Ethrian IV - Lila

Acte I, scène 4.

Lila.

LILA, seule dans sa chambre, assise au bord de son lit — Enfin, ils ont disparu de ma vue. Tous ces gens, toute cette agitation, j'étouffais ! J'avais beau ne pas répondre, ils continuaient à me questionner. Une fois, deux fois, cent fois. Même leur guérisseur s'y est mis ! J'ai cru craquer lorsque Gina, pleine d'espoir, s'est montrée. J'avais tant l'envie de la serrer dans mes bras. Pourtant, je ne pouvais pas. (avec une moue de dégoût) Le contact me répugne désormais. Je l'accepte difficilement. Et quand on touche ma peau trop longtemps, je commence à trembler. Le monde vacille autour de moi et j'ai l'impression de mourir. Le médecin s'en est vite rendu compte. En revanche, a-t-il cessé de poser ses mains grossières sur ma chair ? Non, non, loin de là ! Il l'a encore davantage fait ! A un tel point que j'ai vu noir plusieurs secondes.

Lila se lève brutalement et débute les cent pas.

LILA — Quel homme insupportable ! A part établir une liste de mes blessures, il ne m'a en rien aidée. Et puis, quelle impudence ! Cet idiot fut tout souriant de découvrir et d'expliquer à ma sœur la raison de mon mutisme et de mon malheur. Comme s'il fallait être un génie pour le comprendre ! Il a aperçu des bleus sur mes hanches, - qu'il fait chaud dans cette maudite pièce ! - sur ma nuque et a remarqué un mouvement de recul quand il m'a examinée de plus près. Il ne lui en a pas fallu plus pour s'exclamer à voix criarde que j'avais été abusée. S'il aurait été mon serviteur, je l'aurais fait exécuté - est-ce possible de faire aussi chaud ?! -, exécuté pour autant d'insolence !

Elle ouvre les fenêtres et profite quelques instants de la fraîcheur d'une nuit nouvellement tombée.

LILA — Mon mari a disparu, ma maison a été décimée, je n'ai pratiquement plus d'amis vivants et je parviens tout de même à penser à une exécution. Je présume que le choc me fait parler. (tremblante) Mais j'ai si peur ! (les larmes lui montent) La nuit dernière était si effroyable. Je désirais tant vivre que j'ai supplié les malfaiteurs. Je me suis rabaissée. Je n'aurais pas dû ! Au lieu de mourir, mon corps a été profané ! (tape violemment le sol) Peut-être aurais-je dû les laisser me trancher la gorge ?... Toutefois, je ne regrette pas. Je devrais ; mais non.

Lila se retourne et glisse le long du mur.

LILA, libérant ses larmes — Une passion dévorante m'anime maintenant ! Tantôt, le médecin a déclaré que j'étais très brave pour résister à ce point au chagrin. Il se trompait. Je ne résiste guère, au contraire. Je l'ai laissé m'entraîner et m'englober. Je ne vis que pour une chose, un sentiment horrible que je ne souhaiterais à personne. (hausse le ton et la voix grave) Un sentiment de vengeance. Qui me pousse à me relever. Qui m'oblige à désirer plus que tout la mort ! Je veux voir le sang de ceux qui m'ont agressés ruisseler à mes pieds. Je veux les voir pourrir, se décharner devant moi. Je veux que leurs corps putrides gisent tels des décorations au-dessus de l'âtre ! Je veux les brûler ! Et répandre leurs cendres au sein de leur famille pour leur rappeler qu'ils ont détruit la mienne !