuer une vie en moi me fit tellement trembler que je laissai tomber la tasse. Je m'en voulus sur le coup car il s'agissait là des dernières économies du frère et de la sœur mais je me rendis aussi compte que je m'étais plus attaché à cet petit être qui grandissait en moi que ce que je ne le pensais.  Je ne concevais pas de le tuer car je l'aimais alors même que je venais d'apprendre son existence.

-Il bouge beaucoup n'est-ce pas? me questionna Désirée

-Oui, énormément mais j'aime cette sensation. J'aime le fait de le sentir vivre en moi.

-Tu penses que ce sera quoi? Une fille ou un garçon?

-Je sens que c'est un garçon vu comme il bouge là mais peu m'importe. Je l'aimerai quoiqu'il en soit.

-C'est bien Mélaine; murmura Désirée.

Au contact de cette femme, en à peine trois mois, j'avais appris ce que c'était que l'amour et le sacrifice. Elle ne me connaissait ni d'Adam ni d'Ève mais elle avait accepté sans y penser à deux fois de partager le peu qu'elle possédait avec moi. Nourriture, vêtements et bien plus. Sa santé se dégradait de jours en jours et elle faisait tout son possible pour nous le cacher. J'en avais parlé avec Yves à plusieurs reprises et il avait décidé de contracter un emprunt auprès de l'une de ses connaissances pour que Désirée puisse continuer ses chimiothérapies. Il devait avoir déjà récupéré l'argent à cette heure ci. Nous avions décidé de ne rien dire à Désirée car elle n'aurait jamais accepté que cet argent soit utilisé pour elle. Elle aurait préféré que l'argent soit utilisé pour mes soins prénataux. Nous préférions donc la mettre devant le fait accompli car nous tenions à elle. Je me surprenais à sourire en pensant au mot « nous » que j'employais maintenant. En l'espace de quelques mois, ce frère et cette sœur étaient devenus ma seule famille et mon seul repère sur terre.

-Désirée ! lança Yves en courant vers nous dans la cour

Effrayée par l'apparence d'Yves, je me levai et Désirée en fit de même. Il était blême comme s'il avait vu un fantôme et ses mots me confirmèrent qu'il avait effectivement rencontré un spectre.

-Tu l'as vu où ? m'enquis-je une main sur le ventre et l'autre sur le cœur

-Il ne t'a pas suivi? questionna Désirée en regardant par dessus l'épaule de son frère.

-J'aurais dû demander aux gens du quartier de lui régler son compte; pesta Yves

-Non!criai-je involontairement

Le regard qu'Yves me lança était explicite. Il n'avait pas apprécié ma réaction. Il nous planta là, sa sœur et moi mais ne comptant pas laisser un quelconque malentendu, je le suivis prête à m'expliquer.

-Ce n'est pas ce que tu crois! lui lançai-je alors qu'il me distançait

-Et qu'est-ce que je pense? hurla t-il en se retournant brusquement. C'est le père de ton enfant alors tu le défends.

Entre coups et amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant