Chapitre 1

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" Papa !

- Ma chérie, viens me voir..."

Emilie essaya de s'approcher de son père. Mais ses jambes ne lui répondaient plus. Elle voulut baisser la tête, pour trouver la source de son problème, mais elle n'y parvint pas. Elle voulut crier, appeler son père, avant qu'il ne s'en aille, qu'il traverse cette route, face à lui, mais elle n'y arriva pas non plus. Au moment où le camion arrivait droit sur son père, qui, les yeux rivés sur son écran de téléphone, avait fait un pas sur le goudron noir, elle se réveilla en sursaut.

"Mince ! Il est déjà huit heures !" se dit-elle tout haut, en regardant son réveil, posé sur sa table de chevet. Elle allait être en retard pour sa première heure de cours. Elle se leva rapidement, et, tout en s'habillant, repensa à ce cauchemar qui l'avait réveillé. Pour une fois qu'il lui avait rendu service... Elle revivait ce cauchemar une nuit sur deux, au moins, depuis que son père était décédé dans un accident de la route. Il s'était fait renverser, alors qu'il jouait à un jeu idiot, toute son attention prise par un jeu vidéo auquel il ne pourrait plus jamais jouer. Elle ne comprenait pas son attitude. C'était lui, d'habitude, qui la réprimandait pour ce genre d'erreur, en lui répétant à chaque fois que l'occasion se présentait, que c'était un risque qu'il ne valait pas la peine de prendre. Un risque qui ce jour-là lui avait coûté la vie. C'est incroyable comme les rêves peuvent rappeler les mauvais souvenirs, et les faire revivre avec quelque fois plus de force que la situation réelle.

Tout en essuyant d'un revers de main ses yeux où des larmes commençaient à apparaître, elle se précipita sur son sac de cours, attrapant au passage une part de brioche et un jus de fruits, et referma la porte de son appartement. Il était 8h14. Peut-être aurait-elle le temps de parcourir le trajet entre le bas de son immeuble et son arrêt de bus, avant que son moyen de transport n'arrive.

Emilie courut aussi rapidement qu'elle le put, et arriva, elle le sut car elle vit le bus arriver, juste à temps. En montant dans le bus, encore tout essoufflée, une vague de chaleur l'envahit. Qu'est -ce qu'il faisait bon ! Dommage qu'il n'y ait plus de place assise, elle aurait bien dormi quelques minutes de plus que sa trop courte nuit.

En arrivant devant l'entrée de son lycée, et ayant déjà oublié son mauvais rêve, elle se souvint qu'elle devait déposer une lettre au secrétariat du lycée, expliquant qu'elle serait absente quelques jours, le temps d'aller à l'enterrement de son père, en Suède, son pays d'origine. Elle regarda sa montre. Il était 8h27, ce qui lui laissait trois minutes pour effectuer le trajet entrée-du-lycée-secrétariat-salle-de-maths. Sachant qu'il était interdit de courir dans les couloirs, et qu'elle ne voulait pas prendre le risque de se faire coller en fin de journée, elle se mit à marcher le plus vite possible. Elle déposa sa lettre dans la boîte prévue à cet effet, devant le bureau de l'ancienne secrétaire, fermé depuis qu'elle avait démissionné. C'était un des surveillants de l'établissement, présent une heure tous les jours pour les cas les plus urgents, qui s'occupait de transmettre le contenu de cette boîte à la directrice.

Après avoir déposé sa lettre, Emilie fit demi-tour et regarde sa montre. Il était 8h31. C'est-à-dire une minute en retard pour son premier cours de la journée. Malgré l'interdiction, elle se mit à courir. Allez, plus que trois couloirs... plus que deux... plus que... BAM !

Son sac de cours vola à deux mètres derrière elle. Elle venait de percuter quelqu'un, tout aussi pressé qu'elle, apparemment. Elle leva la tête, encore tout étourdie du choc, et sa vision se fit plus nette. Le garçon qui l'avait bousculée était aussi à terre.

"Tu vas bien ? lui demanda Emilie.

- Oui... oui, ne t'inquiète pas, lui répondit-il. Et toi, ça va ?

- Oui, à peu près. Il est interdit de courir dans les couloirs ! lui dit-elle d'un air espiègle, en rigolant à moitié."

Le jeune homme se mit debout, et aida Emilie à faire de même.

"Merci. Et sinon... tu t'appelles comment ? lui demanda-t-elle.

- Benjamin. Et toi ?

- Emilie. Sans accent sur le "e". Enchantée de faire ta connaissance.

- Moi aussi, même si j'aurai aimé que ce soit moins brutal, dit-il en riant. Pourquoi est-ce que tu précises "sans accent sur le "e"" ?

- Excuses-moi, c'est une habitude. C'est parce qu'à chaque fois que quelqu'un écrit mon prénom, il l'orthographie mal. Alors depuis un moment, quand je me présente, je précise ce petit détail, qui fait toute la différence, pour moi. Désolé, mais j'ai un cours de maths, et je suis déjà très en retard...

- Oh... Excuses-moi de t'avoir retenue, alors. Vas-y, dépêches-toi ! Salut !

- Salut ! lui répondit-elle, tout en s'éloignant."

Et elle se remit à courir, en se disant que sa journée n'avait pas si mal commencé, finalement.


Et si... L'Univers n'était pas infini ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant