10 - Toxique

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« Malgré toutes les preuves d'amour que je lui donnais, il continuait à me reprocher les avances des autres hommes. Et notre relation s'assombrit au rythme de nos disputes.

J'avais beau le rassurer, il fuyait.

Lâche qu'il était, sa première réaction fût de s'effacer. Il essaya de rompre plusieurs fois, ne donnant plus de nouvelles. Il m'expliquait qu'il ne me méritait pas, que nous étions trop différents, qu'il n'aurait pas dû espérer quoi que ce soit de moi...

Mais je revenais toujours vers lui, m'offrant chaque fois un peu plus.

Ce don de moi-même qui, je croyais, allait finir par le convaincre de mon sincère attachement à sa personne, n'eut pas l'effet escompté. Je me mis en position de faiblesse.

J'offris mon flanc et il le dévora.

Rongé par la rancœur, incapable de surmonter ses angoisses, il projeta ses névroses sur moi et commença à me détester. Mais son désir pour moi s'en trouva décuplé.

Il transforma sa haine en hargne. Et lors de ces moments toxiques où ses humeurs étaient les plus sombres, il avait au fond des yeux quelque chose de terriblement effrayant.

Mais pas autant que ce que je pouvais voir dans les miroirs...

Moi qui avait cherché à fuir mon reflet durant toutes ces années, j'avais, ces derniers mois, multiplié les miroirs dans mon intérieur pour me permettre d'apercevoir mon visage lorsque j'étais avec lui.

Les visions restaient fugaces et troubles. Mais la personne que je voyais dans ces instants ne me ressemblait plus. Elle n'était plus vraiment moi. Elle était comme une déformation de moi.

Des traits tirés lui donnaient l'expression d'une beauté froide, un peu fanée. J'avais parfois l'impression d'y lire la même expression de dégoût que Benoit pouvait parfois afficher quand il me regardait.

Je repensais à la galerie des glaces et à ces miroirs déformants qui étirent ou contractent votre reflet. Nous avions tellement rit ce jour-là. Mais ici l'image n'était plus du tout sereine ou simplement comique. A qui était ce visage ? Etait-il toujours le mien ?

Et puis il y avait ce corps. Je l'entrevoyais, nu, silhouette inconnue et pourtant épouse de mes mouvements, caricature de moi-même, de mes courbes exacerbées, vulgarisées, pornographiées...

Je ne voulais pas y croire. Mon esprit me jouait à nouveau des tours. Je cherchais à me rassurer en fermant les yeux.

Pourtant... »



La Femme Sans VisageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant