Acte I, scène 5.

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Lila, Morran et Kith.

MORRAN, devant ces fenêtres ouvertes — Je n'ai jamais entendu une femme parler ainsi ! Vous semblez redoutablement menaçante.

Lila se lève brusquement, les yeux écarquillés. Elle s'apprête à fermer les fenêtres, mais Morran l'arrête.

MORRAN Vous me faites penser à feu le Tyran d'Ethrian. Je me souviens d'une nuit où il avait maudit des voleurs qui lui avaient dérobés des joyaux de sa collection privée. Deux jours plus tard, les voleurs étaient lapidés sur la place publique, torturés, puis décapités. Le Tyran était un homme incroyable de par son épouvantable terreur qu'il parvenait toujours à diffuser en un claquement de doigt. (en souriant, narquois) Qui êtes-vous ? Et qui sont les malheureux qui, je l'espère pour eux, ne croiseront pas votre chemin ?

Lila appuie plus fortement contre les fenêtres pour les refermer, mais Morran exerce une pression supérieure à la sienne.

LILA Veuillez partir sur le champ, Monsieur ! Je ne suis point d'humeur à entretenir une conversation !

MORRAN C'est exactement ce qu'aurait dit le Tyran. Je ne vous ai jamais rencontrée par ici et je viens souvent dans ce domaine. J'en déduis que vous n'êtes pas là depuis longtemps. Quel est votre nom, douce demoiselle ?

LILA Partez ! Je ne le répéterai pas plus ! Je suis déjà bien trop aimable de ne pas avoir appelé les gardes.

MORRAN Serait-ce une menace ? Mais ai-je mérité une telle aversion ? C'est la première fois que nous nous rencontrons et je vous assure que vous ne me faites pas bonne impression. Néanmoins, je connais la compassion. Alors, je vous laisse une dernière chance. Déclinez votre nom, je vous prie.

LILA Je ne vous dois rien ! Gardes ! Gardes !

MORRAN Les gardes patrouillent à cette heure-ci et je n'en vois aucun posté devant votre porte. Vous ne devez pas être une invitée importante.

LILA, perdant patience — Gardes !

MORRAN Au vu de vos blessures, de votre tenue simpliste et de votre angoissant discours, je dirais que vous êtes une des catins que mon frère se plaît à recueillir.

Un silence de quelques secondes tombe entre les deux. Morran sourit, goguenard, tandis que Lila est à deux doigts de lui bondir dessus. Elle lâche les fenêtres, faisant momentanément vaciller Morran qui se rattrape vivement.

LILA Une... ? Une Catin ? (rit nerveusement) Je vous félicite, vous venez de signer votre arrêt de mort. J'exige votre nom et votre statut ! Je ferai un rapport au maître de ces lieux et vous serez pendu.

MORRAN Quelle jolie promesse dont vous me faites l'honneur ! Peut-être me suis-je fourvoyé, mais vous ressemblez fortement aux catins sauvées par mon frère. N'y voyez point là de honte.

LILA Taisez-vous ! Votre voix m'irrite au possible. Donnez juste votre nom et rang. Je pourrais faire preuve d'indulgence si vous partez tout de suite.

MORRAN, une moue contrariée — Je crains alors de devoir mourir demain. Ne nous énervons pas, très chère. Passons un marché ; je vous donne mon nom et vous faites de même. Cela vous convient-il ?

LILA Dépêchez-vous ma patience ne tardera pas à atteindre son paroxysme !

MORRAN Bien, bien ! Ne soyez pas si exigeante ! (marque une pause) Ma douce, vous vous êtes mesurée à Morran. Je suis le cinquième Prince et fils du Roi de la Couronne d'Ethrian, petit-fils du Tyran, frère du maître de ces lieux, Grand Duc de Casterfold et possesseur des provinces d'Ospel. Pouvez-vous rivaliser contre ceci et demandez ma mort à mon propre frère ?

Lila ne prend pas la peine de répondre et ferme les fenêtres sans que Morran ne puisse réagir. Il toque, mais, au bout de nombreuses secondes, il abandonne.

KITH Que faites-vous ici, mon frère ? Je vous croyais déjà reparti pour le Palais Royal où vous séjournez.

MORRAN J'étais en route, effectivement, mais une adorable voix a attisé ma curiosité.

KITH, inquiet — Avez-vous rencontré la femme qui se trouve dans ce pavillon ?

MORRAN Qui est-elle ? Elle a refusé de me le dire.

KITH, rassuré — Elle ne parle tout simplement pas. Ne vous en formalisez pas. En ce qui concerne son identité, vous le saurez demain avec nos autres frères. Le Roi nous convoque tous les six. Notre présence est obligatoire.

MORRAN Je ne manquerais pas de venir. Surtout, si je peux recroiser cette jeune femme ! D'ailleurs, pourquoi affirmez-vous qu'elle ne parle pas ? Je jure que sa langue est bien aiguisée.

KITH, surpris — Vous aurait-elle adressé la parole ? Depuis ce matin, nous essayons de la faire répondre, mais nul n'a réussi. Auriez-vous accompli un miracle ?

MORRAN Vos révélations m'étonnent ! Cette demoiselle parle bel et bien. Peut-être même avec trop d'arrogance.





Ethrian IV - LilaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant